Chargé de projets « Analyse de la mobilité » au Certu
Quelles sont les principales évolutions observées durant la période 2000-2010 dans les grandes agglomérations ?
Durant cette période, il y a eu une rupture dans l'évolution de la voiture dans les grandes agglomérations. Depuis le milieu des années 70, nous observions une hausse continue de son usage. A partir des années 2000, les premières enquêtes que nous avons menées à Lyon et à Lille montrent une baisse de la part des déplacements en voiture. Cette tendance s'est confirmée ensuite dans toutes les enquêtes ménages-déplacements réalisées. Elle se situe entre 45 et 65 % des déplacements. Certaines villes présentent les meilleurs résultats comme Strasbourg, Lyon, Grenoble - qui historiquement ont toujours eu des politiques volontaristiques - pour d'autres la culture des transports est moins évidente.
L'image de la voiture a également été modifiée : une enquête TNS Sofres et du groupe chronos (1) relève que 18 % des personnes considèrent que la voiture n'est pas un mode de déplacement d'avenir.
Enfin, la mobilité individuelle (2) se tasse depuis les années 2000. Cela traduit un changement de pratique et mode de vie mais interroge également sur l'origine de cette évolution : est-elle un choix ou liée à une contrainte financière ?
Quelle tendance pour le périurbain ?
La voiture est utilisée pour 75 à 85 % des déplacements et la tendance est à la hausse. Dans les villes moyennes, les véhicules représentent encore 70 % des déplacements. La part des transports en commun représente en général moins de 5 %. Elle n'attire qu'un public captif : les étudiants et scolaires. Les distances effectuées en voiture continuent d'augmenter, portées par l'éloignement du domicile et du travail.
Comment expliquer la différence entre grandes agglomérations et le périurbain ?
La contrainte sur la voiture n'est pas la même : dans les grandes agglomérations, des politiques de déplacements ainsi que des aménagements urbains pour favoriser les modes doux ont été mis en oeuvre. Entre 2000 et 2010, le tram s'est développé : désormais nous disposons de 450 km de lignes.
En périurbain les contraintes sur la circulation des voitures est moindre ainsi que les offres alternatives.
La prise de conscience environnementale entrent-elle en compte dans le recul de la voiture dans les grandes agglomérations ?
Souvent la prise de conscience environnementale est présente. Elle constitue une prédisposition à un éventuel changement de mode mais c'est rarement le facteur déclencheur. Ce sont des événements marquants : mariage, divorce, enfants, changement de travail, déménagement, etc. qui induisent le basculement vers d'autres habitudes de déplacement.
Que faut-il mettre en place pour initier un changement de comportement ?
Il faut poursuivre les efforts en matière d'offres de transports alternatifs. Les années 2000 ont été les années tramway, nous nous attendons à ce que les années 2010 soient les années bus à haut niveau de service notamment pour les villes moyennes : leurs performances en terme de fréquence, de rapidité, de confort se rapprochent de celles du tramway. Autre point important : instaurer une contrainte accrue sur le stationnement. Si une personne dispose d'une place de parking à son point d'arrivée, elle sera moins encline à prendre un mode doux comme le tramway.
Le dernier levier serait de développer le management de la mobilité, accompagner et conseiller pour des mobilités douces.