BP : Nos interventions consistent à arrêter le risque représenté pour l'homme et l'environnement par les produits et substances dans la dernière étape de leur vie. Elles permettent de reconstituer les ressources, qu'elles soient en énergie, en produits recyclables, en matière réutilisables ou en sol rendu à son usage. Pour nous, il s'agit de proposer des techniques adaptées aux bons objectifs à atteindre et de respecter les engagements dans un temps donné et sans surcoûts. Quand nous traitons les déchets ou dépolluons les sols, nous sommes en plein dans le développement durable. Quand nous traitons une nappe phréatique, nous préservons la ressource en eau. De la même façon, quand nous requalifions des friches, nous redonnons un usage à des terrains et de la valeur à une fonction, même s'il s'agit d'une activité industrielle. En cela, il y a une vraie valeur de notre métier en termes environnemental, économique et social.
AE : Quels sont les types de polluants rencontrés ?
BP : Les substances accumulées dans un sol pollué proviennent de l'activité industrielle passée, essentiellement chimique et pétrochimique, mais aussi mécanique avec le dégraissage des pièces, voire simplement d'une fuite dans une cuve à fioul ou une chaufferie d'usine
Pour des problèmes de coût, on ne peut pas rechercher systématiquement toutes les substances polluantes possibles. Dans 60 % des cas, il s'agit de composés organiques de types hydrocarbures, solvants chlorés, hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), phénols et pesticides. Quant aux métaux lourds, ils représentent 40 % des sites pollués. Ces pollutions parfois mixtes, se trouvent absorbées sur les particules du sol, en phase vapeur dans les pores du sol, sous forme liquide ou dissoutes dans les interstices, ou dans la nappe phréatique. Dans les terrains de nature éruptive ou qui entrent dans la constitution des matériaux de construction, on peut aussi identifier des pollutions radioactives liées au radon et susceptibles de s'accumuler dans les bâtiments. Mais hormis dans des décharges anciennes, cet aspect “radioactivité” s'avère rare dans le contexte des villes ou des régions au terrain sédimentaire.
AE : Quelle est la méthodologie mise en œuvre ?
BP : Pour mettre en évidence les polluants, on procède à un audit consistant à reconstituer l'historique du site, à effectuer des sondages et des échantillons de sols, d'eau et de gaz du sol, qui, une fois analysés dans un laboratoire spécialisé, vont permettre de caractériser le site en terme de pollution. Notons que les mesures de gaz qui concernent surtout les composés organiques, sont toujours doublées par des analyses de sol. Ensuite, la démarche se déroule en deux étapes définies à travers trois circulaires spécifiques à cette problématique du traitement et réhabilitation des sols (03-12-1993, 03-04-1996, 10-12-1999), et qui complètent les lois références du 15 juillet 75 et du 19 juillet 1976 relatives à l'élimination des déchets, puis aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). La première étape concerne l'évaluation simplifiée des risques (ESR) moyennant un classement du site selon trois catégories banalisable, à surveiller, ou à dépolluer. La seconde étape appelée évaluation détaillée des risques (EDR), permet de quantifier le risque de pollution sur le site et donc, de déterminer le niveau de dépollution à mettre en œuvre pour revenir à un seuil acceptable vis-à-vis de la santé humaine et de l'environnement. Elle permet aussi d'arrêter les objectifs applicables pour les travaux de réhabilitation. Un guide de gestion des sites pollués édité par le BRGM résume cette méthodologie d'approche spécifique à la France, qui permet de calculer le risque site par site, en fonction de l'usage et de la réutilisation des lieux.
AE : Vous parliez de risque acceptable pour la santé humaine et l'environnement. En pratique, comment cela se traduit-il ?
