Recherche & Prospective ADEME
Actu-Environnement.com : La concertation en environnement se développe-t-elle ?
Anne Varet/Albane Gaspard : La concertation s'est développée dans les années 80. Mais l'apparition de nouveaux objets technologiques, tels que les éoliennes ou des installations de
AE : Quelle est l'influence de la réglementation ?
AV/AG : La Convention d'Aarhus ou la loi Grenelle 2 ont eu une influence indéniable avec les débats et enquêtes publics. Mais la réglementation accompagne avec un temps de retard les besoins de concertation. Les enquêtes publiques arrivent trop tard dans les processus de décision car elles portent sur des projets figés. Au final, il y a peu de concertations obligatoires et il s'agit d'aller plus loin que les simples obligations juridiques.
AE : Quel rôle jouent les associations ?
AV/AG : Elles ont un rôle fondamental. Elles permettent par exemple de débloquer certaines situations et de faire rentrer le public dans le processus de concertation. Parfois, pour de simples questions de disponibilité : les riverains ne sont pas libres en journée pour participer à des processus de concertation. Les associations apportent aussi de nouvelles questions dans le processus : c'est, par exemple, le cas des questions sanitaires liées aux incinérateurs de déchets.
AE : Qu'en est-il des élus locaux ?
AV/AG : On en trouve deux catégories. Ceux qui sont très motivés à l'idée de mener la concertation sur un projet. Et, de l'autre, ceux qui ont peur de remettre en cause leur légitimité en devant arbitrer entre des intérêts particuliers.
AE : Quel est le rôle des experts dans la concertation ?
AV/AG : Il est important de les prendre en compte dans le processus. Les nanotechnologies en sont une bonne illustration. Les experts doivent donner des éléments de compréhension en début de concertation, de manière à ce que l'on parle tous de la même chose. Mais l'expertise et le choix des experts font eux-mêmes objet de débat.
AE : Le développement d'Internet a-t-il aidé la concertation ?
AV/AG : Beaucoup d'espoirs ont été placés dans Internet au début. En fait, c'est un outil complémentaire. Les associations mises à part, ce ne sont pas les mêmes populations qui s'expriment sur le web et dans les processus traditionnels de concertation.
AE : Y-a-t-il des secteurs plus sensibles où la concertation s'impose ?
AV/AG : Il ne faut pas établir de hiérarchisation entre les projets. Tout projet doit faire l'objet d'une concertation. La mise en place d'Autolib à Paris en est un bon exemple. Ce projet, que l'on pourrait considérer comme consensuel, a pourtant donné lieu à de premières contestations de riverains.
AE : Finalement, quel est l'objectif de la concertation ?
AV/AG : Ce n'est pas d'apporter un bénéfice à une personne en particulier, le porteur de projet. Il s'agit de faire évoluer et d'enrichir le projet. Pour la création de voies cyclables dans le XXe arrondissement de Paris, par exemple, les usagers ont fait part sur le terrain de leurs remarques sur leurs difficultés à circuler. Et même si les conclusions de la concertation peuvent se révéler parfois négatives pour certaines parties prenantes, celle-ci crée toujours une dynamique.
AE : Qu'est-ce qui fait une concertation réussie ?
AV/AG : La réussite de la concertation dépend essentiellement de l'état d'esprit du porteur de projet. La question est de savoir s'il est prêt à remettre en question certains points de son projet.
AE : Y-a-t-il d'autres facteurs de réussite ?
AV/AG : Tout est très lié au contexte local et à son histoire. On a l'exemple de deux projets de stockage de CO2 en Allemagne : les travaux de concertation du premier, coordonnés par un institut public connu des acteurs intéressés, se sont très bien déroulés. Alors que ceux du deuxième, menés par un industriel, se sont mal passés. Dans le cas du site Métaleurop de Noyelles-Godault (62), les riverains, qui en avaient une très bonne connaissance, avaient intégré le fait qu'il ne pouvait y avoir de solution de dépollution totale.
AE : Quelles sont les perspectives ?
AV/AG : Le guide que nous publions (1) est le fruit de dix années de recherche. Les porteurs de projets, qu'ils soient publics ou privés, voire de simples citoyens, doivent maintenant se l'approprier. La question de la concertation se pose y compris en matière de planification, en particulier sur les projets de plans climat-énergie territoriaux. De nombreuses questions restent encore en suspens comme celles de l'évaluation de la concertation ou de l'impact de ces processus sur l'environnement. L'Ademe souhaite apporter des éléments de réponse dans les années à venir.