L'exécutif a ouvert le 16 janvier le site internet dédié au Grand débat national (1) qui fait suite au mouvement des gilets jaunes. Les fiches de présentation des quatre thèmes retenus permettent de découvrir la vision qu'il se fait de la transition écologique. Une vision esquissée par la lettre qu'Emmanuel Macron a adressée aux Français deux jours avant.
La fiche dédiée à la transition écologique (2) établit un diagnostic, présente les enjeux du débat puis propose une série de 17 questions, dont certaines ouvertes, qui serviront à structurer le futur compte rendu de cette consultation. Les Français pourront déposer leurs contributions en ligne à compter du 21 janvier. Le gouvernement s'engage, sous le contrôle de cinq garants (3) , à analyser chaque contribution après le 15 mars. Une consultation qui s'ajoute à des réunions d'initiative locale, des stands de proximité ainsi qu'à des conférences citoyennes régionales à compter du 1er mars.
Maintenir des activités compétitives
Le diagnostic dressé par le gouvernement porte exclusivement sur le changement climatique et la transition énergétique, avec ses impacts en matière de chauffage, de transports et de pollution de l'air. "Pas de mention de l'effondrement de la biodiversité", déplore dans un tweet la climatologue Valérie Masson-Delmotte. La diversité du vivant fait toutefois l'objet d'une question, dont la formulation est en droite ligne de la lettre du président. Il est en effet demandé aux Français que faire pour protéger la biodiversité (et le climat) tout en "maintenant des activités agricoles et industrielles compétitives par rapport à leurs concurrents étrangers" ? La protection de la biodiversité est donc ici conditionnée au fait que les mesures qui pourraient être adoptées ne déstabilisent pas les échanges commerciaux. "Comment devons-nous garantir scientifiquement les choix que nous devons faire à cet égard ?", interrogeait également Emmanuel Macron dans son courrier.
Parmi les enjeux du débat sont mentionnés la prime à la conversion pour un véhicule propre, l'accès à de nouvelles solutions de mobilité, la réduction de sa facture de chauffage et d'électricité grâce au chèque énergie, l'isolation de son logement soutenue via le dispositif des certificats d'économie d'énergie, le crédit d'impôt pour la transition énergétique, les aides de l'Anah ou l'éco-prêt à taux zéro (Eco-PTZ). Des aides à la transition dont l'exécutif reconnaît qu'elles restent "trop peu connues, parfois complexes et insuffisantes au regard du pouvoir d'achat de certains Français". La fiche rappelle également l'objectif de neutralité carbone pour 2050 "tout en réduisant à moins de 50 % la part du nucléaire dans la production d'électricité à échéance 2035".
"Le gouvernement réduit les "enjeux du débat" sur la transition écologique à quelques banalités sur la voiture et le chauffage. Rien sur la biodiversité, les déchets, les produits chimiques, l'eau, etc.", tacle l'avocat Arnaud Gossement sur Twitter. Autre problème soulevé par ce dernier : "Au fil des questions, la transition écologique est uniquement présentée comme un coût dont le financement pose problème. Jamais comme une source d'économies, d'emplois, d'opportunités d'activités...".
Des questions fiscales taboues
"Ce débat sera également l'occasion de dégager un éclairage sur la manière de faire évoluer la fiscalité environnementale pour la rendre plus juste et efficace", annonce le gouvernement. A quoi les recettes liées aux taxes sur le diesel et l'essence doivent-elles avant tout servir ? La transition écologique doit-elle "avant tout" être financée par le budget général de l'Etat ou par la fiscalité écologique ? Qui doit être concerné en priorité par le financement de la transition écologique ?, interroge le questionnaire.
Toutes les questions liées à la fiscalité ne sont toutefois pas abordables dans ce grand débat puisque le président a précisé qu'il ne reviendrait pas sur la réforme de l'impôt sur la fortune (ISF). Pourtant, la réforme fiscale intervenue dans la loi de finances pour 2018 a conduit à davantage taxer les espaces naturels que les autres biens, facilitant ainsi l'artificialisation des sols, avait révélé Guillaume Sainteny, maître de conférences à l'école Polytechnique et spécialiste de la fiscalité environnementale.
La taxe carbone, que le gouvernement a décidé le 6 décembre de geler sous la pression des gilets jaunes, fait en revanche partie du débat, a confirmé François de Rugy mercredi 16 janvier, précisant que son niveau, son rythme et l'affectation de son produit étaient à discuter.
Le ministre de la Transition écologique a également mis au débat la question d'une éventuelle rémunération des entreprises et des citoyens qui seraient prêts à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. "Et taxer les multinationales et sites industriels français qui sont très largement exonérés ou qui paient trois à six fois moins la tonne de carbone que nous, toujours pas ?", interroge Maxime Combes, économiste et membre d'Attac France.