Afin de se donner toutes les chances d'atteindre cet objectif, la France se tourne entre autres vers le développement de l'éolien et du solaire mais s'intéresse également aux énergies marines pour la production d'électricité et pourquoi pas d'hydrogène.
En effet, en tant que nation maritime, la France dispose d'un potentiel important pour exploiter les sources d'énergie marine. La mer est un milieu riche en flux énergétiques qui peuvent être exploités sous différentes formes : l'éolien offshore, l'énergie des vagues (houlomotrice), l'énergie des courants, l'énergie thermique des mers grâce à la différence de température entre les eaux de surface et les eaux profondes, l'énergie marémotrice liée au flux et reflux de la marée ou encore l'énergie osmotique.
Théoriquement le potentiel est énorme. L'ordre de grandeur de l'énergie naturellement dissipée annuellement par les marées par exemple est évalué à 22.000 TWh soit l'équivalent de la combustion de 2 Gtep (gigatonnes équivalent pétrole) soit 1/5 de la consommation d'énergie mondiale. Autres exemples, l'exploitation de 1% du flux naturel de chaleur véhiculé par le Gulf Stream suffirait pour couvrir tous les besoins actuels en énergie alors que le vent dissipe à la surface des mers une énergie estimée à 40 Gtep. Même si ces valeurs ne sont que théoriques, elles démontrent bien l'ampleur des ressources et rendent attractive l'utilisation, même très partielle, de ces énergies.
En France, ce potentiel est rattaché aux 10 millions de km2 de zones maritimes placées sous juridiction française. Dans la quête de nouvelles sources d'énergie, il est donc logique qu'un tel pays comme la France entreprenne d'examiner le potentiel que peuvent apporter les diverses formes d'énergie marines. Mais d'autres pays européens se sont déjà lancés dans la maîtrise de ces énergies à grande échelle et soutiennent activement la R&D et l'industrie. C'est le cas de la Grande-Bretagne, très active dans ce domaine et qui l'a démontré à l'occasion du séminaire franco-britannique sur les énergies marines qui s'est tenu au Havre les 19 et 20 janvier dernier. Les gouvernements français et britannique avaient déjà reconnu leur intérêt commun pour ces énergies lors d'un précédent sommet en novembre 2004 et ont souhaité, cette fois-ci, étudier les modalités d'une collaboration approfondie pour le développement des filières. Au même titre que la France, l'Angleterre dispose d'un potentiel important en termes d'énergies marines. Sans compter qu'en 2010, la Grande-Bretagne devra avoir réduit ses émissions de CO2 de 20 % par rapport à celles de 1990 et produire 10 % d'énergies renouvelables. Elle a donc investi 29 millions d'euros depuis 1999 dans des programmes d'énergies marines et un fonds de 61 millions d'euros sur trois ans est prévu pour des démonstrations in situ.
À l'heure actuelle, les technologies sur les énergies marines foisonnent. Mais alors que certaines sont proches de la commercialisation à grande échelle, d'autres ne sont toujours pas sorties des laboratoires.
La France a déjà un retour d'expérience intéressant avec l'installation depuis 1966 sur la Rance de la plus grande usine marémotrice du monde (240MW). D'autres réalisations, plus modestes, ont vu le jour au Canada (20 MW) et en Chine (quelques MW). D'autres projets comme en Russie n'ont quasiment pas émergé à une échelle significative ou ont été abandonnés. Après 35 ans de production sans accident majeur, les spécialistes de la filière considèrent que la technologie de ces centrales est au point. Néanmoins, le développement de cette forme d'énergie nécessite de réunir un certain nombre de conditions minimales (amplitudes de marées, géomorphologie spécifique et disponibilité des terrains) avec un impact environnemental important. Le nombre de sites propices à la construction d'usines marémotrices est limité ce qui fait que les projets d'envergure ont été abandonnés presque partout dans le Monde.
L'éolien offshore en revanche tend à se développer significativement et plusieurs projets européens sont en cours : au Royaume-Uni, à la suite de deux appels d'offres consécutifs, 15 projets ont obtenu une concession pour un total de 7000MW. En Allemagne, 7 projets ont déjà obtenu une autorisation, pour un total de 1400MW. Le Ministère de l'environnement allemand envisage de développer 25000MW d'éolien offshore à l'horizon 2030. En France, un premier projet a été accepté en septembre dernier pour 105MW au large de la Côte d'Albâtre.
