Résultats : en se basant sur les modèles économiques officiels, l'étude démontre que si rien n'est fait, les conséquences du changement climatique pourraient coûter 5% du PIB mondial chaque année, dès maintenant et indéfiniment, et que les dommages collatéraux pourraient même porter ce coût à 20% du PIB mondial, voire plus. L'activité humaine d'aujourd'hui et des décennies à venir risque d'avoir des répercussions majeures sur la vie économique et sociale, du même ordre que celles qu'ont eues les deux guerres mondiales et la dépression économique des années 1930. Autrement dit, le changement climatique serait la plus grande faillite de l'économie de marché que le monde ait jamais connue.
Ces chiffres rappèlent donc qu'il est urgent d'agir. Selon le rapport, le changement climatique étant un problème mondial, la parade doit être internationale, assise sur des objectifs communs sur le long terme, adossée à des accords-cadres de nature à accélérer l'effort dans les dix années à venir et mettant en œuvre les synergies entre les actions à mener à l'échelle régionale, nationale et internationale. Et à ceux qui estime que ces efforts coûteront trop cher et mettront en péril la croissance économique de leur pays comme ne cesse de le crier le président américain réticent au protocole de Kyoto, le rapport répond que lutter énergiquement et dès à présent contre ce phénomène coûtera beaucoup moins cher que ne rien faire. En effet, selon l'étude, agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre supposera une dépense de l'ordre de 1% du PIB mondial chaque année à condition d'agir dès maintenant. Stabiliser le climat aujourd'hui aura donc, certes, un coût élevé, mais abordable. Différer l'effort se révélera dangereux et bien plus onéreux.
Mais le rapport ne se borne pas à faire un état des lieux, il propose également une série de préconisations. S'il n'est plus possible de lutter contre le changement climatique attendu pour les deux ou trois décennies à venir, il est encore possible d'en limiter quelque peu les effets sur nos économies et sur nos sociétés par une action vigoureuse. « L'adaptation » serait le maître mot de la situation mais ce ne sera pas si simple. Même si les pays riches prennent sur eux de diminuer leurs rejets de 60% à 80% d'ici 2050, les pays en développement devront aussi mettre la main à la pâte. Mais cet effort d'adaptation risque de leur coûter des dizaines de milliards de dollars par an. Il faudra pourtant, particulièrement dans ces pays, accélérer la prise en compte et, pour ce faire, les y aider. Le rapport préconise donc l'utilisation des marchés de droit d'émission qui génèrent des financements importants au profit du développement des pays pauvres en technologies à faible émission de carbone, notamment par le biais du Mécanisme du Développement Propre (MDP). Il faut aujourd'hui transformer ces flux pour leur permettre de passer à la vitesse supérieure.
Selon le rapport, les investissements dans l'innovation ont tout à gagner à la concertation et à la coordination des projets à l'échelle mondiale. Il faudrait que l'effort mondial en faveur de la recherche & développement double et que l'aide aux technologies à faible émission de carbone soit quintuplée.
Par ailleurs, le rapport rappelle que la perte des forêts naturelles dans le monde contribue plus aux émissions mondiales de gaz à effet de serre chaque année que le secteur des transports. Des programmes pilotes internationaux de grande ampleur pour enrayer le phénomène pourraient être mis en œuvre sans délai.
Finalement, ce rapport démontre que le monde n'a pas à choisir entre « éviter le changement climatique » et « promouvoir la croissance et le développement ». L'évolution des technologies énergétiques et les mutations des appareils économiques font que la croissance n'est plus antinomique avec les réductions des gaz à effet de serre. Fermer les yeux sur le changement climatique viendra au contraire entraver la croissance économique. Mais ce qui manque désormais, c'est l'engagement de la classe politique dans ce sens. La facture risque d'être plus lourde si les décideurs politiques ne tirent pas pleinement parti des instruments économiques propres à entraîner une réduction des émissions.
À ce propos, la Ministre de l'écologie et du développement durable français s'est déclaré être en plein accord avec les conclusions du rapport de Nicholas STERN. La France a mené un exercice comparable au sein du groupe de travail « Facteur IV » et les conclusions des deux études vont dans le même sens. Selon le ministère, la Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable, Nelly OLIN est tout à fait en phase sur ce sujet avec son collègue britannique et ils défendront cette position lors de la prochaine conférence climat de Nairobi, prévue du 6 au 17 novembre prochain.
Ainsi , avec d'un côté le rapport de l'Agence européenne pour l'environnement qui presse les états membres de passer à la vitesse supérieure concernant Kyoto, le rapport annuel du secrétariat de la CCNUCC* qui dénonce la reprise à la hausse des émissions de GES dans les pays industrialisés et maintenant ce nouvel éclairage économique, les discussions de Nairobi risquent d'être mouvementées. Espérons qu'elles aboutissent enfin à une prise de position et d'engagements communs, internationaux et ambitieux sur la lutte contre le changement climatique.
*Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques
Article publié le 02 novembre 2006