Voté dans la nuit de jeudi par la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, le projet de loi prévoit de modifier le système des redevances des agences de l'eau, des mesures de préservation des milieux aquatiques, de renforcement du dispositif contre le braconnage et de contrôle des pesticides ainsi que la création d'un Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) en remplacement de l'actuel Conseil supérieur de la pêche chargé de veiller au bon état des eaux. Concernant l'hydroélectricité, le projet de loi autorise la modification d'installations hydrauliques si leur fonctionnement ne permet pas la préservation des poissons migrateurs. Il prévoit également que des tranches d'eau peuvent être réservées dans les ouvrages hydroélectriques pour satisfaire des usages prioritaires (eau potable, équilibres écologiques…).
Selon le ministère de l'Ecologie, ce projet doit donner les outils à l'administration, aux collectivités territoriales et aux acteurs de l'eau en général pour reconquérir la qualité des eaux et atteindre en 2015 les objectifs de bon état écologique et retrouver une meilleure adéquation entre ressources en eau et besoins dans une perspective de développement durable des activités économiques utilisatrices d'eau et en favorisant le dialogue au plus près du terrain. Il doit également permettre de donner aux collectivités territoriales les moyens d'adapter les services publics d'eau potable et d'assainissement aux nouveaux enjeux en terme de transparence vis à vis des usagers, de solidarité en faveur des plus démunis et d'efficacité environnementale, selon le ministère. Ce projet de loi est important en matière d'amélioration de la gestion collective, de modulation des redevances en fonction de la rareté de la ressource et de la saison, et nous permettra de rendre obligatoire les compteurs d'eau dans les bâtiments collectifs neufs, avait indiqué Nelly Olin à l'issue de la dernière réunion du comité sécheresse.
Selon le ministère, en l'état actuel, un tiers des masses d'eau devraient atteindre un bon état d'ici 2015, un tiers ne le pourront en aucun cas si rien n'est fait et un tiers présentent un risque potentiel de ne pas satisfaire aux critères européens. Notons qu'à ce jour, la France compte huit contentieux sur l'eau avec Bruxelles, dont trois ont déjà fait l'objet de condamnation.
Mais le projet reste pour beaucoup insuffisant. Il ne prévoit notamment pas de nouvelles contributions des agriculteurs au financement de la lutte contre la pollution. L'association de consommateurs, UFC Que Choisir estime que ce projet est aujourd'hui une coquille qui sonne creux. Ce projet ne contient en effet quasiment aucune mesure relative à la politique agricole de l'eau, notamment les aquataxes sur les nitrates et les pesticides. Un projet de loi sans aquataxe ne peut pas être un grand projet de loi sur l'eau.Elle propose le développement des mesures agro-environnementales grâce à un circuit de financement vertueux : de l'argent est prélevé sur des modes de productions agricoles intensifs et polluants avant d'être redistribué à des productions favorisant la préservation de la ressource aquatique.
L'UFC-Que Choisir estime que 80 % de la consommation nette estivale de l'eau est imputable à l'agriculture en raison de la politique actuelle de subvention qui a orienté les agriculteurs vers des choix de monoproduction intensive et spécialisée peu favorables à la protection de l'eau. Dans le même temps, les consommateurs acquittent en moyenne 89 % de la redevance pollution et 72 % de la redevance consommation collectées par les agences de l'eau. L'UFC-Que Choisir ne part pas en guerre contre les agriculteurs. La bataille engagée est pour l'eau, elle ne sera pas gagnée sans l'implication de tous les usagers et la détermination des politiques, souligne Alain BAZOT, Président national.
Près d'un millier d'amendements ont été déposés dont dix-huit par le ministère de l'écologie, concernant notamment les mesures de lutte contre la sécheresse et le renforcement de la protection des milieux marins, a indiqué Mme Olin qui souligne que cette loi est certes imparfaite, mais il est plus que temps de la faire voter.
Ce projet de loi va être examiné les 9, 10 et 11 mai 2006 par l'Assemblée Nationale. La ministre de l'Ecologie Nelly Olin espère qu'il soit voté avant les vacances parlementaires qui commencent le 14 juillet et souhaite que la nouvelle loi entre en vigueur au 1er janvier 2007. Il sera intégré dans la partie législative du Code de l'Environnement qui, en près de 1150 articles regroupe aujourd'hui les dispositions de 39 lois précédemment dispersées et celles des textes votés depuis 2000.