Actuellement les projets éoliens offshore sont très coûteux mais la croissance de la puissance installée conduira dans le futur à des coûts d'investissement plus faibles que ceux rencontrés aujourd'hui. La rapidité de cette décroissance dépendra cependant de l'effort consenti pour industrialiser plus ou moins vite la filière. Les professionnels estiment le coût de l'énergie éolienne offshore entre 70 et 100€/MWh. Ce coût pourrait baisser au niveau de 40 à 60€/MWh avec le développement des fermes et un appui plus important de la part des politiques en termes de tarif de rachat de l'électricité.
L'utilisation de l'énergie des vagues est également un moyen d'utiliser la mer et de produire de l'énergie. Sur la façade atlantique française, la puissance moyenne transmise par les vagues est de l'ordre de 45 kW par mètre de ligne de côte soit un potentiel cumulé de 417TWh c'est-à-dire très proche de la consommation électrique totale annuelle estimée à 454TWh en 2004. Même si ces chiffres ne sont que le résultat de calculs théoriques, ils laissent imaginer que la récupération de quelques pourcents de cette ressource constituerait un appoint appréciable d'énergie. Après de nombreuses années de recherche et de tests, plusieurs techniques ont vu le jour mais n'en sont pas au même stade de développement. Les plus avancées utilisent l'oscillation provoquée par les vagues, comme le système Pelamis de Ocean Power Delivery Ltd. ou le projet français SEAREV (Système Autonome Électrique de Récupération de l'Énergie des Vagues) proposé par l'École Centrale de Nantes et le CNRS. Tandis que le Pelamis est sur le point d'être installé à grande échelle au printemps prochain au Portugal, le SEAREV devrait terminer sa phase de laboratoire durant l'année 2006.
De la même manière que pour l'éolien, l'installation d'éoliennes sous-marines permettrait de récupérer l'énergie des courants marins. Dans ce domaine, deux technologies s'affrontent, principalement différenciées par l'inclinaison de l'axe des éoliennes : verticales pour le projet Harvest de l'Institut National Polytechnique de Grenoble ou horizontales pour le projet SeaGen de MCT Ltd.
Des recherches sont également en cours du côté de l'utilisation de l'énergie thermique des mers (ETM). Dans toute la zone intertropicale la température de l'eau de l'océan reste uniformément proche de 4°C à 1000 mètres de profondeur alors qu'en surface elle est supérieure à 20°C. Ce phénomène naturel peut être utilisé pour produire de l'énergie mais la technologie doit encore être améliorée. Les Etat-Unis et le Japon s'intéressent tout particulièrement à ce domaine.
Enfin, l'utilisation de l'énergie osmotique est également une voie d'étude pour produire de l'énergie. Si l'eau douce et l'eau salée sont séparées par une membrane semi-perméable, l'eau douce va migrer à travers la membrane et générer un courant électrique à hauteur de 1MW pour un débit de 1m3/s. Un projet européen s'intéresse à cette ressource et un prototype d'étude est en fonctionnement à Sunndalsøra en Norvège. Le but est de développer les membranes nécessaires au procédé, d'examiner leur tenue dans le temps et de démontrer la faisabilité d'atteindre des coûts acceptables.
Ainsi, face à ces multiples axes de recherche, il apparaît important pour les professionnels et chercheurs français et britanniques réunis au séminaire, de maîtriser le foisonnement et d'éliminer les impasses pour pouvoir concentrer les moyens sur les technologies les plus profitables sachant que le stade de la recherche coûte 1, celui du développement 10 et celui de la diffusion 100, explique Pierre David, ancien PDG de l'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la MER (IFREMER). Cependant les professionnels sont bien conscients que les énergies marines sont en forte interaction avec les milieux et peuvent provoquer des perturbations dans les flux naturels d'énergie et de matière, ce qui déterminera aussi les limites d'exploitation.
D'autre part, la mer est le théâtre de nombreuses activités et le siège d'une grande biodiversité avec lesquelles la production d'énergie doit cohabiter. Ainsi le développement harmonieux de cette nouvelle manière d'exploiter la mer doit se faire en concertation étroite avec les autres usagers de l'espace maritime et le respect de la faune et de la flore marines. Ainsi le potentiel réel de ces énergies que ce soit en France ou dans le monde sera fonction de leurs impacts environnementaux et sociétaux.
Au cours du séminaire Alan Moore, Co-président du Conseil Consultatif britannique pour les Energies renouvelables, a rappelé qu'il y avait une longue histoire de collaboration réussie entre la France et le Royaume-Uni comme dans le domaine de l'aérospatial. Il estime que c'est l'occasion de renouveler cette collaboration dans le domaine des énergies marines, dès la phase préliminaire de recherche et de développement.