BP : La notion de risque et de calcul des objectifs de dépollution se mesure à partir de trois facteurs : une source de pollution, un vecteur et une cible. Cette approche s'appuie sur l'impact à long terme du polluant sur la santé humaine, l'écosystème et les ressources en eau, voire sur les biens matériels (fondations des bâtiments, qualité des matériaux, etc) et permet de déterminer les seuils de dépollution. En présence de substances volatiles, on utilise des modèles de transferts dits hydrodynamiques, pour calculer le déplacement des gaz du sol vers les cibles et leur accumulation potentielle. Il en va de même d'une pollution par le biais de la nappe phréatique vers une cible qui serait un captage. Autrement dit, pour définir la meilleure méthode de dépollution et les objectifs à atteindre, il faut avoir la capacité de bien modéliser le mécanisme de transfert des polluants. C'est pourquoi nous tenons à garder une vision globale du processus, depuis l'audit jusqu'à l'exécution des travaux, en passant par le calcul des seuils et la maîtrise de la partie conception.
AE : Justement, quelle est la palette des solutions d'intervention ?
BP : Nous disposons de trois familles de traitements : les procédés “in situ” réalisés dans le sol en état, les techniques “on site” ou traitement sur place des sols excavés, et les solutions “hors site” après évacuation des sols dans un centre de traitement. Par exemple, un traitement biologique “on site” met en œuvre un biotertre en jouant sur l'oxygénation des polluants ou sur l'injection de composants azotés ou de phosphore, afin de rééquilibrer le milieu en place et de permettre aux bactéries à l'état endémique de se développer pour dégrader les polluants. Les fractions fines étant souvent les plus polluées, on peut aussi laver les sols via des unités mobiles, de façon à séparer les fractions grossières et ne garder qu'un résidu à évacuer. La désorption thermique ou élévation de la température du sol fait appel à des fours mobiles pour extraire les gaz qui seront ensuite lavés. On peut extraire les fractions polluées sous forme libre ou dissoute dans la nappe phréatique par la mise en œuvre de piézomètres et d'un pompage. On sait aussi travailler dans des conditions anaérobies (sans apport d'oxygène), pour dégrader d'autres types de polluants comme le pyralène. On peut encore alterner les phases aérobies et anaérobies. Ou bien confiner des sols sur place dans une zone étanche à l'aide d'une membrane pour réduire les nuisances.
AE : Quel est votre défi aujourd'hui ?
BP : Je voudrais mettre l'accent sur l'aspect innovation et l'utilisation des techniques innovantes. Par sa présence en Allemagne, en Belgique, en Hollande et en France, Sita Remediation apporte une compétence unique en Europe dans ce domaine du traitement des sites pollués. Pour rester en permanence à la pointe de la technique, nous envoyons nos équipes d'ingénieurs suivre des séminaires aux USA ou ailleurs. Outre nos huit agences françaises, nous disposons en interne, d'un centre de formation, d'une gestion centralisée du matériel et d'un laboratoire. Nos spécialistes, docteurs en microbiologie et chimie, travaillent sur des solutions nouvelles, et notamment sur tous les procédés d'injections d'oxydants in situ. Que recherche-t-on ? Des solutions qui permettent d'améliorer encore l'efficacité de nos traitements, notamment au niveau des polluants difficiles à biodégrader ou à localiser. Je pense aux solvants chlorés plus denses que l'eau, et qui vont descendre dans la nappe phréatique, migrer au gré des diverses perméabilités des terrains et générer un risque de pollutions secondaires. Dans ce cadre, les procédés d'oxydation permettent d'accélérer le traitement des sources. On parle aussi d'atténuation naturelle activée qui requiert un réel savoir-faire. En présence de grandes surfaces et de pollutions diffuses, ce processus contribue à mettre en place les conditions favorables à une biodégradation dans des panaches plus larges. Enfin, on assiste au développement des techniques de phyto-remédiation. C'est-à-dire aux traitements par des plantes capables de concentrer des polluants au niveau de leurs racines, notamment les métaux.
Certifié ISO 9001 et ISO 14001, TERIS, filiale de SITA (pôle propreté de SUEZ) et premier groupe français dans le secteur du traitement des déchets spéciaux, s'appuie sur le réseau composé de ses quatre filières pour couvrir la totalité des besoins dans ce domaine. À savoir : LABO-SERVICES (services de proximité), SCORI (pré-traitement et valorisation en cimenterie), TERIS SPECIALTES (incinération spécifique et régénération de solvants) et SITA REMEDIATION (réhabilitation des sites et sols pollués).