Grâce à cette charte, L'environnement entrerait à égalité dans la plus haute loi française à côté des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 et des droits économiques et sociaux de 1946. Mais elle a surtout une portée symbolique : les principes qu'elle énonce (réparation des dommages, prévention, précaution...) figurent déjà dans le droit français et dans les traités internationaux ratifiés par la France. Sa principale innovation réside dans son article 5, qui définit plus précisément le principe de précaution que le traité de l'Union européenne signé à Maastricht en 1992 par exemple.
La Charte stipule que ''lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent (...) à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées (...) ainsi qu'à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques encourus''.
Or, le principe de précaution fait peur car de nombreux élus craignent une avalanche de procès, le patronat prévoient déjà une paralysie de l'innovation et certains scientifiques redoutent qu'il entrave la recherche.
Les amendements les plus radicaux, proposés par certains des suscités députés UMP, et qui annihileraient le principe de précaution, ont été repoussés. Mais plusieurs amendements adoptés en restreignent l'application.
Ainsi, les autorités publiques ne devront appliquer le principe de précaution que ''dans leurs domaines d'attribution respectifs''. En clair, un maire ne pourra pas interdire par arrêté des cultures OGM dans un champ situé sur le territoire de sa commune, cette compétence relevant de l'Etat. Il s'agit ici de rassurer nombre d'élus inquiets de voir leur responsabilité engagée.
Un autre amendement prévoyant d'ajouter un alinéa à l'article 34 de la Constitution, indiquant que l'environnement ferait désormais partie du domaine législatif et ne serait plus de la compétence exclusive du gouvernement donne aux parlementaires la possibilité de légiférer pour préciser l'application du fameux principe. Dans les faits, les députés pourront préciser dans une loi les modalités d'application, ''en cas de dérapage ou d'imprécision'', comme l'explique Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP), rapporteur de ce projet.
Syntec Ingénierie, fédération qui rassemble les sociétés exerçant une activité d'assistance ou d'études techniques, d'ingénierie, de contrôle ou d'inspection, propose à défaut d'une loi de définir les conditions d'application du principe de précaution par une agence indépendante.
Les sociétés d'ingénierie sont en effet fondamentalement impliquées par le principe de précaution du projet de charte de l'environnement du fait de leur mission de conseil et d'assistance dans le domaine de la protection de l'environnement au travers des études d'impact, de risques, de danger, des expertises et des études de conception. Ainsi, Syntec-Ingénierie appuie la mise en place du principe de précaution, dans la mesure où il serait complété soit par une loi, soit par la création d'une agence indépendante, chargée de définir les méthodes et les compétences permettant de l'appliquer et d'éviter des dérapages
Pour les écologistes et de nombreuses associations, cette disposition enlève beaucoup de force au principe de précaution. Même si Mme Kosciusko-Morizet précise qu'il reste une application directe (un simple citoyen pourra saisir le juge administratif pour réclamer le retrait d'autorisation d'un pesticide en cas d'incertitude), dix personnalités, dont l'animateur de télévision Nicolas Hulot et l'astrophysicien Hubert Reeves, ont lancé un appel aux parlementaires pour qu'ils adoptent une Charte de l'environnement ''ambitieuse'', c'est-à-dire dans son état actuel où le principe de précaution est inscrit en clair et en totalité.
De même, les députés Verts ont prévenu qu'ils ne voteraient pas une charte affaiblie. Yves Cochet souligne déjà l'absence en tant que tel du principe pollueur-payeur, devenu simple ''contribution à la réparation des dommages''.
Les députés socialistes abordent pour leur part le débat dans ''un esprit positif'', selon Christophe Caresche, député de Paris.
Pour être définitivement adoptée, la Charte devra être soumise à référendum ou, selon le souhait du président, par les deux Assemblées réunies en Congrès (à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés).
Article publié le 14 mai 2004