Pour atteindre cet objectif le gouvernement et les professionnels des secteurs pétrolier, agricole et automobile avaient adopté le 21 novembre 2005, quinze mesures destinées à faire progresser le développement des biocarburants en France. Aujourd'hui : ils sont devenus ''la'' priorité du gouvernement. Le Premier ministre a en effet annoncé la mise en place de pompes à essence E85, carburant composé à 85% d'éthanol et à 15% d'essence. En 2008, entre 1.500 et 1.800 pompes vertes devraient êtres installés. Le mondial de l'automobile à Paris, a été par ailleurs l'occasion de mettre en avant les véhicules fonctionnant à l'énergie verte.
Pour l'agriculture française, les biocarburants sont une aubaine. La fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) s'est réjouie des annonces du Premier ministre concernant les biocarburants, vrai nouveau débouché pour un monde agricole parfois en mal de lisibilité, indique la FNSEA dans un communiqué.
Il est indéniable que les biocarburants possèdent des atouts : ce sont des énergies renouvelables qui contribuent à diminuer certains impacts globaux et représentent un élément de réponse à l'augmentation du coût des carburants et à la baisse des réserves pétrolières. De plus, ils contribuent faiblement aux émissions globales de gaz à effet de serre liée à l'automobile puisque le dioxyde de carbone rejeté lors de la combustion des biocarburants est en grande partie absorbé lors de la croissance des plantes qui servent à le fabriquer : il n'y a pas d'apport de carbone fossile dans l'atmosphère.
En outre, selon une étude de l'ADEME et le ministère de l'Industrie datant de 2002, par rapport à la filière gazole, la filière EMVH/Diester produirait 3,5 fois moins de gaz à effet de serre et a un rendement énergétique 3,3 fois supérieur. Quant à la filière éthanol, elle produirait 2,5 fois moins de gaz à effet de serre (60 %) et a un rendement énergétique 2,3 fois supérieur par rapport à la filière essence. Les biocarburants ont aussi des impacts positifs sur la pollution locale de l'air comparativement aux carburants classiques : la présence d'oxygène dans les biocarburants améliore leur combustion et permet de réduire ainsi la quantité de particules, de monoxyde de carbone et de la plupart des polluants émis, indique l'ADEME. De plus, ces carburants ne contiennent pas de soufre, ajoute l'agence.
En revanche et en leur défaveur, leurs méthodes de production entraînent elles-mêmes une consommation élevée d'énergie. Ils peuvent également avoir un impact négatif sur l'environnement car ils sont généralement issus de cultures intensives, consommatrices d'engrais et de pesticides. Par ailleurs, la surface cultivable française ne peut fournir de quoi alimenter les besoins dictés par le plan français : 10 % de biocarburants dans nos réservoirs en 2015.
À l'occasion du XVème Sommet de l'élevage à Cournon en Auvergne, le 5 octobre dernier, le Président Chirac en a fait l'éloge tout en semblant conscient des améliorations restant à apporter à la filière de production. Il y a l'après-pétrole et le développement des biocarburants, a déclaré le Chef de l'État, tout en soulignant que le rendement de la production des carburants verts devait être amélioré et qu'une deuxième génération de procédés devait être lancée sans tarder. J'ai fixé l'objectif d'incorporation de 10% de carburants végétaux dans les carburants en 2015. Pour l'atteindre, il faut améliorer les rendements de la production des carburants verts de première génération, et engager, dès maintenant, le développement d'une deuxième génération de procédés. Je demande le lancement immédiat de deux projets pilotes pour tirer parti de la totalité des plantes. L'accroissement du rendement constitue effectivement une voie pour limiter les impacts environnementaux de la production des biocarburants.
Car à l'heure actuelle ils sont loin d'ailleurs de faire l'unanimité. Sous l'argumentation trompeuse de réduction de notre dépendance pétrolière et de lutte contre l'effet de serre, ce projet n'est qu'un encouragement donné aux constructeurs automobiles et aux céréaliers en mal de débouchés nouveaux, relève Jean Claude Bévillard, secrétaire national de France Nature Environnement, chargé des politiques agricoles. L'association estime que mise à part l'huile végétale brute produite et utilisée à la ferme comme carburant, les bilans écologique et énergétique des biocarburants sont très incertains.
