Le potentiel français de développement du photovoltaïque sur les surfaces "délaissées" est de l'ordre de 53 gigawatts, selon les travaux de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe). Ce potentiel technique, évalué après élimination de très nombreux sites, ne tient pas compte de la rentabilité potentiel des sites. Surtout, il pointe le potentiel de régions jusqu'à maintenant délaissées par les porteurs de projets.
Tels sont les premiers résultats de l'étude sur le potentiel national photovoltaïque des zones délaissées conduite par l'Ademe, à la demande du ministère de la Transition écologique. Présentée mardi 6 novembre, dans le cadre d'une conférence sur le développement des grandes centrales photovoltaïques organisée par l'Office franco-allemand pour la transition énergétique (Ofate), l'étude devrait permettre aux pouvoirs publics de mieux cerner les possibilités de développement des centrales au sol. L'étude finale devrait être publiée prochainement. A noter que l'Ademe ne divulguera que des résultats départementaux et ne donnera pas la liste des sites retenus.
Une évaluation prudente
Comment évaluer ce potentiel ? Avec prudence, insiste Tristan Carrère qui privilégie "une approche plutôt sous-estimée que surestimée". Pour cela, l'Ademe n'a pas hésité à retirer de son inventaire les terrains sujets à doutes. Concrètement, la première étape a consisté à lister les sites potentiels référencés dans plusieurs bases de données : Basias, pour les anciens sites industriels et tertiaires, Basol, pour les sites et sols pollués, et IGN Topo, pour les parkings. A noter que l'étude ne tient pas compte de la topographie, faute d'accès aux bases de données précises. Mais ce critère n'est pas déterminant pour des sites souvent artificialisés (un tiers de l'inventaire final est composé des surfaces planes des parkings).
Ces données brutes ont été affinées en trois étapes. La première a consisté à mieux cerner les sites. A ce stade, un quart a dû être supprimé de l'inventaire, du fait d'un statut imprécis. De même, 30 % des sites restant ont dû être supprimés faute de localisation précise. Cette réduction du périmètre, tout comme l'absence de certains sites potentiels (aéroports, sites ferroviaires ou surfaces commerciales), laisse entrevoir un large potentiel non évalué.
Contraintes techniques et règlementaires
Ensuite, les auteurs ont supprimé les sites présentant des "critères rédhibitoires". Ont été éliminés les sites trop petits pour une centrale de 250 kW, ceux dont l'éloignement du réseau haute tension était supérieur à 4 km par tranche de 1 MW de potentiel, les sites contaminés et ceux situés dans des zones qualifiées d'agricoles ou de milieux aquatiques dans l'inventaire biophysique CORINE Land Cover. De même, une série de critères administratifs ont été pris en compte : sites du conservatoire du littoral, zones coeur des parcs naturels régionaux, zones humides Ramsar, réserves naturelles, etc. A l'issue de ce travail, l'inventaires a subi une nouvelle réduction drastique de 60 %.
Enfin, la troisième étape est un tri probabiliste. L'objectif est de prendre en compte les risques d'échec des projets et de réduire le potentiel en conséquence. A ce stade, les surfaces potentielles sont réduites selon différents critères qui risquent d'entraver les projets. Ces critères sont très variés. Il peut s'agir de la proximité avec un aéroport (risque d'abandon jugé faible) ou un monument historique (risque élevé). Il peut aussi s'agir de certains zonages inondation ou incendie (risque moyen).
L'est et le nord sortent du lot
Finalement, l'étude détermine un potentiel "gigantesque" de 53 GW, annonce Tristan Carrère. Globalement, 74 départements disposent d'un potentiel supérieur à 100 MW. Mais cinq zones se démarquent. Il s'agit, par ordre d'importance, de la moitié est de la région Grand Est ainsi que du Doubs et du Jura, des départements littoraux de la Nouvelle Aquitaine, de l'Ile-de-France, du nord des Hauts de France, et de la région Provence-Alpes-Côte-D'azur. Le département de la Savoie sort aussi du lot. Les zones favorables se situent le plus souvent à proximité des grands centres urbains sur d'anciens sites industriels. Ces sites représentent deux tiers des terrains identifiés, pour 92 % du potentiel photovoltaïque. Détail important, l'étude signale que les sites "parfaits" sont rares : seuls 4% ne sont impactés par aucuns des critères retenus dans l'étude probabiliste des risques d'échec.
L'étude montre aussi que le potentiel est réparti sur de nombreux sites offrant un potentiel restreint par rapport aux attentes des porteurs de projets. En effet, 80 % des sites identifiés ne peuvent pas accueillir de centrale de plus de 2,5 MW. Seulement 2 % des sites peuvent accueillir un parc de plus de 30 MW. Enfin, il ne s'agit que d'"un potentiel technique et administratif", insiste Tristan Carrère. Il ne revient pas à l'Ademe d'évaluer l'intérêt économique des sites. Surtout, l'Agence a laissé de côté les coûts de remise en état des terrains dégradés, en particulier les coûts de dépollution.