"L'hydroélectricité ne doit pas être l'oubliée" des énergies renouvelables, a martelé Yves Giraud, directeur d'EDF Hydro, lors du colloque national sur l'hydroélectricité, organisé par le Syndicat des énergies renouvelables (SER), le 11 octobre. Les acteurs de la filière mettent en avant les obstacles réglementaires et environnementaux qui contraignent le développement de cette énergie et l'optimisation des barrages existants, depuis l'application de la directive européenne sur l'eau notamment. Pourtant, "upgrader une installation hydraulique peut améliorer les impacts environnementaux", explique Christine Goubet-Milhaud, présidente de l'Union française de l'électricité (UFE).
Un groupe de travail a été mis en place en octobre 2017 par le ministère, afin de travailler avec l'ensemble des parties prenantes sur les freins et les leviers à mettre en place. Cette énergie, plus qu'une autre, est à la croisée des enjeux. Si elle représente la première énergie renouvelable en France, elle doit aussi répondre à des problématiques environnementales, notamment sur la continuité des cours d'eau et la préservation de la biodiversité.
Un soutien pour accompagner la rénovation
Aujourd'hui, les ouvrages hydrauliques représentent une capacité de 25,5 GW installés. Les lacs représentent 40% de cette capacité, suivis des stations de transfert d'énergie par pompages (Step) (26%), les ouvrages au fil de l'eau (18%) et les éclusées (16%). Au total, 2.300 centrales produisent de l'hydroélectricité sur le territoire français.
L'actuelle programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit le développement de 500 à 550 MW d'hydroélectricité d'ici 2023. Pour y parvenir, des appels d'offres sont lancés régulièrement. Les deux premières tranches ont permis de lancer 65 MW de projets. C'est peu. L'accent doit donc être mis sur la rénovation de l'existant.
"Dans la PPE, un potentiel de 1 GW a été identifié. On devrait rester dans cette continuité avec la prochaine programmation et mettre le focus sur la modernisation des barrages existants", soulignait Virginie Schwarz, la directrice de l'énergie au ministère de la transition écologique et solidaire. Le ministère travaille d'ailleurs à la mise en place d'un dispositif de soutien pour la rénovation des ouvrages, dans l'idée de "pérenniser l'existant et de l'améliorer".
Des améliorations environnementales exigées
La directive sur l'eau a entraîné un nouveau classement des cours d'eau. 30% d'entre eux se retrouvent en liste 1, c'est-à-dire qu'ils sont considérés à enjeu majeur. Ce classement empêche la construction de tout nouvel obstacle à la continuité écologique et impose la restauration de la continuité écologique au fur et à mesure des renouvellements d'autorisations ou de concessions, ou lors de travaux, de modifications d'ouvrage…
A cela, s'ajoutent 11% des cours d'eau en classe 2, qui impose aux ouvrages existants des mesures correctrices pour réduire leurs impacts sur la continuité écologique. Pour ces cours d'eau, une obligation de résultat est attendue en matière de circulation des poissons migrateurs et de transport suffisant des sédiments.
De fait, le potentiel nouvellement mobilisable est restreint. Et les modernisations d'ouvrage sont très encadrées. Des pertes de productibles devraient donc avoir lieu. Dans les Hautes-Alpes, par exemple, où plus de deux tiers du potentiel est déjà exploité, le schéma régional climat air énergie (SRCAE) estime qu'une seule nouvelle installation de 5 MW pourrait être réalisée et que 170 Wh de productible devrait être perdus sur les installations existantes, du fait des nouvelles réglementations. Pour la région Paca, "le potentiel technique additionnel brut - hors enjeux environnementaux - sur la région est de 1.550 MW dont 50 MW sont dits exploitables sans condition particulière et 180 MW sous conditions strictes".
600 ouvrages analysés par an
Les défenseurs de l'hydroélectricité dénoncent ce cadre strict. "Il faut arrêter de faire du zèle environnemental", estime le directeur d'EDF Hydro, Yves Giraud. Laurent Duplomb, sénateur de Haute-Loire (LR), regrette quant à lui que l'on "se refuse à faire évoluer certains classements".
Ce que confirme Simone Saillant, directrice adjointe de l'eau et de la biodiversité au ministère de l'écologie : "On ne retouchera pas au classement existant. En revanche, nous allons sur-prioriser les ouvrages à analyser. Nous travaillons à l'établissement d'une grille de priorisation en fonction des secteurs à enjeu environnemental majeur et d'autres critères comme la facilité à retravailler les projets".
Au total, 10.000 ouvrages sont à analyser au regard des nouveaux classements. L'objectif est d'en traiter quelque 600 par an. "Une instruction va être faite aux préfets prochainement", a précisé Simone Saillant.