La décision du Conseil d'État du 31 décembre dernier a laissé beaucoup d'amertume chez les maires désireux de réglementer les pesticides dans leur commune. La Haute juridiction leur a dénié toute compétence pour réglementer les produits phytopharmaceutiques en affirmant que celle-ci relevait exclusivement d'une police spéciale confiée à l'État. La décision a mis un coup d'arrêt à la vague d'arrêtés anti-pesticides médiatisée par le maire de Langouët.
Mais tout espoir n'est pas perdu pour ces maires désireux de protéger leur population. Le premier édile de la commune de La Montagne (Loire-Atlantique) cherche à le prouver en signant un arrêté (1) moins ambitieux mais reposant sur un tout autre fondement juridique, qui pourrait se révéler beaucoup plus solide en cas de recours.
« Beaucoup de symbolique »
Contrairement aux arrêtés invalidés par le Conseil d'État qui interdisaient les produits phytopharmaceutiques ou imposaient des distances d'éloignement vis-à-vis des habitations, le texte signé le 11 janvier par Fabien Gracia n'attaque pas les pesticides bille en tête. Il réglemente les dépôts sauvages de déchets. Les produits phytopharmaceutiques ne sont visés que pour dire que leur rejet, « hors de la propriété à laquelle ils sont destinés, constitue un dépôt de déchets » et que ce dépôt est interdit.
« Il y a beaucoup de symbolique », admet le maire de cette commune de 3 km2 qui ne compte que quelques hectares de terres agricoles fauchées par un agriculteur venu d'une commune voisine et qui n'utilise pas de pesticides. « Mais il y a un côté très pratique aussi », ajoute-t-il dans la mesure où la commune souhaite accueillir un maraîcher n'utilisant pas de phytos. En tout état de cause, l'adoption d'un tel texte n'a pas posé de difficulté particulière car l'utilisation de pesticides est quasiment nulle sur la commune. « Je serais maire d'une commune du vignoble nantais, ce serait un peu plus compliqué en termes de pressions politiques et sociales », estime M. Gracia.
« Deux compétences indéniables de police municipale »
Juridiquement, l'arrêté apparaît plus solide que les textes antérieurs. « L'arrêté est fondé sur deux compétences indéniables de police municipale : le trouble de voisinage et le dépôt de déchets », explique en effet Daniel Ibanez des Amis de la Terre, qui a pensé ce texte.
« Ce qui est intéressant ici, c'est qu'on se met du côté de l'endroit qui subit la pollution plutôt que de chercher à agir sur les conditions d'utilisation des pesticides à travers la police municipale », explique Thomas Dubreuil, avocat spécialisé en droit de l'environnement. Avec la première série d'arrêtés anti-pesticides, « les débats étaient viciés dès les premiers jours sur la question de la dangerosité ou de l'innocuité des pesticides », abonde Daniel Ibanez. Avec ce nouvel arrêté, la question n'est plus celle-ci. « Le véritable enjeu est de faire prendre conscience à la population qu'elle n'a pas à accepter des dépôts de substances sur ses biens », ajoute le lanceur d'alerte.
« Moins frontal pour la profession agricole »
« C'est aussi moins frontal pour la profession agricole », ajoute Me Dubreuil. Plutôt qu'une interdiction sèche, la procédure nécessitera en effet un constat sur place puis une analyse en laboratoire afin de démontrer la présence de pesticides à un moment donné sur un terrain adjacent à une exploitation. « L'utilisation des pesticides n'est pas interdite, explique l'avocat. Mais cela fait peser une obligation sur l'exploitant de trouver les moyens pour qu'ils n'arrivent pas sur les parcelles adjacentes. »
L'arrêté n'est pas pour autant à l'abri d'un recours. Contactée, la FNSEA n'a pour l'instant pas réagi à cette initiative. Mais la menace pourrait aussi venir du préfet. « Les services préfectoraux ne sont pas fans de ce genre d'initiative, quand les maires cherchent à jouer avec les frontières de leurs pouvoirs », explique l'avocat. Si l'arrêté du maire de La Montagne n'arrive pas devant les tribunaux, d'autres pourraient l'être. Car « l'initiative devrait faire des petits, même si beaucoup d'espoirs ont été douchés par le Conseil d'État », estime en effet Me Dubreuil.
En tout état de cause, elle devrait faire bouger les lignes.