Prévu dans la loi Grenelle 1, rappelons que ce plan national rassemblera des orientations sur des sujets comme la lutte contre les inondations et l'adaptation des zones littorales, l'évolution des forêts, la question de l'eau et l'adaptation de l'économie. Il doit trouver sa déclinaison territoriale dans les futurs ''schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie'' proposés par le projet de loi Grenelle 2, en cours d'examen au Parlement, et dans les ''Plans climat énergie territoriaux'' qui devront être établis par les départements, communautés urbaines, communautés d'agglomérations, communes et communautés de communes de plus de 50.000 habitants avant 2012.
L'objectif du rapport, réalisé à la demande du ministère du Développement Durable, est de mobiliser pouvoirs publics et acteurs privés pour que l'adaptation ''restée pendant longtemps le parent pauvre, à la fois intellectuel et pratique, du débat sur le changement climatique'' soit reconnue au même titre que l'atténuation et la limitation des émissions de gaz à effet de serre (GES). Des stratégies d'adaptation, ''nécessaires'' pour faire face aux conséquences du réchauffement. D'autant plus qu'un rapport de l'ONERC*, publié en septembre dernier, chiffre les coûts liés au changement climatique à ''plusieurs centaines de millions d'euros par an'' pour plusieurs secteurs d'activités (agriculture, tourisme, énergie, tourisme, BTP…) d'ici 2050, ''en cas d'adaptation insuffisante''.
Des incertitudes autour des impacts
Mais au-delà des investissements, la question de l'adaptation au changement climatique s'avère ''complexe'', explique Christian de Perthuis, l'un des auteurs du rapport et membre du programme de recherche économie du climat. Et ceci, compte tenu de ''l'incertitude liée notamment à l'évolution future du climat'' selon qu'on se situe dans un scénario de hausse moyenne des températures de 2°C ou de 4°C , de celle sur les conséquences possibles d'un scénario climatique donné au plan local et celle sur l'évolution des capacités d'adaptation de ''nos sociétés dans le futur'', précise Stéphane Hallegatte du Centre International de Recherche sur l'environnement et le développement (CIRED).
Si l'adaptation peut être définie comme l'ensemble des évolutions que les sociétés ''devront opérer pour limiter les impacts négatifs du changement climatique et en maximiser les effets bénéfiques'', les stratégies sont difficiles à élaborer. Par exemple, concernant la traduction locale de ces scénarios climatiques, ''les modèles divergent en France sur la façon dont le changement climatique va affecter la fréquence et l'intensité des épisodes de tempêtes dans le nord du pays''.
Selon les auteurs, les impacts du changement climatique, et donc les bénéfices des mesures d'adaptation, ''dépendent non seulement du scénario climatique, mais aussi de la réponse des écosystèmes et des sociétés à ce scénario''. La question n'est donc pas de savoir comment s'adapter à un nouveau climat, mais de savoir ''comment et à quel coût nous pouvons adapter nos modes de vie et notre système économique à un climat sans cesse changeant''.
Pour cela, la question de l'adaptation doit être considérée comme ''un processus dynamique de long terme'', ''dans lequel on peut vérifier la fiabilité des dispositifs mis en place il y a 10 ans'', selon M. Hallegatte. Un plan d'adaptation sur quelques années n'étant qu'une étape dans un schéma de très long terme, estime-t-il.
L'adaptation recouvre donc des formes d'action très variées (protection directe des personnes
ou du capital, actions facilitant cette protection, réaction face aux impacts, etc.), dans de très nombreux secteurs (agriculture, eau, énergie, transport, etc.), avec des problématiques très différentes selon les zones et les échelles géographiques (côtes, montagnes, zones urbaines) et avec des instruments très divers (normes, information, mesures fiscales, transferts, choix d'investissement dans les infrastructures).
Diffuser l'information sur le changement climatique
Pour ce faire, les auteurs du rapport appellent à renforcer le rôle de l'action publique, là où les mesures d'adaptation prises à titre privée (ménages, entreprises…) et de manière ''spontanée'' risquent ''d'être insuffisante''. Le rapport identifie quatre champs dans lesquels l'intervention de l'autorité publique est ''requise''. Franck Lecoq (AgroParistech), auteur du rapport, explique qu'en premier lieu, les pouvoirs publics ont un rôle clé à jouer dans la production et la diffusion de l'information sur le changement climatique, ses impacts et les moyens de s'y adapter afin de ''permettre aux acteurs privés de prendre leurs décisions en connaissance de cause''.
L'action publique se doit également de modifier les normes et règlements qui encadrent l'action des acteurs publics et privés. Le rapport prend ici l'exemple des normes qui affectent la demande en eau, et celles qui concernent l'adaptation du capital fixe à longue durée de vie (bâtiments, infrastructures de transport, grands ouvrages, etc.). Aux côtés des normes techniques, le rapport recommande aussi d'adapter les normes procédurales, ainsi que d'autres normes non directement liées au climat, mais qui impactent la capacité à s'adapter, par exemple les normes architecturales dans le domaine du bâtiment.
Il s'agit également pour les pouvoirs publics d'adapter les institutions aux enjeux climatiques, capables d'identifier ''les signaux précurseurs'' et de mettre en oeuvre, ''de manière crédible, les solutions qu'elles proposent''. Enfin, l'Etat et les collectivités locales doivent intégrer les impacts à venir du changement climatique dans les politiques d'aménagement de l'espace (politiques d'urbanisme…) et investir sur l'adaptation des infrastructures publiques existantes (réseaux de transport de passager, de marchandises, d'énergie, d'eau, réseau de télécommunication, etc.), ainsi que des bâtiments publics en général. Il s'agit d'adapter les nouveaux investissements, par exemple en termes de dimensionnement et de localisation.
S'adapter au changement climatique peut ainsi requérir ''de bifurquer vers de nouvelles localisations et/ ou de nouvelles activités'' sur le même site, quand reconduire à l'identique des activités ou des service peut s'avérer trop coûteuse voire techniquement impossible. Avec une hausse moyenne de 2°C durant les prochaines décennies, les stations de sport d'hiver de basse et moyenne altitude stations - qui recourent à la fabrication de neige artificielle très consommatrice en énergie et eau - ne pourront à terme ''continuer à offrir des prestations de ski''. Une centaine de stations supplémentaires pourraient faire face à une pénurie de neige. Sur le territoire métropolitain, les impacts du changement climatique sur certaines zones côtières sont aussi susceptibles de provoquer à terme des relocalisations.
L'enjeu consiste donc à éviter de prendre des mesures ''maladaptées'' face aux impacts du changement climatique, et à définir une adaptation fondée sur ''un processus dynamique''. ''La stratégie doit être conçue pour quelques années seulement, tout en prenant en considération le très long terme, de façon à être réajustée tout au long du siècle au fur et à mesure de l'arrivée de nouvelles informations'', estiment les auteurs.
Cette contribution du CEDD, installé depuis février 2009, s'inscrit dans le cadre des travaux de concertation sur ce sujet, lancés en décembre dernier par la Secrétaire d'Etat à l'Ecologie Chantal Jouanno. Trois groupes de travail ont été constitués depuis mi-janvier. La remise de leurs travaux est attendue pour la mi-juin 2010. Les recommandations des groupes de travail seront présentées aux Parlementaires consultés sur cette question à l'automne prochain.
*l'Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique.