Dans la nuit de mardi à mercredi, les groupes de contact ont introduit des amendements dans le principal texte en discussion. Ce texte, intitulé « Action coopérative à long terme », issu de la conférence de Bali en 2007, est aujourd'hui la base de travail des 193 Etats qui participent à cette négociation. L'autre texte, qui figurait encore sur la table hier, est tombé en déshérence en moins de 24 heures. Raison : ce deuxième texte portait entièrement sur la reconduction du Protocole de Kyoto dans sa deuxième période, à partir de 2012. Or les Etats-Unis, revenus dans le processus, considèrent que le régime post Kyoto ne doit pas reprendre en compte les fondamentaux de ce protocole, qu'ils n'entendent pas ratifier. Du coup, le seul texte capable de rallier l'ensemble des « parties » ne parle pratiquement plus du protocole de Kyoto.
De son côté, le G77, qui inclut l'ensemble des pays dits en développement, groupe africain inclus, est formel : si le protocole de Kyoto n'est pas reconduit, ils estimeront que cette négociation est un échec. Car le protocole se fonde sur le principe de responsabilité commune mais différenciée, qui reconnaît la dette écologique du nord envers le sud. Les pays en développement le considèrent ''sacrosaint'', comme l'a souligné Jairam Ramesh, ministre indien de l'environnement et des forêts. Dans son intervention en plénière mercredi soir, M. Ramesh a rappelé que les émissions per capita des Indiens n'excèderaient jamais celles des pays développés.
C'est la clé de leur exigence vis-à-vis des vieux pays industriels. Le co-président du groupe africain, l'éthiopien Meles Zenawi, l'a exprimé : ''chacun d'entre nous sait que l'Afrique n'a virtuellement pas contribué au réchauffement climatique. La fragilité de nos écosystèmes est telle que, pour les Africains, les dégâts du changement climatique ne sont pas des phénomènes inscrits dans le futur. L'Afrique, de fait, est en train de payer par la misère et la mort de son peuple pour la richesse et le bien être induit dans les pays développés grâce à un développement intensif en carbone''. Ce qui définit la position du groupe africain, soutenue par le G 77 : la revendication d'un fonds de 10 milliards de dollars dès l'année prochaine, de 50 milliards par an à partir de 2015 et de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020.
En l'état actuel, les pays du Sud perçoivent l'évolution de la négociation comme une tentative des pays développés de démanteler le protocole de Kyoto. Leurs craintes sont fondées : des pans entiers du texte sont gelés et disparaîtront peut-être. Tous les paragraphes fixant des objectifs chiffrés de réduction des températures figurent entre crochets. Les Etats-Unis ont même fait ajouter un « x » pour cent de réductions d'émission par rapport à une année de référence elle aussi entre crochets, ce qui leur a valu le ''fossile du jour'', un prix humoristique que les ONG décernent au négociateur de plus mauvaise foi.
La méfiance augmente à mesure que les délégations du Sud ont le sentiment que la négociation leur échappe. La démission sans préavis de la présidente de la conférence, Connie Hedegaard, est un mauvais signal. C'est désormais le premier ministre danois, Lars Lokke Rasmussen, qui préside la conférence. Ses convictions politiques libérales et ses sympathies atlantistes lui valent le soupçon de se tourner vers des interlocuteurs privilégiés. Au point qu'une ''consultation sur les modalités de la consultation'' est présentement en cours. Et qu'un texte se prépare en off, issu de la présidence, en marge des discussions sur le texte officiel. Sa légitimité est d'ores et déjà contestée dans les couloirs.