S'il est indispensable d'aérer les locaux (dix minutes le matin, dix minutes le soir)…, la biofiltration constitue aussi une ''solution'' pour limiter la pollution. Une technique qui consiste à utiliser les capacités naturelles de certaines plantes pour absorber des polluants de l'air via leurs substrats.
Des études, lancées depuis les années 80 à l'initiative de Wolverton, chercheur à la Nasa, ont démontré cette méthode épuratrice des plantes sur certains polluants gazeux présents dans l'air intérieur tels que le formaldéhyde, les COV - le benzène, le trichloréthylène, le tétrachloroéthylène – ou encore le monoxyde de carbone…, a rappelé le 28 juin, Andrée Buchmann, présidente du conseil de surveillance de l'Observatoire de la qualité de l'air intérieur (OQAI). Des polluants de l'air intérieur susceptibles d'avoir des impacts sanitaires, aux côtés des particules fines (PM10), naphtalène, ou encore du dioxyde d'azote et de l'ammoniac. Leurs effets sur la santé peuvent aller de la simple irritation des muqueuses aux troubles respiratoires jusqu'à provoquer des pathologies à long terme (cancers, perturbations endocriniennes, troubles cardiovasculaires…), a-t-elle rappelé, dans le cadre d'un atelier consacré aux travaux sur la biofiltration, organisé avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et la Faculté de Pharmacie de Lille.
Ces études portent principalement sur le potentiel épurateur des plantes utilisées ''seules ou intégrées dans des systèmes dynamiques avec passage d'air forcé à travers le substrat, en chambre expérimentale ou dans une moindre mesure en espace réel'', a de son côté, précisé de Damien Cuny, chercheur à la Faculté de Pharmacie de Lille et au sein du programme national ''Phyt'air''.
Lancé depuis 2004 à l'initiative de l'Ademe, en collaboration notamment avec le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) et l'association Plant'airpur, Phyt'air a évalué les performances d'épuration de trois plantes d'intérieur très répandues chez les particuliers : Pothos ou Lierre du diable, Plante araignée et Dragonnier. Trois substances chimiques ont également été à l'étude. Il s'agit du formaldéhyde (polluant majeur de l'air d'intérieur qui émane des mousses d'isolation, la colle à moquette, colles de bois), le benzène (solvant présent dans les peintures, encres, matières plastiques ou détergents) et le monoxyde de carbone (provoqué par les appareils de chauffage…). Résultats de ces études menées en enceintes expérimentales : ces plantes possèdent ''des capacités d'abattement avérées vis-à-vis de polluants gazeux'', plus importantes pour le monoxyde de carbone que pour le formaldéhyde et le benzène. D'ailleurs, des études ont également démontré l'efficacité dépolluantes d'autres plantes comme le Ficus, le Philodendron et Chlorophytum sur le formaldéhyde. Les chercheurs français ont en outre prouvé l'action épuratrice du Pothos sur le toluène ou celle du Dragonnier (xylène, trichlorethylène).
Pas d'efficacité démontrée sur les plantes en pot
Mais toutes ces études, nuance Damien Cuny, ont été réalisées en laboratoire, à des concentrations supérieures à celles rencontrées dans l'air intérieur, sur des substances seules et pendant des durées limitées. Si quelques rares travaux tendent à indiquer qu'à l'échelle de l'habitation, la présence de végétaux peut effectivement entraîner une diminution des concentrations en COV, les résultats montrent le plus souvent un rendement très faible au regard des niveaux de pollution rencontrés lorsque les plantes sont utilisées seules. ''Les systèmes de biofiltration via le substrat possède une efficacité dépolluante supérieure au système foliaire seul'', concernant les polluants gazeux, souligne Damien Cuny. Ce dispositif ''dynamique'' semble ''plus prometteur'', estime-t-il.
Et en l'état actuel des connaissances, encore limitées, l'utilisation de plantes en pot (système passif) n'apparaît donc pas efficace pour éliminer les polluants de l'air dans les espaces clos. ''Les caractéristiques d'ambiance des milieux intérieurs (mouvements d'air réduits, température constante, faible hygrométrie, luminosité) ne sont pas propices à optimiser les facultés d'accumulation des polluants par les végétaux'', expliquent les chercheurs. La délivrance d'un label ''capacité d'épuration de l'air''pour une plante apparaît donc ''largement prématurée'', a souligné Joëlle Colosio, chef du service d'évaluation de la qualité de l'air à l'Ademe.
De plus amples études restent néanmoins nécessaires pour confirmer le rendement des systèmes de biofiltration en situation réelle, ''tenant compte des expositions pendant de longues périodes à des mélanges de polluants en faibles concentrations'', ont souligné les chercheurs. La dernière phase du programme Phyt'Air, qui prendra fin en 2011, vise justement à expérimenter l'effet des systèmes ''actifs'' dans des conditions réelles.
D'autant que d'autres polluants (champignons, composés organiques semi-volatils ou COV autre que le benzène, bactéries, particules fines…) gagnent encore à être analysés…