La décision du Conseil constitutionnel du 19 mars a, à juste titre, suscité beaucoup d'attention. Elle a en effet invalidé la procédure d'élaboration des chartes d'engagements en matière de pesticides. En cause ? La méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement relatif à la participation du public à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement.
En jugeant que ces chartes d'engagements départementales, approuvées par le préfet, constituent de telles décisions, la décision du Conseil constitutionnel pourrait avoir une portée bien plus large que le seul champ des pesticides. C'est en tout cas l'avis de plusieurs spécialistes du droit de l'environnement.
Droit des parties prenantes à participer
« Oui, la signature de l'État a une valeur. Et lorsque l' État signe : ce qu'il signe a une valeur juridique. L'État ne peut pas signer des chartes qui n'engagent pas. Et ces chartes doivent respecter le droit, notamment le principe de participation. Petite révolution », estime l'avocat et professeur de droit Arnaud Gossement.
« Codes de bonne conduite, chartes, pactes…. tous ces contrats publics d'engagements volontaires pour l'environnement signés par l'État sont des décisions publiques ayant une incidence pour l'environnement qui doivent être prises dans le respect du droit de l'environnement », estime le juriste.
Et de citer la loi Sapin 2 qui reconnaît le devoir de vigilance des grandes entreprises et prévoit l'élaboration d'un plan avec les parties prenantes. « S'il ne s'agit plus d'une formule de style mais bien d'une obligation juridique, les conséquences d'une consultation irrégulière avec des parties non significatives pourraient se poser », explique l'avocate.
Exercice pratique dans la loi climat
Arnaud Gossement avance, quant à lui, un exemple issu du projet de loi climat actuellement en discussion. Son article 5 relatif à la régulation de la publicité prévoit que les annonceurs signeront des « codes de bonne conduite avec l'État » Cela relève de la même idée que les chartes pesticides selon l'avocat. Or, en l'état de sa rédaction, cette disposition « ne respecte pas le principe de participation du public », ajoute-t-il.
De quoi regarder d'un œil nouveau les amendements qui pourraient être déposés en séance publique sur le projet de loi climat. Les députés ont en effet repoussé en commission un amendement Modem visant à donner un cadre juridique, prévoyant une procédure de participation du public, à ces codes de bonne conduite.
« Il est temps de donner tout son sens au mot "engagement" et toute sa valeur à la signature de l'État », estime le professeur de droit qui a travaillé avec les députés sur cet amendement.