Une Coupe du monde de football organisée dans un environnement et un climat désertique, mais « complètement neutre en carbone » ? Plusieurs ONG d'Europe contestent fermement cette allégation de la Fédération internationale de football association (Fifa) et de ses porte-parole, mentionnée notamment dans le cadre de sa campagne publicitaire. Au Royaume-Uni, en Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas et en France, cinq de ces associations ont donc décidé de mener des actions en justice pour publicité trompeuse. C'est le cas de Notre affaire à tous, notamment, qui a déposé plainte auprès du Jury de déontologie publicitaire, ce mercredi 2 novembre, pour publicité mensongère.
Les ONG dénoncent, d'abord, l'utilisation de l'expression « tournoi le plus compact de l'histoire » censée illustrer la limitation des transports vers les stades. Or, les ONG notent la programmation de quelque 500 navettes aériennes quotidiennes en provenance des pays voisins. L'énergie électrique utilisée, pour la climatisation par exemple, proviendra, en outre, très largement de sources fossiles.
Un bilan des GES sous-estimé
Mais surtout, en se basant sur un rapport de l'organisation Carbon Market Watch, entre autres, les ONG observent une comptabilisation plus que douteuse des émissions de gaz à effet de serre engendrées par l'organisation du tournoi et le choix de « crédits carbone » de faible intégrité voués à les compenser. « Nous avons constaté que le bilan des émissions a été sous-estimé, notamment celles qui sont liées à construction des nouveaux stades, puisque la Fifa ne prend en compte que deux mois d'utilisation, sur une durée de vie potentielle de soixante ans, explique Gilles Dufrasne, spécialiste de la comptabilité carbone chez Carbon Market Watch. Or, nous savons bien qu'il y a peu de chances pour que ces équipements accueillent d'autres manifestations. »
Carton rouge de professionnels du foot
Les ONG attendent des autorités qu'elles demandent à la Fifa de modifier cette communication jugée trompeuse, susceptible de prendre en otages des millions de téléspectateurs. Mais elles espèrent aussi amener le public et le milieu du football à se poser des questions et éviter le renouvellement de cette expérience malheureuse.
« La crise climatique à laquelle nous sommes confrontés est un immense défi pour l'humanité. C'est une question sérieuse. La Fifa ne peut pas prétendre tout et n'importe quoi au nom du marketing, explique Jérémie Suissa, délégué général de Notre Affaire à tous. Qui peut honnêtement croire que la construction de stades climatisés au milieu du désert puisse être neutre en carbone ? Les fans de football doivent pouvoir profiter de leur sport sans être pris en otages par les choix dramatiques de la Fifa, tant sur le plan humain qu'écologique. »
Dans une lettre ouverte, publiée parallèlement au dépôt de ces plaintes, des joueurs et joueuses de football, ainsi que des organismes sportifs, enjoignent, par ailleurs, la Fifa de renoncer à ses affirmations et de mettre à jour sa stratégie climatique avant les prochains tournois. « Le changement climatique est l'adversaire auquel nous devons nous attaquer - et nous sommes déjà en plein dans les prolongations », déplorent les signataires. Aucun joueur français ne figure pour l'instant parmi eux.