C'est un jugement (1) très instructif que le tribunal administratif de Montpelllier a rendu, le 29 novembre, en matière de conciliation des usages de l'eau. Selon celui-ci, les dispositions combinées de l'article L. 211-1 (2) et L. 214-18 du Code de l'environnement (3) peuvent conduire à fixer un débit supérieur au débit minimal prévu par ce dernier article en vue d'assurer en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces. Et lorsque ce débit minimal biologique n'est pas atteint, le préfet ne peut prendre en compte les autres exigences prévues à l'article L. 211-1, notamment les besoins de l'activité agricole, ajoute le jugement.
Ce dernier a été rendu à la suite d'un recours de France nature environnement (FNE) Languedoc-Roussillon contre la décision implicite de rejet de sa demande de relèvement des débits minimaux biologiques relatifs aux prises d'eau sur le fleuve Têt (Pyrénées-Orientales) de plusieurs canaux d'irrigation. Les juges ont donné raison à l'association en annulant la décision implicite de refus et en modifiant les arrêtés préfectoraux contestés afin d'augmenter ces débits. Des débits minimaux biologiques de 1 500 litres par seconde (l/s) sont donc imposés à compter du 1er avril 2023 alors que les arrêtés préfectoraux, signés en 2017, ne prévoyaient que 600 l/s. Ce dernier, explique FNE, était en contradiction avec une étude que le préfet avait lui-même pilotée en 2013. Celle-ci avait conclu que le débit minimal devait être compris entre 1 500 et 2 200 l/s et avait conduit les services de l'État à identifier une portion du fleuve en « situation préoccupante de déséquilibre structurel ». Ce que la sécheresse de cette année a dramatiquement confirmé.
« Le droit de l'environnement prévoit qu'on laisse un minimum d'eau dans les rivières, pour leur survie. Ce minimum est déterminé sur une base scientifique, et non au doigt mouillé par les préfets en fonction des pressions locales, explique Simon Popy, président de FNE Languedoc-Roussillon. Dans les Pyrénées-Orientales, ces règles ont été bafouées et un fleuve n'étant pas à même de défendre ses droits devant un tribunal, c'est à nous, associations agréées pour la protection de la nature, qu'incombe cette responsabilité. C'est ce que nous avons fait avec succès, hier sur le Tech, aujourd'hui sur la Têt, là où nous rencontrons les situations les plus critiques. »