Dans ses conclusions présentées lors de la séance du Conseil national du débat sur la transition énergétique du 23 mai, le groupe de travail "financement" a présenté ses propositions pour financer cette transition. Mais, pour cela, il avait effectué auparavant une sorte de bilan coûts/bénéfices de la transition. Présentation.
Un retour sur investissement de l'ordre de 5 pour 1Les coûts du nucléaire
Malgré les fortes oppositions constatées sur la part du nucléaire dans la production électrique, le groupe de travail est parvenu à mettre à plat l'éventail des coûts, avec des chiffres issus du rapport Champsaur, de la Cour des comptes et de différents experts. Le coût courant économique estimé par la Cour des comptes, rappelle le rapport, est de 49,50 €/MWh, auquel il faudrait ajouter 5 €/MWh en se référant aux estimations "post-Fukushima" d'EDF ou 2 à 3 €/MWh si l'on prend en compte des investissements additionnels par réacteur de l'ordre de 200 M€ amortis sur dix ans. La valeur médiane d'un accident nucléaire tous accidents confondus est, quant à elle, évaluée à 200 Mds€ par l'IRSN.
Deux écoles s'affrontent : celle qui considère que le débat sur le "vrai coût" du parc nucléaire existant a été réglé par la Cour du compte qui a établi qu'il n'y avait pas de "coûts cachés". De l'autre, ceux qui considèrent que les incertitudes sur les coûts actuels et futurs imposent de baser les différents scénarios de la transition énergétique sur deux hypothèses (haute et basse) du coût du nucléaire.
Première question posée par le groupe de travail : si on ne faisait rien, combien coûterait le changement climatique ? Le coût annuel se situerait à 5,5% du PIB mondial en 2050 selon l'OCDE, entre 5 et 20% du PIB à terme selon l'économiste Nicolas Stern. Pour la France, les dommages seraient de l'ordre de 150 Mds € par an en 2050, toujours selon l'OCDE.
Si, au contraire, on agit, quel est le coût de l'adaptation ? Il n'existe pas d'évaluation globale des coûts pour la France, relève le rapport, mais ce coût est estimé entre 0,1 et 0,5% du PIB par la plupart des études réalisées au niveau mondial ou de l'UE. "L'adaptation permet donc d'éviter des coûts avec un retour sur investissement de l'ordre de 5 pour 1", estime le groupe de travail. De plus, l'adaptation permettrait de développer des services ou des technologies "résilientes au changement climatique", ajoute-t-il : géothermie, énergie thermique des mers, climatisation par eau de mer, centrales à refroidissements sec, etc.
Le rapport fait toutefois état d'un débat au sein du groupe de travail sur le rythme de la transition énergétique. Pour certains, une adaptation du rythme est nécessaire afin de prendre en compte les contraintes qui pèsent sur les finances publiques, la compétitivité des entreprises, le pouvoir d'achat des ménages et le contexte international. Pour d'autres, ce décalage ne ferait que différer le problème, nécessitant par la suite "un rythme d'amélioration insoutenable sauf miracle technologique". Ces derniers peuvent s'appuyer sur les chiffres de l'OCDE qui estime que retarder à 2020 le début des investissements accroîtrait de 50% le coût des dommages en 2050.
Des gains nets cumulés en 2050 dans tous les scénarios
Faute de consensus, le groupe de travail "mix énergétique" a planché sur quatre familles de scénarios différents, appelées "trajectoires" : DEC Electrification et décarbonation, DIV Demande stable et diversification, EFF Efficacité énergétique et diversification, SOB Sobriété énergétique et sortie du nucléaire.
"Tous les scénarios présentent des gains nets cumulés, importants à très importants, par rapport à la facture énergétique tendancielle en 2050, que ce soit avec des prix hauts ou bas de l'énergie", analyse le rapport (1) . Les scénarios de maîtrise de la demande SOB et EFF sont à cette échéance économiquement plus intéressants en cas de prix élevés des énergies. Les gains cumulés en 2050 sont supérieurs en cas de durée de vie des centrales de 55 ans dans tous les scénarios, sauf dans le scénario SOB.
La hiérarchie des gains cumulés en 2030 varie plus selon les prix des énergies et la durée de vie des centrales. "En 2030, aucun scénario ne rembourse les investissements cumulés par les gains cumulés de facture énergétique en cas de prix bas des énergies si la durée de vie des centrales est de 40 ans", relève le groupe de travail. Si cette durée est de 55 ans, le scénario DIV permet de rembourser en cas de prix bas. En revanche, indique le rapport, "tous les scénarios remboursent les investissements en cas de prix hauts".
Au-delà de la réduction de la facture énergétique nationale, de nombreux autres bénéfices sont attendus de la transition énergétique, ajoute le document : réduction de la dépendance extérieure, création d'emploi, réduction de la pollution et de ses effets. Mais il relève aussi que "chacune des quatre trajectoires a des effets sensiblement différents". Il reviendra au Gouvernement de trancher.