Le cycle de vie des produits a été étudié ''du champ à la roue'' selon différents indicateurs d'impacts : émissions de gaz à effet de serre, consommation d'énergie non renouvelable, oxydation photochimique, toxicité humaine et eutrophisation.
Selon la synthèse de l'étude qui n'a pas été rendue publique dans son intégralité ''il se dessine ainsi des gains en matière d'énergie non renouvelable consommée et de gaz à effet de serre émis pour l'ensemble des biocarburants étudiés, gains qui devraient progresser dans les prochaines années avec le développement de la cogénération biomasse sur ces sites.'' Un avis que ne partagent pas les associations de défense de l'environnement.
''Nous ne sommes pas d'accord avec les chiffres sur lesquels se base l'étude. Les bilans fournis ne sont pas les bons, dénonce Diane Vandaele, chargée de mission au Réseau Action Climat-France, réseau d'associations de lutte contre le changement climatique. D'une étude de 231 pages, l'ADEME publie une synthèse de 26 pages où les résultats sont tronqués. Nous ne sommes pas d'accord avec l'analyse de l'ADEME. Ce n'est pas un travail objectif.''
Consommation d'énergie et émissions de GES : des résultats favorables mais…
Selon l'étude, l'ensemble des filières présente ''des bilans plus favorables que leur homologue'' en matière de consommation d'énergie non renouvelable. La palme, les esters et les graisses et huiles usagées affichent les meilleurs résultats. Les éthanols affichent des performances plus faibles, exceptée la canne à sucre. Les étapes de transformation constituent le premier poste de consommation d'énergie. Dans le cas de filières d'importation, le transport joue un rôle important.
''Tout dépend de quelle filière on parle… Les résultats des filières éthanol, majoritaires en France, ne sont pas très bons. L'efficacité énergétique est inférieure à 1. Le biodiesel est un peu meilleur…'', note Diane Vandaele, chargée de mission au RAC-F.
L'étude conclut également à un bilan favorable en matière d'émissions de gaz à effet de serre : ''l'ensemble des filières biocarburants présente des bilans moins émissifs que les carburants fossiles. La grande majorité d'entre eux se situe entre 20 et 40g CO2 eq/ MJ contre 96 g et 100 g respectivement pour le diesel et l'essence, soit des gains entre 60 et 80 %.''
Alors que pour les carburants fossiles, les émissions de GES ont lieu lors de la combustion, pour les agrocarburants, l'étape agricole est prépondérante (fabrication d'engrais et émissions de protoxyde d'azote dans les champs).
Comme c'est le cas pour les consommations d'énergie non renouvelable, les résultats de la filière éthanol sous forme d'ETBE sont moins favorables.
''L'ADEME présente des résultats favorables en matière d'émission de GES pour les filières sans mélange. Or aujourd'hui, ça n'existe pas en France ! Les agrocarburants sont mélangés aux carburants traditionnels'', note la chargée de mission du RAC-F.
L'impact des changements d'affectation des sols en question
L'étude admet cependant que ''les changements d'affectation des sols peuvent venir modifier grandement ces résultats, voire pourraient potentiellement les inverser pour les bilans des filières d'importation mais aussi nationales par effets indirects.''
Un point important selon Diane Vandaele. ''Même si l'étude porte sur les filières françaises, nous sommes obligés, dans un contexte mondialisé, de réfléchir à l'échelle mondiale. Avec le développement de certaines filières, il pourrait y avoir un manque à gagner sur les huiles alimentaires en France. Nous serions donc obligé de les importer et cela entraînerait un changement d'affectation des sols, jusque là non cultivés ou cultivés à d'autres fins.''
Les associations craignent particulièrement la déforestation. Pour Sébastien Godinot, des Amis de la Terre, ''si l'on intègre l'effet du changement d'affectation des sols indirect aux résultats de l'étude, le jugement est sans appel : l'huile de palme produite après avoir rasé des forêts, destinée à produire des agrocarburants ou à remplacer l'huile alimentaire de colza française détournée pour les agrocarburants, est une catastrophe climatique ! En intégrant les émissions dues à la déforestation en Indonésie, le bilan GES de l'huile de colza est le double de celui du diesel qu'il remplace.''
Selon Diane Vandaele, l'ADEME ne fait pas la même analyse : ''pour l'ADEME, le doublement des émissions de GES par rapport au fossile est une situation extrême. A en croire les ONG présentent sur le terrain, en Indonésie ou en Malaisie, c'est pourtant ce qui se passe déjà.''
L'ADEME, de son côté, estime que ''cette étude n'a pas prétendu trancher les questions méthodologiques et quantitatives de la place des biocarburants dans la déforestation des dernières années et encore en cours. (…) Des travaux spécifiques doivent être conduits pour approfondir cette zone d'ombre et le degré de plausibilité des scénarios vis–à‐vis des différentes filières étudiées. Il serait donc nécessaire de lever cette incertitude qui plane au dessus de l'intérêt environnemental des biocarburants européens par rapport aux événements à l'échelle de la planète par des travaux approfondis et dépassionnés. Les mécanismes de transmission indirecte sont notamment à analyser à l'aune de modèles et de données économiques plus poussées afin de comprendre les transmissions entre marchés.''
Rappelons que la France s'est engagée à incorporer 7 % de biocarburants dans les carburants fossiles d'ici 2010, contre 5,75 % visés par les autorités communautaires.