GO : De la même façon que j'ai démarré la démarche HQE® en 1992 à l'occasion des accords de Kyoto, je suis quasiment convaincu que 2006 constitue une période charnière beaucoup plus nette, qui se conjugue avec un contexte réglementaire porteur* et les élections présidentielles de 2007. On peut affirmer que la tendance Haute Qualité Environnementale a commencé à s'inscrire dans les projets à partir de 2000, et qu'aujourd'hui, des gens “honnêtes” se sont appropriés le concept. En revanche, il y a encore des progrès à accomplir en matière de développement durable et d'environnement, davantage orientés vers la société civile. Il est clair que cette manifestation a montré cette curiosité de société civile et la dimension nationale acquise aussi bien sur le développement durable que sur la partie environnementale. Sur ces thèmes, il nous faut vraiment devenir compétent et ne pas perdre de temps ! L'important, c'est cette connexion entre les professionnels et des “morceaux” de société civile qui ne sont pas uniquement des individus. En témoignent les quelque 4200 visiteurs au Salon venus des mondes de la construction et de l'immobilier, des secteurs public et privé, des collectivités locales, investisseurs et utilisateurs, convaincus qu'il n'est plus possible de construire n'importe quoi, n'importe commun. Aujourd'hui, ce sentiment n'est pas qu'un vœu pieux, je pense qu'il est possible !
AE : Et s'agissant de la teneur des conférences ?
GO : Lorsque le projet a été lancé en mars 2006, je suis intervenu pour recentrer le thème sur le bâtiment. Cette édition s'est clairement consacrée à la qualité énergétique, environnementale et d'usage des bâtiments. Loin des applications de la domotique - même si ces technologies peuvent y participer - ce terme de qualité d'usage a été vu sous un angle social. À savoir, on améliore la qualité des bâtiments, mais est-elle adaptée aux besoins des occupants ? Qui sont les usagers ? Sur le style, il s'agit d'un salon où les mises au point de politiques techniques par rapport à des opérations, ne s'élaborent plus uniquement entre professionnels. Si l'on parle de développement durable en effet, la préoccupation est économique, sociétale (au sens de politico-social), et environnementale - même si les aspects techniques sont différents à ce niveau. J'ai choisi de traiter ces grands thèmes selon une logique précise. D'abord avec des ateliers “Points d'activités”, c'est-à-dire le marché tel qu'il se pratique dans l'optique de recaler des déviances. Ensuite, avec des tables rondes “Avancées” valorisant davantage les évolutions et leur maîtrise essentiellement en construction neuve, et sur les trois sujets de qualité énergétique, environnementale et d'usage. Avec des conférences débats “Clefs pour l'action”, le troisième volet s'est avéré plus politique, donc plus prospectif et lié au bâtiment existant qui constitue l'essentiel des potentialités en matière d'économie d'énergie, de correction environnementale, et de qualité d'usage. Avec toujours la problématique sociétale appliquée à ces trois thèmes. Enfin, a été abordé le passage de la notion de bâtiment à celle de territoire, salué par Christian Brodhag, Délégué interministériel au Développement Durable, venu clôturer ce Forum.
AE : Justement et vu le succès du Salon, qu'elle est votre réflexion sur l'avenir ?
GO : L'idée a consisté à faire le point, à discuter et à chercher à savoir où l'on va. Désormais, il convient d'introduire de la prospective publique. À différents niveaux. Les élus, les services techniques des villes, les aménageurs, les maîtres d'ouvrage et tous les professionnels qu'ils soient concepteurs, entrepreneurs, jusqu'aux industriels et aux usagers, adoptent des logiques d'acteurs naturellement différentes, que chacun va devoir dépasser pour être opérationnel. Ensuite, il faut que chacun de ces acteurs ait le courage d'exprimer sa vision de l'avenir. Un élu doit pouvoir affirmer ses convictions à 20 ans, quitte à ce qu'elles soient discutées. Il faut qu'en France, on ait le droit d'anticiper et de se tromper ! De même, les services techniques sur les réseaux de transport par exemple, interviennent dans le cadre de schémas directeurs à 20, 30 ou 50 ans, mais on ne connaît jamais les enjeux de leur démarche par rapport au projet précis ! Pourtant, une décision d'élu se prend par rapport à des électeurs. Les aménageurs travaillent avec des opérateurs, en tenant compte des exigences des collectivités locales et des associations d'usagers. Autrement dit, il existe des regroupements différents d'acteurs à tous les moments d'un projet de cadre de vie quel qu'il soit, pas seulement de bâtiment. Donc, continuons à nous montrer compétents sur la partie qualité environnementale des bâtiments, mais pour inscrire ces ouvrages dans un projet de développement durable, l'approche sur les territoires s'impose. Dans mon dernier livre, je parle du cadre de vie bâti et des territoires, de leur développement durable, sous forme d'un manifeste de la situation vitale. En fait, je considère que pour être en situation de vie sociale, le droit au logement et le droit à la vie sociale correspondent à une exigence minimale qui couvre tout ce contexte économique, politique et technique. Faute de quoi les zones dites sensibles vont proliférer !
* Notamment, la loi Programmation Orientations Politiques Energétiques (POPE) du 13 juillet 2005, la Nouvelle Réglementation Thermique (RT 2005) applicable aux bâtiments neufs, le Plan Climat 2006, la mise en œuvre des diagnostics de performance énergétique, crédits d'impôt, certificats d'économie d'énergie, etc.
En savoir plus :
www.ecobuilding-performance.com
“Le manifeste de la situation vitale - Du cadre bâti de la vie”, Gilles olive, Editions Colégrams (Novembre 2006), www.d2c.org