Selon FNE, le développement des biocarburants industriels va aggraver la dégradation de l'environnement… avec, à la clef, le développement de pratiques agricoles intensives fortement consommatrices de pesticides, de produits chimiques et acquise aux OGM.
La Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) s'inquiète, elle aussi, de l'engouement actuel pour les biocarburants et craint pour la biodiversité.
Dans un entretien accordé, le 16 octobre dernier, à La Tribune, Claude Mandil, le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a également donné son opinion sur les biocarburants fabriqués à partir de betterave notamment. Selon lui : ces filières sont les plus mauvaises. Il rappelle également que leur bilan CO2 est extrêmement limité, quasi nul. Actuellement, on ne sait pas bien si l'on fait une politique de développement des biocarburants au nom de la politique agricole commune ou de la politique énergétique.
Pour Cap 21, parti écologiste présidé par Corinne Lepage, le plan biocarburants 2005-2010 du gouvernement fait l'impasse sur la filière des Huiles Végétales Pures en la confinant dans la niche de la seule utilisation agricole. Il est temps que la France prenne le virage législatif et fiscal nécessaire au développement des huiles végétales pures, notamment celle de Tournesol, indique Eric Delhaye, porte-parole de CAP 21 et ce, pour plusieurs raisons : cette filière présente les meilleurs rendements en matière de production d'énergie (une tonne équivalent pétrole en production permet de fabriquer 7 tonnes équivalent pétrole) et d'émission de gaz à effet de serre. Elle permet de produire des tourteaux gras destinés à l'alimentation du bétail et de réduire ainsi les importations (75 à 80 % des protéines végétales destinées au bétail sont importées par la France) tout en ayant une garantie plus importante sur la qualité du produit (absence d'OGM….). La culture du tournesol n'est pas irriguée et ne nécessite que très peu d'intrants (nitrates, pesticides) et présente donc un écobilan assez favorable. Par la voie de son porte-parole, Eric Delhaye, CAP 21 demande donc à ce que la France lance en 2007 une vaste campagne d'expérimentation des Huiles Végétales Pures sur les flottes de véhicules des services publics (collectivités locales, services de l'État) de manière à alimenter par le retour d'expériences la production d'une norme européenne qui fournira un cadre et les garanties nécessaires au développement de la filière en direction des particuliers.
Nelly OLIN, ministre de l'Ecologie et du Développement durable a également invoqué les inconvénients qu'auraient, en termes d'effet de serre, les engrais utilisés pour produire les biocarburants. Plus précisément, elle a fait état des émissions de protoxyde d'azote liées à l'épandage d'engrais azotés dans les champs. Elle a par ailleurs estimé que la production de biocarburants pourrait porter atteinte aux ressources alimentaires.
Mais pour Oroma (filières des grandes cultures), la ministre fait une mauvaise approche. Selon eux, il ne faut pas tenir compte seulement des émissions intervenant lors de la culture, du transport et de la transformation des matières premières des biocarburants mais il conviendrait également de comptabiliser les réductions d'émissions auquel aboutit l'utilisation du bioéthanol et du biodiesel par rapport à celle de carburants conventionnels. En faisant ce bilan, Oroma constaterait alors qu'en affectant un hectare de terre à la production de biocarburants, il y a une réduction nette d'émission d'équivalent CO2 comprise entre 3 et 11 tonnes, selon les plantes utilisées. ORAMA rappelle enfin qu'en 2015, le plan de développement des biocarburants du Gouvernement ne mobilisera, au-delà des terres encore actuellement en jachère, que 15% maximum de la surface globale de céréales, d'oléagineux et de betteraves en France. Cela ne pourra compromettre la satisfaction des besoins alimentaires.
Dans tous les cas, Nelly Olin semble suivre son chemin et ses idées. De nombreux média lui ont reproché d'avoir boudé le salon de l'auto où l'on ne parlait quasiment que de biocarburants... À l'inverse, on se rappellera que les grandes rédactions ont accordé une place à la semaine Européenne de la Mobilité sans commune mesure avec celle qui a été réservée au salon de l'auto. Alors que la Ministre apparaît plus attirée vers une meilleure gestion de la mobilité combinée au développement des véhicules propres, elle présentera mercredi, le rapport annuel de la Commission interministérielle pour les Véhicules Propres et Économes (CIVEPE).