Au cours du XXe siècle, la température moyenne de la planète s'est élevée d'environ 0,6°C et celle de l'Europe de plus de 0,9°C. Les prévisions des scientifiques tablent pour la fin du XXIe siècle sur une hausse des températures de 2 à 6 degrés, voire plus. La France, du fait de son exposition particulière au risque climatique devrait iconnaître un réchauffement encore supérieur, estime le rapport.
Depuis le début de l'ère industrielle, la concentration de CO2 est passée de 280 à 377 parties par million, soit une augmentation de 30 %, tandis que la concentration d'oxyde d'azote a augmenté de 15 % et que celle de méthane a été multipliée par 2,45. L'atmosphère est devenue plus opaque aux infrarouges qui sont alors renvoyés plus difficilement vers l'espace et réfléchissent leur chaleur vers la terre, provoquant par là le réchauffement climatique, expliquent les parlementaires.
L'entrée en vigueur du protocole de Kyoto n'est qu'une première étape d'une politique internationale qui, aux vues des récents rapports scientifiques, devra réduire de moitié les émissions mondiales de GES à l'horizon 2050 pour contenir le réchauffement à moins de 2°C d'ici la fin du siècle. Pour les pays industrialisés, cela suppose une division par 4 de leurs émissions afin de laisser la possibilité aux pays émergents de se développer. Selon le GIEC, le seuil de 2°C marque la différence entre un changement important mais gérable et un dérapage dépassant nos capacités d'adaptation.
Les auteurs du rapport estiment qu'il faut dès à présent aller plus loin que les objectifs du protocole de Kyoto qui demandent aux pays signataires de s'engager à limiter leurs émissions de GES pour revenir d'ici 2012 à un niveau inférieur de 5,2% à celui de 1990. L'accélération du changement climatique est brutale, profonde, définitive. L'effet de serre inaugure une période nouvelle sur toute la surface de la terre et pour tous les peuples. L'immobilisme est interdit, souligne le rapport.
De manière à s'orienter dès maintenant vers le facteur 4, ils proposent pour la France un objectif de réduction de 25% des émissions à échéance de 2020. Il faut que le plan climat 2006 s'inscrive clairement dans cette tendance, indique le rapport.
Pour atteindre cet objectif, la Mission propose un ensemble de recommandations et notamment de renforcer le rôle des collectivités publiques. Pour ce faire, ils suggèrent notamment de renforcer le rôle du ministre chargé de l'environnement en regroupant ce portefeuille avec ceux de l'énergie et des transports et en lui conférant un rang hiérarchique élevé, avec par exemple le titre de ministre d'Etat. Ils souhaitent également la mise en place, au sein de l'Assemblée nationale d'une délégation au changement climatique et suggèrent de faire de la lutte contre le changement climatique une dimension essentielle de l'action des collectivités territoriales en intégrant le climat comme un thème central des prochains « contrats de projet ». Les projets d'une région, pris globalement, ne doivent pas aggraver le bilan C02, souligne le rapport.
Les parlementaires préconisent également une meilleure information et sensibilisation et la généralisation de l'étiquetage « climat » à toutes catégories de produits concernés par les émissions de gaz à effet de serre.
La mission parlementaire, qui a auditionné plus de 200 personnes, recommande aussi une réforme fiscale globale, progressive et débattuevisant à dissuader les atteintes à l'environnement et à promouvoir les comportements positifs, tout en allégeant les charges sur le travail. Cette réforme doit se faire à travers l'instauration d'une « Commission de la réforme fiscale environnementale qui devra étudier en particulier : la suppression des incitations fiscales à polluer, l'instauration d'une fiscalité sur le carbone, un taux réduit de TVA aux équipements d'efficacité énergétique et l'idée plus générale d'une « TVE » (taxe sur la valeur écologique) destinée à prendre en compte le coût des atteintes à l'environnement.
Autres mesures envisagées : affecter des centimes de TIPP à un fonds destiné aux investissements dans les transports publics, en incluant le fret ferroviaire et le ferroutage, sans augmentation de la charge globale de la TIPP, affecter une part des taxes de mutation à la rénovation énergétique des bâtiments anciens, par l'intermédiaire d'un fonds dédié, sans augmentation de la charge de cette taxe et donner la possibilité d'intégrer la dimension climat dans la fiscalité locale (notamment pour la taxe foncière, s'agissant de l'efficacité énergétique des bâtiments).
La mission souhaite également que le critère-climat soit pris en compte dans les marchés publics et dans les règles d'octroi des aides et subventions (au niveau national, européen et international).
