Pour Stéphane Le Borgne, président de la Fédération Artisans du Monde, '' la problématique de départ, c'est la qualité des échanges mondiaux ''. C'est bien dans le contexte des mobilisations altermondialistes du début des années 2000 qu'est né le commerce équitable. A l'époque, les manifestants de Seattle voulaient changer les règles de l'OMC (Organisation mondiale du commerce). Les capacités de négociation des pays du Sud en sont sorties renforcées. Aujourd'hui, la crise financière révèle les effets pervers d'une globalisation inhumaine. '' On a aujourd'hui un terreau phénoménal avec la crise actuelle pour que le public s'approprie ces questions '', analyse Stéphane Le Borgne. Même si le commerce équitable ne représente aujourd'hui que 0,02% du commerce mondial.
Au cœur des enjeux des années à venir se pose donc la question du bouleversement des mentalités, qui permettrait de catalyser le commerce équitable en dehors de sa niche actuelle. Rémi Roux, co-fondateur d'Ethiquable, imagine que le commerce équitable pourrait couvrir 20% du marché en 2020, quand les sociétés auront remis en question le système actuel. Le consomma'cteur aura alors peut-être disparu au profit d'une espèce unique de consommateurs naturellement engagés.
En 2020, les produits du commerce équitable seront-ils accessibles à l'ensemble de la population ? Les prix sont-ils plus abordables et les points de vente plus nombreux ? Ce changement d'échelle, s'il passe par la grande distribution, pourrait aussi causer l'essoufflement du modèle, voire sa dilution sous l'effet de l'arrivée de certaines grandes marques (Starbucks, Ben&Jerrys…) dans le domaine de la consommation responsable. Pour le sociologue de l'Institut national de la consommation Jean-Pierre Loisel, '' il faut éviter la dilution du commerce équitable '' et son amalgame avec un commerce « éthique » qui ne répondrait à aucun engagement précis.
En France, en l'absence d'une norme légale et d'un mode de certification uniformisé du commerce équitable, divers systèmes de garantie privés ont vu le jour : labellisations privées, mécanismes de reconnaissance ou marques. Ce qui laisse aux entreprises et aux référentiels privés une grande liberté. Ce vide juridique pose problème pour le contrôle du secteur, avec notamment un risque de dérives opportunistes et de « fairwashing ».
En pratique, s'il existe par exemple un système de garantie pour des produits issus de l'agriculture biologique reconnu par les pouvoirs publics et se référant à une norme, il n'y a rien de semblable pour le commerce équitable. Chaque acteur de la profession garantit ou fait garantir ses produits sur la base de référentiels privés et distincts. Et par extension, le terme de label est utilisé pour désigner un logo attestant d'un travail de certification et donc un respect de cahier des charges.
2020 : vers un label mondial ?
La « labellisation » des produits concerne essentiellement le secteur des produits agricoles. Elle est surtout mise en œuvre par les associations Max Havelaar France, elle-même rattachée à FLO International (Fair Trade Labelling Organisation). Il s'agit de la gestion d'un « label » dont les standards ont été définis par produit (café, chocolat, sucre, banane, thé, riz, miel, jus de fruits, épices et coton).
D'où l'importance cruciale de la fiabilité des labels. Un label unique verra-t-il le jour ? Le prix minimum garanti saura-t-il se maintenir face à la grande distribution ? Les petits producteurs du Nord seront-ils concernés ? Pour l'heure, le commerce équitable doit remplir quatre critères, rappelle Julie Stoll : '' respecter les conventions de l'OIT (Organisation internationale du travail), s'engager à un prix minimum garanti, s'engager dans la durée, redistribuer une partie du chiffre d'affaires pour soutenir le développement des organisations de producteurs locaux, les écoles, les formations ''. Tous les intervenants en ont convenu : l'objectif est que les 20% de produits du marché issus du commerce équitable en 2020 répondent à un haut niveau d'exigence.