Il fallait s'y attendre. Les mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat dérangent. Plusieurs réunions thématiques ont été organisées par le ministère de la Transition écologique entre le 11 et le 19 septembre afin que les citoyens présentent leurs mesures aux acteurs économiques concernés, en présence d'experts et d'ONG. Huit thèmes étaient au programme : rénovation écologique (1) ; automobile (2) ; transport routier de marchandises (3) ; trafic aérien (4) ; plastique-emballages-déchets (5) ; publicité (6) ; lutte contre l'artificialisation (7) et agriculture (8) . Pour chaque réunion, deux à trois représentants de la Convention se sont ainsi retrouvés face à une centaine de personnes prêtes à les écouter certes, mais surtout prêtes à donner leur avis sur ces mesures. Un avis bien souvent critique. « Les réunions ont été intenses, face à ces acteurs économiques, des militants, souvent très au fait de nos mesures. Le rapport de force était déséquilibré », explique Grégoire Fraty, citoyen de la Convention et vice-président de l'association des 150.
Une méthodologie qui interroge
La position complexe dans laquelle se sont retrouvés les citoyens de la Convention n'a pas non plus été du goût des ONG. « Les acteurs économiques étaient très nombreux, le format choisi n'est pas du tout celui du Grenelle par exemple, alors que ça aurait pu s'y prêter », estime Anne Bringault, du Réseau Action Climat (RAC). « Il a fallu que l'on explique que les ONG seraient parties prenantes de la mise en œuvre des mesures pour que nous puissions participer aux réunions. Notre présence n'était pas prévue au départ, remarque Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement (FNE). Dans la précipitation on a oublié certains acteurs. Pour le cas de l'aviation, il y aurait pu avoir l'Ademe (9) , l'Acnusa (10) par exemple », regrette-t-il.
Ces réunions visaient à recueillir les avis de chaque partie prenante afin d'élaborer le projet de loi qui va concrétiser les mesures législatives proposées par la Convention. Un tiers d'entre elles sont de nature législative. « Organiser une concertation est une bonne idée. C'est une construction originale pour un projet de loi, estime Danyel Dubreuil de l'Initiative Rénovons. Mais ce processus est fragilisé par une méthodologie précipitée : des réunions montées à la hâte, des documents fournis dans des délais très courts, deux minutes d'intervention par personne…Nous ne sommes pas dans un esprit serein ».
Une base de dialogue remise en cause
Ce manque de sérénité s'est aussi traduit sur le fond, avec des études d'impacts « incomplètes et à charge », selon les ONG. « Pour l'aérien par exemple, l'étude d'impacts ne met en avant que les inconvénients des mesures, avec un prisme uniquement économique, le coût des mesures et ne prend pas en compte les bénéfices collatéraux liés au développement d'autres modes de transport par exemple », détaille Sarah Fayolle de Greenpeace. « C'est de la mauvaise foi ». Pour la rénovation, « les études ne sont pas sourcées, on discute sur la base de calculs qui ne sont pas valables car ils ne prennent pas en compte toutes les modifications à venir comme le passage en énergie finale, le nouveau coefficient de conversion, etc. », regrette Danyel Dubreuil.
« Ces études d'impacts étaient des premiers éléments pour lancer la discussion, explique l'entourage du ministère de la Transition écologique. Elles vont être enrichies », d'ici la présentation du projet de loi prévue fin octobre.
Des arbitrages qui se font attendre
Et c'est sans compter sur les « petites phrases » et commentaires des différents représentants du Gouvernement qui sèment le doute sur la volonté de mettre en œuvre réellement les mesures de la Convention pour le climat. « On voit bien qu'il n'y a pas une position unanime au sein du Gouvernement. On verra qui gagnera les arbitrages », estime Grégoire Fraty. Les citoyens de la Convention ont prévu d'organiser une huitième session dès que le texte de loi aura été présenté en conseil des ministres. « Nous jugerons sur les actes, le reste n'est que folklore. Nous gardons en tête notre « droit d'alerte » que le Président nous a octroyé afin de pouvoir l'avertir si nous constatons une dérive. Certains d'entre nous ont été tentés de l'activer ces derniers temps ». Les citoyens rencontreront le Premier ministre Jean Castex la semaine prochaine. Ce sera l'occasion de tâter l'humeur du Gouvernement sur leurs mesures, en attendant le projet de loi et les arbitrages qui vont avec.