"Plus vite", réclament en substance les acteurs des énergies marines, aux Assises de la mer qui se sont tenues au Havre les 21 et 22 novembre. "La durée de développement des projets est en moyenne de onze ans, contre quatre à cinq dans les autres pays européens", argumente Emmanuel Rollin, directeur d'Ailes marines, en charge du parc éolien de Saint-Brieuc (Côtes d'Armor). C'est un fait : alors que les premiers projets ont été attribués en 2012, aucune construction n'a débuté. Mi-2018, EDF Energies nouvelles (EDF EN) devrait commencer la construction de son premier parc, et les premières mises en service ne sont pas attendues avant 2022.
Réduire les délais
"La complexité juridique et réglementaire a été sous-estimée", récapitule Emmanuel Rollin. Ainsi, l'instruction administrative du parc éolien de Saint-Brieuc, initialement estimée à six mois, a nécessité… 18 mois. Face à cette situation généralisée, plusieurs pistes existent pour réduire les délais. "ll faut travailler en amont des appels d'offres pour réaliser les études de sols et de vent, de manière à les rendre disponibles pour les lauréats dès l'attribution de l'appel d'offres. En France, nous avons passé deux ans sur ces études", explique Gwénaëlle Huet, directrice générale d'Engie France Renouvelables. Ou encore la réalisation du débat public en amont de l'appel d'offres, qui permet également de gagner un an. Autre possibilité : généraliser le dialogue concurrentiel, comme cela est mis en oeuvre pour la première fois sur le parc de Dunkerque (Nord). Avec là encore, un gain d'une année à la clé.
Les recours contentieux par les opposants aux projets ralentissent également la concrétisation des parcs, même si le décret n° 2016-9 du 8 janvier 2016 accélère les procédures. "ll faut encadrer la durée des recours", réclame Béatrice Buffon, directrice Energies marines renouvelables chez EDF EN. "En Grande-Bretagne, le tribunal statue en trois mois sur la recevabilité d'un recours", illustre Emmanuel Rollin. Autre demande : des mesures dissuasives contre les recours abusifs, actuellement punis de 3.000 euros.
Les industriels réclament également un "permis-enveloppe", avec une fourchette de puissance installée pour introduire de la souplesse dans le projet, notamment sur les technologies. "Avec la mécanique des appels d'offres actuels, on installe des éoliennes développées dix ans plus tôt. Il faudrait pouvoir choisir la meilleure technologie disponible", décrypte Emmanuel Rollin. "Cela nécessite d'innover dans le droit français", commente Virginie Schwarz. Le message est entendu au plus haut sommet de l'Etat : "Pour les prochains appels d'offres, un permis-enveloppe sera mis en place, pour réduire le délai entre le projet et la pose du premier mât à sept ans", annonce Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique. Le ministre assure également les autres technologies (hydrolien, énergie thermique des mers…) du soutien de l'Etat, "jusqu'au moment où nous pourrons lancer des appels d'offres annuels pour ces technologies".
Bientôt un calendrier des appels d'offre
Dernier axe d'amélioration : publier un calendrier des appels d'offre pour les énergies marines, comme c'est le cas pour les autres filières d'énergie renouvelable. "C'est prévu dans la révision de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), en cours et qui devrait être finalisée fin 2018. Elle précisera les objectifs pour l'éolien en mer, posé et flottant, et pour l'hydrolien", annonce Virginie Schwarz.
A noter que le gouvernement s'est saisi de ces questions à travers le projet de loi pour un Etat au service d'une société de confiance qui doit prochainement être présenté en Conseil des ministres. Par ailleurs, un groupe de travail, présidé par le secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu, a commencé à travailler sur les freins au développement de l'éolien en mer en octobre dernier.
"Les industriels ont fait ce qu'il fallait, en termes de R&D et d'investissements. Maintenant, le politique doit suivre", a estimé François de Rugy, président de l'Assemblée nationale. "D'année en année, il y a des simplifications", reconnait Emmanuel Rollin. Face aux industriels impatients, Nicolas Hulot est ferme : "Je ne vois pas comment je vais tenir mes objectifs s'il faut 10 à 15 ans pour construire un projet. Je comprends les réserves, les réticences, mais si on est contre le nucléaire, les énergies fossiles, et les énergies renouvelables, je ne sais pas faire. Je choisirai."