Par une décision du 3 décembre 2014 (1) , le Tribunal de l'Union européenne a jugé que les aides accordées par l'Espagne à ses centrales à charbon étaient conformes aux règles communautaires en matière d'aides d'Etat. Cette décision, assez étonnante si on dépasse la stricte logique juridique, envoie un double signal négatif par rapport à la politique de l'UE en matière d'environnement et de climat.
En premier lieu, la justice européenne apporte ici un soutien aux énergies fossiles au moment où le Conseil européen s'engage en faveur d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) d'au moins 40% et d'une part des énergies renouvelables (EnR) dans la consommation énergétique de 27% à horizon 2030. Et ce, même si le Tribunal considère que le mécanisme ainsi validé ne favorise pas la production d'électricité à partir de charbon. D'autre part, cette décision contient un apport jurisprudentiel défavorable à la protection de l'environnement.
Une aide d'Etat compatible avec le marché intérieur
Le mécanisme en cause consistait à imposer à dix centrales de production d'énergie électrique une obligation d'achat de charbon d'origine espagnole plus onéreux, compensé par un mécanisme d'appel prioritaire de l'électricité ainsi produite sur le marché, et une compensation financière couvrant la différence entre le coût supplémentaire de production et le prix de marché. Le financement du dispositif, adopté en 2010 et qui expire à la fin de cette année, était assuré par un fonds contrôlé par l'Etat, dont les dépenses annuelles devaient s'élever à 400 millions d'euros.
La Commission européenne avait considéré qu'il s'agissait d'une aide d'Etat mais l'avait pourtant déclarée compatible avec le marché intérieur. Pour quelle raison ? Parce que, selon l'exécutif européen, les obligations imposées participaient à la gestion d'un service d'intérêt économique général, justifié par la garantie de l'approvisionnement en électricité. Or, les entreprises chargées de la gestion d'un tel service sont soumises aux règles de concurrence mais dans la limite où ces règles ne font pas échec à l'accomplissement de leur mission particulière. Par une décision adoptée en septembre 2010, la Commission a autorisé cette aide publique estimant qu'elle couvrait les coûts de l'obligation de service public imposée.
Cette décision a été attaquée par la société Castelnou Energia, propriétaire d'une centrale à cycle combiné affectée de manière substantielle par la mesure du gouvernement espagnol, et par Greenpeace Espagne. Le Tribunal rejette leur recours estimant que la Commission n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en jugeant que la mesure correspondait à un service d'intérêt économique général.
Pas tenue de prendre en compte la protection de l'environnement
La société Castelnou Energia reprochait également à la Commission d'avoir violé plusieurs dispositions du droit de l'UE autres que celles relatives aux aides d'Etat, en particulier des dispositions relatives à la protection de l'environnement.
Or, le Tribunal affirme que "lors de son appréciation d'une mesure d'aide ne poursuivant pas un objectif environnemental, la Commission n'est pas tenue de prendre en compte la réglementation environnementale dans son examen de l'aide et des modalités qui lui sont indissociablement liées". Et le juge communautaire limite la vérification du respect des règles autres que celles ayant trait aux aides d'Etat aux seules règles susceptibles de produire un impact négatif sur le marché intérieur.
Ce qui était le cas en l'espèce puisque l'Espagne avait accordé cette aide afin d'assurer la sécurité de l'approvisionnement national en électricité et non dans un objectif environnemental. Bien qu'elle l'ait fait, la Commission n'était donc pas tenue d'examiner la conformité de la mesure avec la législation relative à la protection de l'environnement. Le Tribunal valide malgré tout l'analyse de l'exécutif européen qui avait considéré que le dispositif n'aboutissait pas à une augmentation du CO2 globalement émis en Espagne. Il relève également que la mesure conduit en pratique "à la substitution de productions polluantes par d'autres productions polluantes" et qu'elle ne méconnaît pas la directive sur l'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre.
Un signal plutôt encourageant pour des Etats membres qui continuent à largement subventionner le charbon et pas franchement favorable à la lutte contre le changement climatique.