Faciliter la réutilisation de l'eau usée épurée (Reuse) : c'est l'objectif de la Commission européenne à travers une proposition de règlement (1) dédiée à l'irrigation agricole. Jusqu'à présent, cette pratique ne bénéficiait en effet pas de cadre commun au niveau européen. Et ce manque constitue un des deux obstacles majeurs qui empêchent sa diffusion, selon la Commission européenne. Le second étant la sensibilisation du public.
La Reuse, un secteur clef selon la Commission
Environ 1 milliard de mètres cubes d'eaux usées urbaines traitées sont aujourd'hui réutilisés dans l'Union européenne chaque année, selon la Commission, soit environ 2,4% des effluents d'eaux usées urbaines traitées et moins de 0,5% des prélèvements annuels d'eau douce.
Ce chiffre pourrait être multiplié par six, selon la Commission. "Chypre et Malte réutilisent déjà respectivement plus de 90% et 60% de leurs eaux usées, tandis que la Grèce, l'Italie et l'Espagne réutilisent entre 5 et 12% de leurs effluents, ce qui indique clairement un énorme potentiel d'absorption supplémentaire", pointe-t-elle.
Autre intérêt de cette approche, selon la Commission : son ouverture du marché de l'eau. Ce dernier connaît une croissance rapide et devrait atteindre 1.000 milliards d'euros d'ici 2020. "La réutilisation de l'eau présente également un potentiel important en termes de création d'emplois verts dans l'industrie de l'eau, note-t-elle. Une augmentation de 1% du taux de croissance de l'industrie de l'eau en Europe pourrait créer jusqu'à 20.000 nouveaux emplois".
Le choix de l'irrigation agricole (2) comme usage à encadrer en priorité vient notamment du plan d'actions européen pour une économie circulaire (3) . Ce dernier l'a identifié comme la voie présentant le plus grand potentiel en terme d'absorption et de pertinence en terme de réduction de la pénurie pour l'Union européenne.
Des exigences minimales fixées
Dans ce projet de règlement, la Commission européenne propose des exigences minimales (4) concernant la qualité de l'eau en fonction de la destination des productions agricoles et la méthode d'irrigation.
Ainsi pour des cultures vivrières dont la partie comestible est en contact avec l'eau, la qualité maximale est requise. Les critères d'évaluation mêlent la technologie utilisée pour la dépollution (traitement secondaire, filtration et désinfection ou traitement secondaire et désinfection), la concentration en E.Coli, en nématodes intestinaux,en Legionella spp, la demande biochimique en oxygène pendant cinq jours (DBO5), la turbidité et la quantité de particules en suspensions dans l'eau.
Concernant la surveillance, la Commission établit des fréquences minimales de contrôle en fonction de la qualité de l'eau recherchée. Elle propose également un cadre pour la gestion des risques : les exploitants devront décrire l'ensemble du système de réutilisation de l'eau (de l'entrée des eaux usées dans la station d'épuration jusqu'à l'utilisation), identifier les dangers potentiels ainsi que les populations ou environnement à risque d'exposition. La Commission demande également une évaluation des risques couvrant à la fois les risques pour l'environnement et pour la santé humaine et animale. Sur la demande de permis de réutilisation de l'eau devra figurer ces informations. L'octroi ou non du permis devra être accordé dans un délai de trois mois (sauf demande complexe). Ce dernier devra être revu tous les cinq ans.
Une autorité compétente devra vérifier la conformité de l'eau récupérée. Les résultats devront être publiés. Ces informations devront également être accessible à l'Agence européenne pour l'environnement et au Centre européen de prévention et de contrôle des maladies.
Le règlement prévoit également une coopération et un échange d'informations entre Etats-membre : ces derniers devront désigner un interlocuteur qui pourra fournir une assistance et coordonner la communication.
Vers plus de transparence ?
Pour tenter de rassurer les utilisateurs, le Commission vise également à améliorer l'accès aux informations. Elle prévoit que devront être disponible en ligne : la quantité et la qualité de l'eau recyclée, le pourcentage d'eau récupérée par l'Etat membre par rapport à la totalité de l'eau traitée, les permis délivrés, les résultats du contrôle de la conformité et l'interlocuteur choisi.
L'ensemble de ces informations devront être mise à jour une fois par an.
La Commission indique également que les Etats-membres devront prévoir les sanctions en cas de violations du règlement ainsi que la possibilité d'une procédure de recours d'associations ou personnes légales.
La proposition va désormais être soumise au Parlement et au Conseil européen. La Commission espère avoir leur accord avant les prochaines élections européennes de mai 2019.