Conseillère régionale d'Aquitaine déléguée au Plan Climat
Actu-Environnement : Comment est née l'idée de lancer un appel à projets sur l'autoconsommation photovoltaïque ?
Peggy Kançal : En 2007, nous avons lancé un appel à projets sur le photovoltaïque en toiture. L'objectif était double : soutenir les acteurs régionaux du solaire, regroupés au sein du cluster Sysolia, mais aussi encourager les installations en toiture au moment où il y avait une surenchère de centrales au sol, liée au tarif d'achat avantageux. En 2011, à la suite du moratoire sur le tarif d'achat, nous avons voulu faire évoluer la logique. Le modèle de la filière, basé sur un tarif d'achat très fluctuant, nous a semblé néfaste pour les entreprises. Nous nous sommes alors tournés vers l'autoconsommation.
AE : Quels sont les projets ciblés par vos appels à projets ?
PK : Nous soutenons les projets sur les bâtiments neufs ou existants des collectivités, des donneurs d'ordre privés, des bailleurs sociaux… Seules sont exclues les exploitations agricoles et les centrales au sol. L'idée première est de revenir dans une démarche de bons sens : nous ne voulons pas couvrir de panneaux photovoltaïques les passoires énergétiques ! Nous demandons donc aux porteurs de projets de s'inscrire dans une démarche environnementale globale et de proposer des systèmes innovants. Nous voulions en quelque sorte créer un laboratoire de l'autoconsommation. A l'époque, et aujourd'hui encore, il y a des doutes sur le principe d'autoconsommation. Nous voulons démontrer que dans certains bâtiments, elle peut permettre d'atteindre des objectifs économiques et écologiques.
AE : Quels sont les critères de sélection des projets ?
PK : Les projets sont notés de 0 à 5 selon leur performance en matière de gestion environnementale de l'activité, de maîtrise des consommations d'énergie du bâtiment, de qualité architecturale, selon le caractère démonstrateur du projet, sa pertinence économique… Le minimum d'autoconsommation est fixé à deux tiers. Au départ, on nous disait que ce n'était pas réaliste alors qu'aujourd'hui, trois projets atteignent 100% ! Selon le bilan 2013, les projets affichent de 66 à 100% d'autoconsommation. Le taux de couverture des consommations par l'électricité photovoltaïque produite va quant à lui de 6 à 90%.
AE : Comment financez-vous les projets ?
PK : Nous nous sommes basés sur les courbes d'augmentation du prix de l'électricité de la Commission de la régulation de l'énergie (CRE). Celle-ci projette une hausse de 30% entre 2012 et 2017. Nous recherchons, en nous basant sur une durée d'amortissement de 25 ans (durée de vie estimée des capteurs), le point de parité réseau, c'est-à-dire le moment où l'électricité produite deviendra compétitive. L'aide régionale porte sur la période où la parité réseau n'est pas encore atteinte, la durée de l'aide peut donc varier d'un projet à l'autre. Pour l'appel à projets 2011, le taux moyen d'investissement dans les projets était de 15%. Nous avons soutenu une quarantaine de projets pour une enveloppe d'aides de 1,3 M€. Pour le deuxième appel à projets lancé en 2013, ce taux est passé à 20%, avec une participation allant de 7 à 31% selon les projets. L'enveloppe est restée la même mais nous avons financé moins de projets, une vingtaine seulement. Certains projets ont été touchés par le ralentissement d'investissement dans le secteur du bâtiment. Nous aimerions rester sur un rythme d'une quarantaine de projets soutenus par an.
AE : Quelles sont les perspectives pour les appels à projets à venir ?
PK : Nous voudrions toucher davantage les industriels et les PME, alors que pour l'instant nous travaillons surtout, dans le privé, avec la grande distribution, les domaines viticoles… Il faut que nous leur démontrions que cela peut permettre de baisser les coûts d'exploitation de leurs bâtiments, tout en assurant une sécurité énergétique. Avec l'appel à projets 2014 (1) , nous prenons davantage en compte les possibilités de stockage, qui permet de répondre aux pics de consommation, de lisser la production et de couvrir les consommations nocturnes. Cela permettra d'augmenter le taux de couverture de certains projets. La puissance installée devra être au minimum de 10 kWc et l'autoconsommation moyenne annuelle devra représenter les trois quarts de la production électrique, grâce à l'utilisation d'un stockage tampon sur 12 heures maximum. Nous voulons également aller plus loin sur les éco et socio-conditionnalités : privilégier la provenance française et européenne des panneaux et prendre en compte l'analyse de cycle de vie. Enfin, nous menons des réflexions à une échelle plus grande, les territoires à énergie positive, pour lesquels un appel à manifestation d'intérêt a été lancé en 2012.
AE : Qu'attendez-vous des travaux lancés par le gouvernement sur l'autoconsommation ?
PK : Notre initiative, suivie par d'autres régions comme l'Alsace et le Poitou-Charentes, a enclenché le débat au niveau national. L'ancien ministre de l'Ecologie, Philippe Martin, s'est rendu compte que c'était un des aspects lacunaires du projet de loi sur la transition énergétique. De plus, certains acteurs, comme ERDF, étaient très critiques et s'inquiétaient des conséquences du développement de l'autoconsommation sur le réseau… D'un point de vue juridique, il n'y a pas d'interdiction aujourd'hui mais pas de facilitation. Nous attendons de ces travaux qu'ils aboutissent à un cadre institutionnel. Il serait opportun de faire reconnaître par la loi ce genre d'initiatives.