La dernière coopération annoncée date de janvier dernier. Electrabel France (Suez) et Gaz de France s'étaient associés pour développer de manière coordonnée deux projets de centrales à cycle combiné gaz naturel d'environ 420 MW chacune. Ils envisagent de les réaliser séparément sur le site de Sollac Méditerranée pour Gaz de France (mise en service prévue en 2008) et sur un terrain loué au Port Autonome de Marseille pour SUEZ (mise en service prévue en 2009).
Selon le ministre de l'Economie Thierry Breton, ce projet est plus précisément une fusion-absorption de Suez par Gaz de France, ce qui permet à l'énergéticien français de compléter son offre en matière d'électricité et de se préparer à l'ouverture du marché de l'énergie prévu en juillet 2007. Le nouveau groupe, fort d'un chiffre d'affaires de 64 milliards d'euros, figurera dans les tout premiers rangs des acteurs européens de l'énergie et de l'environnement. Il couvrira alors les activités de transport et distribution de gaz, la production d'électricité et pour le secteur de l'environnement le traitement de l'eau et des déchets. Les modalités de gouvernance du nouvel ensemble, en cours de finalisation, seront connues prochainement.
Mais si tout semble clair et logique pour les deux entités, ce rapprochement ne fait pas l'unanimité et se place au cœur d'une polémique européenne. Il intervient en effet quelques jours après que la société énergétique italienne Enel évoqua le souhait de lancer une OPA sur Suez pour récupérer sa filière énergétique belge Electrabel. La précipitation avec laquelle le gouvernement français, en particulier le Premier Ministre Dominique de Villepin, a annoncé cette fusion peut donner l'impression que le projet a été déclenché plus tôt que prévu pour contrer la société italienne. Le ministre italien de l'Industrie, Claudio Scajola, a d'ailleurs très mal pris ce qu'il qualifie de violation du droit communautaire, dans un entretien publié aujourd'hui par le journal italien La Stampa. Nous avons affaire à une action gravissime du gouvernement français qui a utilisé d'importantes ressources financières pour effectuer un raid qui entrave le libre marché, a-t-il poursuivi. Le ministre italien a annulé la rencontre prévue aujourd'hui avec son homologue français, François Loos et a demandé à la Commission européenne d'examiner les conditions du soutien du gouvernement français à la fusion annoncée entre Suez et Gaz de France et de sanctionner la France le cas échéant. La commission européenne à la concurrence, par la voie de son porte-parole Jonathan Todd a expliqué que l'exécutif européen attendrait de prendre connaissance des modalités de la fusion avant de décider quoi que ce soit.
Même si, selon le gouvernement et les deux sociétés françaises, ce rapprochement était prévu, il a probablement été accéléré par la déclaration d'Enel et a pris de court les syndicats qui se disent abasourdis et consternés. Ils déplorent la précipitation et s'inquiètent surtout des conséquences sachant que cette fusion entraîne la privatisation de GDF. En effet, même si selon le ministre de l'Economie Thierry Breton, l'Etat ne va pas céder une action, sa part dans l'actionnariat du nouveau groupe va diminuer mathématiquement et devrait se situer entre 35% et 40%. La loi du 9 août 2004 prévoyant que le capital privé dans GDF ne peut pas dépasser les 30% va donc être modifiée dans les mois qui viennent.
Les syndicats mettent en garde également contre la concurrence qui va s'exercer entre GDF et EDF et s'inquiètent du sort des 66 000 agents qui travaillent encore pour les deux entreprises.
La fusion est d'ores et déjà programmée pour le courant du deuxième semestre 2006, sous réserve de l'obtention du feu vert des autorités européennes de la concurrence.
Article publié le 27 février 2006