Après un mois de travaux basé sur des études internationales, la haute autorité a rendu ses conclusions hier. Son président Jean-François Legrand a clairement affirmé qu'il existait des éléments scientifiques nouveaux concernant l'impact du MON810 sur l'environnement, sur la santé humaine, l'économie et l'agronomie. Ainsi, certaines études axées sur la problématique de dissémination conduisent à démontrer l'impossibilité d'une absence de pollinisation croisée entre champs OGM et non OGM à l'échelle locale. Certaines études font même état d'une dispersion du pollen OGM sur de grandes distances pouvant atteindre plusieurs dizaines de kilomètres. La haute autorité note également que plusieurs études démontrent la présence possible de la toxine Bt dans l'environnement et une persistance des molécules insecticides dans l'eau, les sédiments, les racines et les sols. En parallèle, des publications mettent en évidence de possibles effets toxiques de la molécule sur la faune non ciblée par la toxine notamment sur des lombrics.
Concernant l'intérêt du maïs transgénique, la haute autorité rappelle que l'AFSSA a démontré l'efficacité de la toxine Bt pour protéger le maïs contre ses insectes ravageurs que sont la pyrale et la sésamie en Europe. L'utilisation de la toxine empêche aussi indirectement le développement de mycotoxines dangereuses pour l'homme et les animaux provoqué par la fragilisation des plans de maïs suite à l'invasion des ravageurs. Selon l'étude de l'AFSSA, les teneurs en mycotoxines peuvent être réduites de 90% à 95% grâce à l'OGM alors que les traitements insecticides traditionnels ne permettent pas une diminution aussi forte.
Jean-François Legrand, a toutefois précisé que d'autres éléments auraient mérité plus de temps. La haute autorité a ainsi identifié plusieurs points qui devraient faire l'objet de recherches approfondies. Elle évoque notamment le fait que la toxine produite par le maïs n'est pas tout à fait identique d'un point de vue moléculaire à la toxine originelle produite par la bactérie Bacillus Thuringiensis. Ses propriétés peuvent donc être différentes : biodégradabilité, rémanence, métabolites issus de sa dégradation, etc. Il semblerait également que les tests toxicologiques effectués à l'heure actuelle par les semenciers ne soient pas suffisants. La haute autorité recommande par ailleurs la mise en place d'un dispositif de surveillance épidémiologique qui fait aujourd'hui défaut même dans les pays fortement consommateurs d'OGM par manque de traçabilité.
Sur le plan économique, les études manquent également même si à l'échelle de l'exploitation agricole, il semblerait que les OGM aient une incidence positive sur les marges à l'hectare. De plus la haute autorité signale des avantages en termes de commodité d'utilisation. Cependant, aucune analyse économique n'a pour l'instant intégré les coûts liés aux contaminations des filières conventionnelles, biologiques et à leur coexistence.
Du fait de tous ces éléments, la haute autorité par la voie de son président a donc conclu qu'il existe des doutes sérieux sur l'usage du MON810 mais ses doutes peuvent être levés si nous nous en donnons le temps. Au regard des récentes déclarations du Président de la république, cette position ouvre la porte à la mise en œuvre de la clause de sauvegarde sur cet OGM dont la commercialisation en France serait ainsi suspendue.
Cette annonce prévue aujourd'hui ou dans les prochains jours est très attendue par les associations de protection de l'environnement et certaines fédérations agricoles. Pour Arnaud Apoteker, de Greenpeace France, l'activation de la clause ne fait plus aucun doute compte tenu des engagements du Grenelle et des déclarations de Nicolas Sarkozy (…). Sinon, la parole politique n'aurait plus aucun sens ! Régis Hochart, président de la Confédération Paysanne, a exprimé un avis tout aussi confiant à l'AFP : cela confirme l'issue du Grenelle de l'Environnement. Le Politique a une nouvelle occasion de rétablir la situation en activant la clause de sauvegarde. Le MDRGF* espère désormais que l'esprit du Grenelle de l'Environnement ne sera pas trahi, pas plus que la parole du Président de la République : l'activation de la clause de sauvegarde contre le MON 810 doit donc absolument être annoncée par Nicolas Sarkozy, dans l'intérêt du plus grand nombre, a déclaré son président, François Veillerette. Enfin, pour Arnaud Gossement de France Nature Environnement, il n'y pas dans cette affaire des OGM de vainqueurs ou de perdants. Ce n'est pas la « guerre civile écologique » mais le dialogue environnemental qui, seul, a permis de faire progresser la protection de la santé et de l'environnement.
En revanche, du côté des syndicats agricoles pro-OGM, la crainte est perceptible : Pascal Férey, vice-président de la FNSEA, a expliqué à l'AFP que rien ne devrait pousser le gouvernement à accélérer un processus de décision sur cette clause de sauvegarde, à moins d'agir d'une façon politicienne.
Mais en attendant l'avis du président, les associations veillent car d'autres débats sont en cours. Ainsi, le WWF-France signale qu'il restera vigilant dans les semaines à venir, à ce que non seulement la clause de sauvegarde soit activée, mais que le projet de loi intègre bien aussi toutes les recommandations du Grenelle de l'environnement et notamment la liberté de consommer et de cultiver sans OGM.
*Mouvement pour le Droit et le Respect des Générations Futures