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Pour ce spécialiste, une seule réponse : l'agriculture écologiquement intensive. Deux termes compatibles ? Il s'agit d'utiliser le mot écologie autrement : nous parlons là d'une écologie productive et scientifique. L'agriculture biologique constitue un excellent laboratoire de nouvelles pratiques mais elle n'est pas en mesure de produire plus. L'agriculture raisonnée est un premier pas nécessaire mais nous devons aboutir à une agriculture écologiquement intensive. L'idée ? Utiliser le plus possible des raisonnements qui ont trait au fonctionnement naturel des plantes et les améliorer à l'aide de la science.
Augmenter les capacités naturelles des plantes par la science
Ce concept est largement partagé dans la sphère scientifique. Alors que l'agence nationale de la recherche a lancé le programme Systerra sur ce thème et que l'institut scientifique de recherche agronomique (INRA) a engagé des recherches depuis plusieurs années sur ce sujet, le centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) l'a intégré comme une priorité dans sa nouvelle stratégie de recherche.
De nombreux travaux sont ainsi en cours pour amplifier les processus naturels des plantes et assurer une protection renforcée mais aussi un haut rendement, tout en limitant l'usage de produits chimiques et les impacts environnementaux.
Les pistes de recherche sont nombreuses. Elles concernent aussi bien la plante elle-même (améliorer la photosynthèse, la minéralisation, la fixation de l'azote…) que les sols (fertilité, aération…) et les écosystèmes.
Par exemple, sur les questions de fertilisation, pour compenser la réduction d'utilisation d'intrants, les chercheurs travaillent à l'augmentation de la fertilité naturelle des sols via la photosynthèse. Pour accroître la stabilité des éléments nutritifs, l'utilisation de carbone dans les sols est une voie explorée aujourd'hui. D'anciennes pratiques, abandonnées au cours des dernières décennies au profit de dopants chimiques, pourraient faire leur grand retour : rotation des sols, cultures associées… La lutte intégrée, c'est-à-dire l'utilisation de prédateurs naturels, constitue également un axe de travail essentiel.
Les OGM, acteurs de l'agriculture écologiquement intensive ?
Améliorer les fonctionnalités naturelles en modifiant génétiquement les plantes constitue également une voie à explorer pour les partisans de l'agriculture écologiquement intensive, même si pour Michel Griffon cela doit s'accompagner de prudence : par définition, il s'agit d'introduire une fonctionnalité naturelle d'une plante dans une autre plante. Scientifiquement, il n'y a donc aucun tabou. Mais les OGM posent un problème d'éthique qu'il revient au politique de trancher. Il ne faut pas faire des choses contre nature. Transférer un gène d'une espèce de banane à une autre ne pose pas de problème. C'est plus délicat de transférer un gène du monde animal au végétal. Mais personne ne peut présumer de la dangerosité ou non de toute innovation, quelle qu'elle soit. Il faut néanmoins utiliser les OGM pour les situations où il n'existe pas d'autre solution possible. Autre risque lié à l'utilisation des OGM : il faut faire très attention à ce que l'agriculture future ne tombe pas dans l'appropriation intellectuelle et les brevets. C'est pourquoi je milite pour que la recherche publique se penche sur les OGM pour éviter une telle dérive.
Une nouvelle relation entre l'agriculture et la recherche
On l'aura compris, dans le concept de l'agriculture écologiquement intensive, la science tient une place centrale. Quid des agriculteurs ? On entre dans un métier agricole nouveau même si de tout temps l'agriculteur a du jouer avec les contraintes du milieu. L'agriculteur va devenir un technicien avec des connaissances, faire un travail intellectuellement intensif ! Une forte alliance va se développer entre la recherche et le monde agricole, avec un échange permanent entre les deux parties. L'innovation sur le terrain constitue souvent le point de départ d'un protocole scientifique.