Entre 1990 et 2005, les émissions de l'agriculture ont diminué de 11 %, une évolution liée principalement à la baisse des effectifs animaux et une réduction des apports d'engrais azotés. D'ici 2020, cette tendance devrait se poursuivre de manière plus ou moins forte selon les scénarios (entre 3,4 et 12,3 %).
Une des spécificités du secteur agricole tient à la prépondérance des émissions en gaz autres que le CO2. L'agriculture est en effet le principal secteur émetteur de méthane et de protoxyde d'azote, représentant respectivement 72 % et 77 % des émissions brutes françaises.
La contribution de l'agriculture et de la forêt est plus importante en France que dans la plupart des autres pays européens : pour l'ensemble des pays de l'UE15, elle s'élève à un peu moins de 10 % des émissions totales, selon l'European environment agency. Cette particularité française s'explique par le faible poids du mix énergétique français dans les émissions de GES et par l'importance du secteur agricole.
Alors que l'Europe s'est fixé un objectif de diminution des émissions de GES de 20 % à l'horizon 2020 (30 % selon les résultats des négociations sur le climat), la réduction de la part du secteur agricole en France apparaît comme une priorité.
Cependant, cette réduction ne pourra pas être obtenue facilement. A moins d'une baisse de l'activité agricole, il faudra user d'outils incitatifs pour impulser une transition vers des pratiques moins émettrices. Aujourd'hui, l'agriculture n'est pas concernée par le marché carbone, principal instrument économique de régulation des émissions de GES, car peu émettrice de CO2. La mise en place d'un outil spécifique pourrait être envisagée. Cependant, les difficultés d'évaluation des émissions et absorptions du secteur agricole rendent complexe la mise en place d'un tel dispositif.
Des difficultés d'estimation des émissions et absorptions
Selon le périmètre retenu, les émissions de GES du secteur agricole sont plus ou moins importantes. Si l'on prend l'amont et l'aval par exemple (changement d'affectation des sols, fabrication des engrais, transformation des produits agricoles), celles-ci peuvent être revues à la hausse.
Mais la difficulté principale dans l'estimation des émissions/absorptions de GES d'origine agricole tient aux facteurs d'émission, c'est-à-dire à la dimension biologique inhérente aux processus d'émissions, qui induit une variabilité plus grande.
Aujourd'hui, les scientifiques se basent sur des relations moyennes agrégeant les mesures disponibles dans différents contextes pour proposer des facteurs d'émission. De ce fait, ces facteurs ne reflètent pas toujours parfaitement l'effet de certaines pratiques sur les émissions dans les conditions d'un pays donné. Des modifications de l'alimentation, de la productivité des activités animales, du travail des sols peuvent influencer les émissions, mais ces différences n'apparaissent pas toujours dans les calculs.
Outre les facteurs d'évaluation, les calculs peuvent donner des résultats très différents selon qu'ils sont rapportés à la tonne de viande produite ou à l'hectare. Une étude de l'INRA sur l'élevage bovin allaitant révèle que les élevages intensifs à l'animal (engraisseurs) sont moins émetteurs par tonne de viande produite que les autres types d'élevages. Ramenées à l'hectare, les émissions seraient moins importantes pour les types d'élevage biologique (assolement, rotation des terres) et non spécialisés (naisseurs engraisseurs, polyculture/élevage)...
Le seul calcul des émissions de GES donne également une vision réduite de l'impact environnemental global (positif et négatif) du secteur agricole. Quid du maintien des surfaces en herbe (filtration de l'eau, biodiversité…) par exemple ?
Le calcul du pouvoir des stockages des sols est complexe également. Les apports de matière organique, qui stocke le carbone, varient selon la production végétale, animale et l'activité des microorganismes du sol.
Intégrer le coût des émissions aux prix agricoles ?
Ces difficultés de mesure rendent difficile la mise en place de dispositifs visant une réduction des émissions agricoles de GES. Les incertitudes liées au calcul des émissions ou de l'absorption de GES par l'agriculture sont très importantes. Pourtant, sans mesures de régulation, le potentiel de réduction de ces émissions est limité.
Envoyer un signal prix aux consommateurs et aux producteurs pourrait être efficace pour réduire ces émissions. Mais sur quelle base fonder ce signal ? Les coûts de modification des pratiques peuvent être très variables et si certains postes de réduction sont accessibles (changement de l'alimentation animale, réduction de l'utilisation d'azote), d'autres mesures ont un coût beaucoup plus élevé (réduction du nombre d'animaux par exemple).
Le dispositif devrait donc être orienté en priorité vers les acteurs qui ont les coûts de réduction des émissions les plus faibles (objectifs de réduction plus importants par exemple) afin que le coût supporté par l'ensemble de la société soit le plus faible.