En mars, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) alertait sur la vulnérabilité des Etats au changement climatique et sur l'urgence d'agir pour anticiper les risques, parfois déjà visibles, et qui devraient aller en s'accroissant. C'est dans la lignée de ce rapport que s'inscrit le nouvel avis du Conseil économique, social et environnemental (1) (Cese) sur l'adaptation de la France au changement climatique mondial, adopté le 14 mai.
Alors que la France s'est dotée en 2011 d'un plan national d'adaptation (Pnacc), le Cese préconise de renforcer la gouvernance, notamment à l'échelle des territoires, afin de permettre une meilleure déclinaison de ces orientations.
Développer une culture de l'adaptation et du risque dans les territoires
Pour que les élus et les citoyens s'approprient les enjeux de l'adaptation et mènent une politique "proactive", le Cese préconise de créer des observatoires régionaux, comme l'ont déjà fait certaines régions (Aquitaine, Rhône Alpes…). "Les connaissances, sur les vulnérabilités notamment, devront être déclinées localement puisque c'est à ce niveau que les politiques d'adaptation se mettent en place", estime le Cese.
Selon lui, le développement d'une véritable culture du risque passe par l'éducation, mais aussi par une vision partagée entre acteurs, basée sur cette connaissance accrue des enjeux. Les référentiels de gestion du risque devront prendre en compte les projections climatiques à 2050 et/ou à 2100 plutôt que les événements passés.
"Le choix du Cese est de privilégier l'adaptation préventive sur tous les plans et pour tous les acteurs : ceci concerne les règles publiques ou professionnelles, la gestion des territoires et des risques, les choix d'activité et de localisation -voire de relocalisation et de reconversion- de ces activités". Pour cela, il préconise l'élaboration de scénarios de référence, déclinés pour chaque grande région ou ensemble climatique, et ne masquant pas les zones d'incertitudes. Ces scénarios, qui évalueront les risques, doivent être déclinés à l'échelle régionale mais aussi par grands secteurs d'activités. Ceux-ci pourront ainsi être intégrés à la conception des grands projets d'aménagement, d'infrastructures, à l'élaboration des plans d'urbanisme locaux… mais aussi au schéma régional climat air énergie (SRCAE) et au plan climat énergie territorial (PCET), qui doivent devenir opposables. Le Cese souhaite "que les options retenues dans ces plans pour s'adapter et parer aux risques climatiques fassent l'objet d'une évaluation régulière, indépendante de la collectivité concernée".
Santé, agriculture, biodiversité : des pistes pour accroître la résilience
Le Cese se penche ensuite sur les priorités à mener secteur par secteur. Pour la santé par exemple, il demande que la problématique du changement climatique soit intégrée au plan national santé environnement (PNSE), à la stratégie nationale de recherche et aux stratégies régionales de santé. En effet, les évolutions climatiques pourraient conduire à l'émergence ou à la réémergence de certaines maladies, favorisées par le déplacement de certains insectes ou une mauvaise qualité de l'eau. En outre, les infrastructures de santé et de sécurité civile doivent être en mesure de résister aux aléas climatiques.
L'agriculture devra elle aussi nécessairement s'adapter. C'est d'ailleurs l'un des premiers secteurs à ressentir les effets du changement climatique (pertes de rendement, sécheresses…). La recherche dans ce domaine devra permettre de développer les innovations et réorienter les pratiques agronomiques, anticiper l'évolution des maladies et ravageurs, structurer les filières. Sur la problématique de l'eau, le Cese préconise la mise en place d'une banque nationale des prélèvements et une recherche sur la résilience des systèmes de production locaux et l'agriculture pluviale (2) .
Concernant la forêt, le Cese souligne une "implication assez unique [des acteurs] dans le plan national d'adaptation". Il rappelle néanmoins qu'un bon état écologique des forêts est essentiel à leur résistance au changement climatique.
Pour permettre la résilience des écosystèmes, le Cese insiste sur la mise en œuvre de continuités écologiques. Il demande également que trois mesures prévues dans le Pnacc, pas encore menées faute de crédits, soient engagées "sans retard" : l'élaboration d'indicateurs de l'effet du changement climatique sur la biodiversité, la prise en compte des évolutions du climat dans la gestion des espaces protégés et la conservation ex situ de végétaux menacés. La restauration des écosystèmes côtiers (mangroves, zones humides, récifs coralliens…) constitue également une priorité. Les réseaux de mesures de l'acidité, de l'évolution des courants et des houles et des polluants devraient être renforcés. Par ailleurs, l'adaptation devrait être au cœur des missions de la future agence nationale de la biodiversité.
Enfin, il faut associer le monde de l'entreprise aux travaux sur l'adaptation, estime le Cese. Il demande à ce que l'étude prospective sur les vulnérabilités et les opportunités des activités économiques, prévue dans le Pnacc, soit lancée. Les assurances pourraient également jouer un rôle en instaurant des systèmes de bonus malus selon que des actions ont été entreprises pour réduire les vulnérabilités.