Le CGEDD estime qu'en l'état, la réglementation ne permet pas d'indemniser les communes lieu de prélèvement "au delà des préjudices matériels, directs et certains subis". Par ailleurs, compte tenu de la nature des difficultés rencontrées entre ces communes et les grandes agglomérations au profit desquelles les captages sont effectués, "il apparaît peu probable que ces difficultés, lorsqu'elles perdurent, soient susceptibles d'être aplanies par un mécanisme législatif spécifique de contrepartie". Au regard de l'ensemble "[des] pouvoirs de réglementation ouverts par le code de l'environnement pour optimiser la répartition de la ressource, [des] mécanismes de concertation institués par ce même code, [de la] jurisprudence encadrant les conditions de « vente » de l'eau" disponibles, une modification règlementaire n'améliorerait pas la situation, jugent les auteurs du rapport.
Telles sont les conclusions d'un rapport (1) publié le 28 décembre 2012 par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) du ministère de l'Ecologie. Le document de 36 pages et datant d'août traite de l'indemnisation demandée par certaines communes lieu de captage au profit d'agglomérations, et des conditions de "vente" d'eau destinée à l'alimentation. De fait, il s'oppose à une proposition de loi déposée au Sénat en 2010 et visant à permettre l'indemnisation des communes sur le territoire desquelles sont créés des périmètres de protection entourant des captages d'eau potable.
Pas d'indemnisation des périmètres de protection
Trois périmètres de protection différents
L'article L1321-2 du code de la santé publique prévoit que pour assurer la protection de la qualité des eaux, trois périmètres de protection différents peuvent être instaurés par l'acte de déclaration d'utilité publique d'un captage. Ils "correspondent à des nécessités différentes, mais le but ultime de ces différentes zones de protection est d'éviter des pollutions ponctuelles ou accidentelles susceptibles de mettre en danger les populations desservies, rappelle le CGEDD.
Il s'agit d'"un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, [d'] un périmètre de protection rapprochée à l'intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes sortes d'installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, [d'] un périmètre de protection éloignée à l'intérieur duquel peuvent être réglementés les installations, travaux, activités, dépôts, ouvrages, aménagement ou occupation des sols et dépôts ci-dessus mentionnés", détaille le texte législatif.
En janvier 2010, 19.395 captages (57% du total) bénéficiaient de ces protections, selon les statistiques du ministère.
De plus l'article L211-3-II-5° du code de l'environnement prévoit que l'autorité administrative peut établir un programme d'actions sur les zones d'enjeux environnementaux forts, dont les aires d'alimentation des captages. Ces programmes d'actions, à destination des agriculteurs et des propriétaires fonciers, n'ont pas d'influence sur le droit de l'occupation des sols.
Reste que "les entretiens menés au cours de la mission ainsi que les divers éléments qui ont pu être recueillis font état d'un certain nombre de réactions d'élus municipaux qui, s'estimant lésés par les servitudes de captages en réclament la compensation". Les réactions des élus sont d'autant plus fortes lorsque le captage entraîne des servitudes d'urbanisme, comme l'illustre l'éventuelle restriction des droits à construire sur la commune de Budos (Gironde) au motif de la protection du captage alimentant le sud de l'agglomération bordelaise (Gironde) située à une quarantaine de kilomètres. L'étude de ce cas, à l'origine de la proposition de loi sénatoriale de 2010, confirme que le paiement d'une ressource précieuse d'une part et l'indemnisation d'une servitude d'urbanisme d'autre part "s'opposent aux principes du droit actuellement en vigueur".
De plus, au-delà de ces oppositions aux grands principes législatifs, les services du ministère de l'Ecologie considèrent qu'"il serait (…) pour le moins paradoxal, au moment où tend à se développer les principes selon lesquels le pollueur, ou de façon plus extensive celui qui fait peser un risque sur l'environnement, doit logiquement être le payeur des mesures correctives ou de protection, d'indemniser une collectivité au titre des mesures de protection tendant à limiter ce risque".
Mauvaises relations
En réalité, la question de l'indemnisation des communes lieu de prélèvement d'eau au profit de grandes agglomérations traduit "des difficultés de relations, voire un déficit de solidarité, entre agglomération et communes rurales péri-urbaines", estiment les rapporteurs, ajoutant que "le sentiment que l'agglomération fait peser des contraintes « non compensées » sur certaines communes rurales péri-urbaines paraît assez répandu".
Globalement, le prélèvement est "relativement bien admis" lorsqu'il s'agit d'eaux superficielles et il est "nettement moins assimilé par les populations locales" lorsqu'il s'agit d'eaux souterraines.
Dans ce contexte, le CGEDD juge que les difficultés rencontrées participent du "débat général sur les relations entre petites et grandes collectivités territoriales, entre milieu urbain et milieu rural, et sur les communes servant les autres et notamment les communes rendant un service à la nature du fait de la qualité de leur environnement". Si certains élus s'interrogent sur la possibilité que "la loi autorise expressément et encadre les « gestes » qu'ils sont amenés à consentir pour faciliter ces relations", le CGEDD rejette cette idée. "Il n'est pas du tout sûr qu'une indemnisation fixée par la loi n'ait pas un effet strictement contraire à celui recherché", avancent les rapporteurs, jugeant qu'"un tel principe d'indemnisation ne manquerait pas d'être interprété par la population de la commune concernée comme une reconnaissance du fait que l'eau du sous-sol leur « appartient » et qu'ils en sont « grugés » par l'agglomération".
En conséquence, le CGEDD recommande plutôt le "développement des solidarités intercommunales et des solidarités contractuelles entre les agglomérations et les intercommunalités péri-urbaines et rurales". Le CGEDD ne précise cependant pas ce qu'il entend par "solidarités contractuelles".