Concernant les transports, la mission propose entre autres de taxer les véhicules les plus polluants. Concernant l'habitat, pour parvenir à division par quatre, dans le secteur du bâtiment, des consommations énergétiques et des émissions de CO2 associées, qui représentent aujourd'hui environ 24% du total, la mission retient deux choix : l'implication de tous les acteurs de la filière qui ont tendance, aujourd'hui, à travailler de façon éclatée et sans continuité et la création de synergies entre l'isolation, la ventilation, les équipements et les énergies renouvelables. La mission parlementaire souhaite aussi bien s'attaquer aux logements anciens qu'aux logements neufs et propose un plan à long terme de rénovation énergétique des bâtiments existants. La durée de vie moyenne d'un bâtiment est supérieure à cent ans ; le renouvellement du parc, avec 300.000 logements construits, s'opère au rythme de 1% par an. C'est dire que lorsqu'on construit ou qu'on rénove, il faut anticiper considérablement,selon le rapport. De même, en 2050 un tiers des logements présents aura été construit depuis l'année 2000, et deux tiers l'auront été avant l'année 2000 , ajoute le rapport. Pour le financement de ce plan, la mission parlementaire propose une réforme du décret «charges» et l'implication de partenaires financiers dont la Caisse des dépôts et consignations.
Les parlementaires souhaitent également renforcer très sensiblement, et mutualiser progressivement au niveau européen, la recherche sur les sujets clés pour le climat, notamment la capture et le stockage du CO2, la filière hydrogène, le stockage de l'électricité, la valorisation de la biomasse, les diverses recherches sur le véhicule propre.
Les auteurs évoquent aussi une révision des règles relatives aux marchés de droits d'émission, pour accroître l'efficacité du système des quotas, et intégrer les secteurs de l'agriculture, de l'habitat et des transports au système des crédits carbone.
La mission parlementaire recommande un ensemble de mesures pour promouvoir globalement les énergies renouvelables : développer les biocarburants de deuxième génération (basés sur la liquéfaction de la cellulose des plantes), favoriser les projets biogaz. Le rapport préconise également de développer les recherches sur des engrais moins polluants du point de vue du climat.
Ils estiment par ailleurs qu'il faut aussi écarter les fausses solutions et les arguments illusoires. En particulier la croyance répandue que la hausse du prix du pétrole résoudra tous les problèmes – alors qu'elle entraîne surtout un report vers le charbon – comme l'attente d'une solution technologique miracle, le « silver bullet », qui nous dispenserait de tout autre effort.
Sur le plan international, les priorités majeures qui sont apparues à la Mission sont à la fois le confortement des principes essentiels sur lesquels repose le protocole de Kyoto ; le renforcement des systèmes de « projets » qui favorisent les transferts de technologies et la promotion d'un développement « propre » des pays émergents et en développement, tout en réduisant le coût de l'atténuation pour les pays industrialisés ; en parallèle avec le confortement de la lutte contre le changement climatique comme une priorité de la coopération, notamment vis-à-vis de l'Afrique. L'intensification des discussions avec les Etats-Unis apparaît également comme un objectif incontournable.
Le rapport qui a mobilisé des parlementaires de toutes sensibilités politiques, est désormais entre les mains de Jean-Louis Debré, président de l'Assemblée nationale.
Ces questions devraient donc en toute logique figurer au premier rang des débats des prochaines échéances électorales.
Nelly Ollin, Ministre de l'Ecologie et du développement durable, a indiqué qu'elle en tirerait avec l'ensemble du Gouvernement, les conclusions. Je souhaite que l'ensemble de ces propositions serve de base à la discussion sur l'actualisation du Plan Climat 2006 qui sera préparé avant l'été, et de la Stratégie nationale de développement durable en décembre, a t'elle déclaré dans un communiqué.
Au cours de son audition, M. Jean Jouzel a indiqué que :
Quand bien même nous arrêterions complètement les émissions (de gaz à effet de serre), le XXIe siècle n'en connaîtrait pas moins un réchauffement équivalent à celui du XXe siècle compte tenu de tout ce qui est déjà « emmagasiné », c'est-àdire d'un demi à un degré. Les pays occidentaux sauront sans doute s'y adapter mais il serait égoïste de laisser le reste du monde aux prises avec un climat très difficile dans la deuxième moitié du XXIe siècle ». Il a rajouté : « Si aucune limite n'est mise à l'utilisation des combustibles fossiles, l'émission totale de CO2 pourrait passer, d'ici à la fin du XXI ème siècle, de 7 à 28 milliards de tonnes par an. Mais même le scénario le plus « vertueux », le plus optimiste, c'est-à-dire le maintien des émissions à leur niveau actuel, aboutit à un doublement de la concentration à la fin du XXIème siècle, du fait que les rejets, même stabilisés, s'accumulent dans l'atmosphère année après année »