Dans le secteur des transports, les contraintes liées au pétrole comme source d'énergie deviennent de plus en plus importantes : coût, diminution de la ressource et surtout impact sur l'effet de serre.
Dans ce contexte, l'utilisation de l'hydrogène via une pile à combustible apparaît comme l'une des solutions intéressantes pour l'avenir du fait de l'absence de rejet polluant sur le lieu d'utilisation.
Jean-Martin Folz, Président de PSA Peugeot Citroën et Alain Bugat, Administrateur Général du Commissariat l'Energie Atomique (CEA) ont présenté ce lundi 9 janvier une nouvelle pile à combustible, en présence du Ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, Gilles de Robien.
Conçue en partenariat par PSA Peugeot Citroën et le CEA dans le cadre du projet GENEPAC (GENérateur Electrique à Pile A Combustible), cette pile présente d'après le constructeur automobile des performances et une compacité au meilleur niveau mondial.
L'objectif poursuivi par les deux partenaires était de concevoir et réaliser un système pile à combustible compact, modulable et efficace, d'une puissance pouvant aller jusqu'à 80 KW (110 chevaux), et compatible avec les contraintes techniques spécifiques d'une automobile.
Une pile à combustible (PAC) est un générateur d'électricité qui transforme directement l'énergie chimique d'un combustible en énergie électrique. Le principe de la pile à combustible est généralement décrit comme l'inverse de celui de l'électrolyse de l'eau. Comme la majorité des piles à combustible utilisent l'hydrogène comme combustible, il s'agit d'une réaction électrochimique contrôlée entre de l'hydrogène et de l'oxygène de l'air avec production simultanée d'électricité, d'eau et de chaleur. Cette réaction utilisant des catalyseurs, s'opère au sein d'une cellule élémentaire composée de deux électrodes (cathode et anode) séparées par un électrolyte. Concrètement, l'hydrogène H2 est introduit sous forme gazeuse au niveau de l'anode. À son contact, en présence d'un catalyseur, les molécules d'hydrogène libèrent leurs électrons H2 -> 2H+ + 2 e-. Ces électrons e- vont rejoindre la cathode à travers le circuit électrique et vont réagir avec l'oxygène grâce à l'action du catalyseur. Les protons H+ vont quant à eux migrer, vers la cathode en traversant la membrane. La réaction d'oxydoréduction qui s'ensuit crée de l'eau (2H+ + 2 e- +1/2 O2 -> H2O). C'est le transfert des électrons qui crée le courant électrique. L'unique sous-produit de la réaction étant de l'eau, il n'y a pas d'émissions polluantes lors de la combustion.
La première cellule hydrogène-oxygène fut construite en 1839 par Sir William Grove, qui réalisa la réaction inverse de l'électrolyse de l'eau en utilisant des électrodes de platine poreux et de l'acide sulfurique comme électrolyte. Jusqu'au milieu de ce siècle, elles sont restées oubliées, jusqu'à ce que l'on s'y intéresse de nouveau avec les programmes spatiaux des années 1960*.
À partir du début des années 1990, les préoccupations environnementales liées au développement de l'effet de serre relancent la recherche dans le domaine des piles à combustible.
Au cours des dix dernières années, les constructeurs automobiles ont développé de nombreux prototypes. Le plus avancé d'entre eux est sans doute Daimler-Chrysler avec ses NECAR, avec les constructeurs japonais Honda et Toyota. D'autres constructeurs automobiles sont également sur les rangs: General motors, Opel, Ford, Nissan et en France, Renault et PSA.
Le salon de l'automobile de Paris (Octobre 2002) avait présenté de nombreux prototypes de véhicules fonctionnant à l'hydrogène : le Hy-wire de GM, le rouge véhicule pour pompiers H2O de PSA, et même un scooter et un vélo.
Les avantages de la pile à combustible sont nombreux. Outre la réduction des émissions de CO2, la PAC contribue à l'amélioration de la qualité de vie en ville, grâce au silence des véhicules utilisant un moteur électrique et à la suppression des émissions polluantes locales comme les particules et les NOx. En effet, contrairement à la combustion de l'hygrogène carburant, l'utilisation de l'hydrogène au sein des piles à combustibles ne produit pas de NOx.
