Après ces années de retards, le gouvernement va enfin proposer un projet de loi. En effet, François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, présentera en Conseil des Ministres le 8 février prochain un projet de loi relatif à l'utilisation à des fins de recherche, de production industrielle ou de mise sur le marché, des organismes génétiquement modifiés.
Ce texte de loi porte sur la transposition de deux directives européennes, 98/81/CE et 2001/18/CE, visant à adapter la réglementation européenne à l'évolution des connaissances scientifiques et à harmoniser les pratiques communautaires avec les pratiques internationales.
Le texte a été transmis pour examen au Conseil d'Etat le 12 décembre dernier. Selon un communiqué du Ministère délégué à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, il a fait l'objet d'une vaste consultation et s'appuie largement sur les propositions de la mission d'information parlementaire sur les enjeux des essais et de l'utilisation des OGM et de son rapporteur, le député du Finistère Christian Ménard.
Mais, transmis à la presse et aux associations écologistes le 18 janvier dernier par une députée, il fait déjà polémique. S'insurgeant contre le manque de concertation et qu'il ait été élaboré dans le secret, les principales associations de défense de l'environnement condamnent ce texte.
Selon le ministre délégué à l'Enseignement supérieur et à la Recherche François Goulard, le texte prévoit notamment une obligation d'information et de consultation du public élargie, une évaluation approfondie des OGM en termes de santé publique et pour l'environnement, l'élimination complète des marqueurs de résistance aux antibiotiques, une limitation à dix ans des autorisations de mise sur le marché et une obligation d'étiquetage des OGM.
De plus, l'autorisation de mise en culture de plantes obtenues par voie génétique sera assortie d'une obligation pour les exploitants de souscrire une garantie financière destinée à compenser les conséquences économiques d'une présence fortuite d'OGM au-dessus du seuil d'étiquetage dans une production non OGM, souligne le communiqué du ministère.
En outre, il prévoit la fusion des trois instances consultatives préexistantes, la commission du génie génétique (CGG), la commission d'étude de la dissémination des produits issus du génie biomoléculaire (CGB) et le comité de biovigilance, au sein d'une instance unique d'évaluation, le Conseil des biotechnologies. Au-delà de sa mission d'évaluation, le conseil des biotechnologies sera notamment chargé de procéder à des analyses de portée générale sur les conséquences sociales, économiques, sanitaires et environnementales que présentent l'usage des OGM, explique le ministère.
Mais pour Cap 21, le gouvernement fait le choix d'une transcription tronquée de la directive, qui permet la dissémination et interdit à terme la coexistence, n'organise pas sérieusement l'indemnisation des agriculteurs qui seront victimes d'une pollution génétique et refuse l'application du principe pollueur-payeur.
Le parti écologiste estime également que la création d'un nouveau comité des biotechnologies amènera la société civile à être exclue et pourra comporter les seuls scientifiques pro-OGM, sans garde-fou et notamment sans aucune règle relative aux possibles conflits d'intérêt.
Il indique par ailleurs que ce projet de loi ne prévoit aucune étude de santé obligatoire sur des mammifères et ne détermine pas les études sur l'environnement en particulier local pourtant exigées par la directive.
Pour Greenpeace, il s'agit d'un texte laxiste, qui se situe en deçà des avis de la mission d'information parlementaire sur les OGM, pourtant favorable à l'agriculture transgénique.
Dans le projet de loi, le terme de « précaution » n'apparaît nulle part alors même que l'article 8 du texte introductif de la directive européenne stipule qu'il a été tenu compte du principe de précaution lors de la rédaction de la présente directive et il devra en être tenu compte lors de sa mise en œuvre, indique l'association. En ce qui concerne l'information du public, Greenpeace considère que ce projet de loi renforce ainsi le « caractère confidentiel » de certaines données, notamment des analyses toxicologiques menées sur les animaux.
Il est inadmissible que le ministère de la Recherche, qui évidemment n'a aucune compétence en matière de mise en cultures commerciales d'OGM, s'apprête à légaliser la pollution de l'environnement, à mettre en danger la santé des citoyens, et à condamner les Français, massivement opposés aux OGM, à la contamination génétique, conclut Arnaud Apoteker, responsable de la campagne anti-OGM de Greenpeace France.
Le rapporteur de la mission parlementaire sur les organismes génétiquement modifiés, Christian Ménard, explique dans un communiqué, qu'il est tout à fait normal que ce texte n'ait pas été rendu public dans l'attente d'éventuelles remarques du Conseil d'Etat, le gouvernement pouvant être amené à le corriger ou à le faire évoluer et s'insurge contre la polémique engendrée par certaines associations écologiques sur ce sujet.
Agir pour l'Environnement a demandé une audience auprès du premier ministre afin d'engager au plus vite une discussion.