Dans le cadre de grands chantier, la loi impose que le maître d'ouvrage saisisse la Commission nationale du débat public, qui décide alors s'il y a lieu d'organiser un débat public, et de créer ou non une Commission particulière, qui fixera les modalités du débat.
Le projet ITER entre dans le cadre de cette loi. ITER, (International Thermonuclear Experimental Reactor – réacteur thermonucléaire expérimental international), dont le coût total est évalué à 10 milliards d'euros sur 40 ans, vise à construire un grand réacteur de fusion expérimental, afin de produire dans un délai de 30 ans de l'énergie à un stade pré-industriel, en reproduisant la fusion qui a lieu dans les étoiles à partir de l'hydrogène notamment.
Les responsables du projet ont donc saisi la CNDP, qui, en juillet 2003*, a décidé d'organiser un débat, et a constitué une Commission particulière présidée par Patrick Legrand, architecte DPLG, ingénieur de recherche de l'INRA, ancien membre du Conseil économique et social et qui fut, de 1992 à 1995, Président de France Nature Environnement.
Comme la décision de construction a été prise le 28 juin 2005, à Moscou, lors d'une réunion des 6 partenaires impliqués dans la construction d'ITER (Chine, Corée du Sud, Etats-Unis, Japon, Union Européenne, Russie), le réacteur expérimental de recherche sur la fusion nucléaire sera implanté sur le site de Cadarache, dans le sud de la France (région PACA), à proximité du Centre CEA.
La seconde décision de la CNDP du 6 juillet 2005** a donc revu le cadre général du fait que la décision d'implantation d'ITER à Cadarache ait déjà été prise : les enjeux économiques et sociaux du projet, son insertion dans l'environnement et ses impacts, les équipements d'accompagnement prévus offrent matière à débat.
Ainsi, le 16 janvier dernier un site Internet*** dédié au projet a été mis en ligne. Depuis le 26 janvier dernier, des réunions publiques sont également organisées et ce jusqu'au 4 mai. Elles sont gratuites et ouvertes à tous, pour que chacun puisse y poser des questions et émettre un avis. La première réunion a toutefois dû être annulée le 26 janvier dernier à Aix-en-Provence, à la suite de l'intervention des opposants au projet.
Les débats menés principalement autour de la zone de Cadarache mais aussi à Paris ont clairement révélé les interrogations du public puisqu'un tiers des interventions ont concerné l'engagement des collectivités du territoire et les retombées attendues du projet : qui finance ? comment ? quelles sont les retombées économiques, environnementales, culturelles d'un tel événement ?
Autre source d'intérêt, le fonctionnement même d'ITER : quelle énergie ? à quel coût et avec quels risques ? L'une des inquiétudes semble notamment porter sur le fait que le financement d'ITER puisse se faire au détriment d'autres recherches.
Enfin, une part non négligeable de personnes (12 %) s'est ouvertement interrogée sur la nature et l'utilité de ce débat public !
S'il est acquis que le projet ITER sera réalisé à Cadarache, il demeure pour la CPDP, que tout le reste donne lieu à débat. La Commission a ainsi identifié 7 premières thématiques : aménagement du territoire et équipements induits ; finalités et enjeux scientifiques ; enjeux technologiques et économiques ; milieux et équilibres écologiques, environnement et dispositifs de gestion ; société, gouvernance, sûreté ; perspectives et horizons lointains ; installations, impacts, ressources et risques puis à la demande de certains acteurs sociaux. Deux autres thématiques ont par la suite été retenues : questions de technologie et d'économie et opportunité et utilité du débat.
Lors d'un débat à Manosque, le 2 février dernier, devant 200 personnes, le Président de la Commission, Patrick Legrand, a rappelé les trois facettes du projet ITER : c'est une installation internationale expérimentale exceptionnelle mais c'est aussi un projet d'équipement avec des conséquences sur les court, moyen et long termes ; enfin c'est une option en matière d'alternative énergétique à long terme.
Il a ensuite rappelé trois des grands principes d'un débat public : transparence de la commission indépendante, équivalence de chacun (tout le monde est égal devant le droit à la parole) et nécessité, pour tous, d'argumenter ses propos, même s'il ne s'agissait pas d'une enquête mais d'un débat qui avait pour but de faire sortir les avis, propositions de la population afin de les porter à la connaissance du maître d'ouvrage. Le débat public ne consistait pas en la remise en question du projet ITER qui relevait d'une décision internationale, a précisé Yannick Imbert, directeur de projet auprès du ministère de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire chargé des mesures d'accompagnement d'ITER .
En ce sens, les débats – sous contrôles et surveillances qui semblent décidément de rigueur en France pour tous les sujets ayant trait au nucléaire – ont plutôt servi à rassurer, voire à réfléchir sur les problématiques locales ou nationales soulevées par la construction des réacteurs : logement, foncier, transport, impact du site sur le paysage et déchets produits par l'installation.
Une réunion de clôture aura lieu le 4 mai prochain de 18h à 21 h à Marseille au parc Chanot. À l'issue de la réunion, la commission particulière du débat public dressera un compte-rendu exhaustif du contenu des débats. Avis et arguments une fois réunis, les responsables du projet disposent alors de trois mois pour annoncer publiquement leurs décisions sur le principe et les modalités de la poursuite du projet.
Mais l'Assemblée nationale a déjà entériné les dispositions législatives visant à permettre cette implantation d'ITER en France, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la recherche. Il fallait en effet que les députés adoptent, dans les mêmes termes que les sénateurs, un article du projet de loi prévoyant des adaptations législatives nécessaires pour que le projet ITER puisse prendre corps dans les meilleures conditions et dans le respect du calendrier arrêté entre tous les partenaires.
Ils ont décidé d'autoriser la création par décret d'une structure particulière - une sorte de ITER France - au sein du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), le recours à une procédure simplifiée pour l'acquisition par l'Etat de terrains pour la future route desservant le site d'ITER, et le défrichage par le CEA de terrains nécessaires à la réalisation du projet.
À l'inverse du processus de fission nucléaire (dégageant de l'énergie en cassant des atomes lourds tel l'Uranium) qui produit des déchets radioactifs à très longue durée de vie, la fusion thermo-nucléaire qui consiste à fusionner deux atomes légers comme du Deutérium (Isotope naturel lourd de l'Hydrogène) ou du Lithium, produit des composés plus lourds dont la durée de vie radioactive est de l'ordre d'une vie humaine. La gestion des déchets radioactifs serait donc en théorie beaucoup plus aisée alors que le Deutérium se trouve en quantité quasiment illimité dans les molécules d'eau des océans.
Les anti-nucléaires dénoncent un projet insensé qui va engloutir environ 10 milliards d'euros et dont le résultat est plus qu'incertain attendu des échecs rencontrés par la recherche dans le passé. Le risque réside en effet dans l'échec potentiel de cette technologie qui aura nécessité de gros investissements se substituant ainsi à ceux qui pourraient être accordés pour améliorer le développement des énergies renouvelables par exemple.
*Décision n° 2003-26 du 2 juillet 2003
**Décision N°2005/39/ITER/6
***http://www.debatpublic-iter.org