Comme elle consomme de l'hydrogène et de l'oxygène et rejette de l'eau, c'est un système à ''zéro'' émission polluante, néanmoins l'hydrogène ne se trouve pas à l'état naturel et est en majorité produit actuellement à partir de gaz naturel avec émission de CO2, contribuant au réchauffement du climat. Mais ce gaz peut être fabriqué à partir d'énergies renouvelables (éolienne, solaire, hydraulique, biomasse) ou du nucléaire.
En matière d'émission de CO2, l'efficacité de la filière PAC résulte du rendement très élevé du système pile et potentiellement d'une filière de production et de distribution d'hydrogène peu émissive en gaz à effet de serre, qui reste à créer, explique PSA.
GENEPAC est une pile de technologie PEMFC (pile à combustible à membrane polymère échangeuse de protons)**. Le principe technique de cette nouvelle pile repose sur l'utilisation de plaques minces en acier inoxydable embouties, permettant ainsi de réduire le coût et le volume de la pile par rapport aux plaques traditionnelles.
Plus concrètement, la pile est constituée de 4 modules comprenant chacun un empilement de plaques minces et un assemblage membrane électrode.
Ce concept permet d'assurer simultanément l'alimentation en gaz (air/H2) et en liquide caloporteur. Il permet également de décliner la pile qui offre un rendement, à charge pleine supérieur à 45 % et à charge partielle supérieur à 50 % sur des puissances plus petites.
La mise en œuvre de la technologie sélectionnée a nécessité 2 ans de travail de conception, portant principalement sur l'élément le plus lourd et le plus volumineux de l'assemblage : la plaque bipolaire, indique le CEA. Celle-ci assure à la fois la distribution des réactifs, l'évacuation des produits, l'échange thermique avec le fluide caloporteur, la collecte du courant électrique et joue un rôle important dans la tenue mécanique de l'ensemble, notamment pour garantir les étanchéités. L'enjeu était de réduire drastiquement la masse et le volume des plaques bipolaires classiques en graphite usiné : cela a été possible par l'utilisation d'acier en feuilles minces, embouties et soudées.
Cette technologie doit cependant relever de nombreux challenges tant techniques qu'économiques avant d'être commercialisée en grande série. Le coût de la pile elle-même (contient une centaine de grammes de platine), l'intégration du système PAC dans un véhicule et le stockage d'hydrogène sont autant de points qui restent à surmonter. De plus, la mise en place d'un nouveau système de distribution nécessitera des investissements très importants. De ce fait, le Groupe PSA prévoit une introduction progressive de la PAC dans l'automobile avec une possibilité de production en série à l'horizon 2020.
L'Agence internationale de l'Energie (AIE) avait estimé dans un rapport consacré à cette technologie propre que cette technologie ne s'imposera pas tant qu'elle restera aussi chère.
Compte tenu des coûts importants liés au développement de la technologie, le groupe mise sur une intégration à long terme et progressive de la pile à combustible dans l'automobile, en privilégiant dans une première phase les flottes de véhicules de livraison en ville.
Cette technologie n'en est qu'à ses premiers balbutiements. Mais elle est très prometteuse, a indiqué Jean-Martin Folz.
La présentation de cette nouvelle pile a été l'occasion d'inaugurer un nouveau centre de recherche de PSA sur cette technologie, unité entièrement dédiée aux études sur la pile à combustible situé à Carrières-sous-Poissy.
Mais pour le président de PSA Jean-Martin Folz, les véhicules les moins polluants sont [NDLR : resterait !] aujourd'hui ceux dotés d'un moteur Diesel avec un système de compression haute performance et un filtre à particules.
Fidèle à son HDI conjugué au filtre à particules, PSA mise sur des motorisations hybrides, alliant moteur Diesel et électrique, sur lesquelles il fera une annonce le 31 janvier. Pour l'après-demain, la pile à combustible est la solution privilégiée, mais plus pour le long terme que pour le moyen terme, a indiqué M. Folz.
M. de Robien a indiqué que 190 millions d'euros seraient mobilisés en 2006 pour la recherche en matière de voiture propre, contre 80 à 85 millions en 2005 et 40 millions en 2002.
*RAPPORT SUR LES PERSPECTIVES OFFERTES PAR LA TECHNOLOGIE DE LA PILE A COMBUSTIBLE PAR MM. Robert Galley et Claude Gatignol
**Il existe deux technologies de piles à combustible : les piles à membranes échangeuses de protons (PEMFC) et les piles à oxydes solides (SOFC), dont les applications sont complémentaires et les contraintes très différentes.