L'enquête publique est l'une des procédures emblématiques qui concrétise le droit à la participation des citoyens. Issue d'une réglementation destinée à protéger la propriété privée contre l'expropriation, l'enquête publique s'est inscrite dans l'objectif de protection de l'environnement à partir de la loi Bouchardeau de 1983.
La directive du Conseil européen du 27 juin 1985, la convention d'Aarhus de 1998 et la Charte de l'environnement de 2004 ont renforcé les exigences en matière de participation, rendant obsolète la procédure d'enquête publique en vigueur. Le Grenelle de l'environnement a offert au législateur l'occasion de se saisir de cette réforme attendue. Le ministère de l'Ecologie a soumis à consultation, jusqu'au 18 mars, le contenu du décret (1) visant à mettre en œuvre la réforme de l'enquête publique, pris en application de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement.
Améliorer l'accès à l'information préalable
La participation du public doit pouvoir intervenir suffisamment tôt pour avoir une influence réelle en amont des projets d'aménagement. Avec la loi du 12 juillet 2010 (Grenelle 2), le responsable d'un projet soumis à enquête publique a la faculté de « procéder à la demande de l'autorité compétente (…) à une concertation préalable à l'enquête publique associant le public pendant la durée de l'élaboration » de la décision du projet, mais n'y est pas obligé. Le dossier d'enquête devient en principe communicable à toute personne avant ou pendant l'enquête publique. Par ailleurs, l'avis préalable à l'ouverture de l'enquête doit désormais mentionner l'existence d'évaluations environnementales, l'avis de l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement et le lieu où ces documents peuvent être consultés. Enfin, le législateur consacre l'obligation d'informer le public par voie électronique.
Simplifier les procédures
La loi du 12 juillet 2010, dite Grenelle 2, fait un pas vers la simplification du droit des enquêtes publiques, devenu un imbroglio juridique avec plus de 180 catégories d'enquêtes. Ces multiples procédures d'enquête publique sont regroupées en deux catégories. La première s'applique aux décisions prises en matière d'environnement, régie par le code de l'environnement ; la seconde aux décisions ayant des effets sur le droit de la propriété immobilière, notamment l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique, régie par le code de l'expropriation. La loi a tranché pour que le projet soit soumis à l'enquête régie par le code de l'environnement : une solution plus simple que l'improbable régime mixte qui existait jusqu'alors. « La loi met fin à la prolifération des enquêtes publiques et au régime mixte », note Jean-Claude Hélin, professeur émérite à la faculté de droit et des sciences politiques de l'Université de Nantes lors de sa communication au Conseil d'Etat le 2 mars dernier.
Modifier le projet en cours d'enquête
Avant la loi du 12 juillet 2010, la modification du projet soumis à enquête publique ne pouvait avoir lieu que si elle avait un caractère mineur. Toute autre modification ne pouvait être faite qu'avec la clôture de la première enquête et l'ouverture d'une nouvelle enquête sur le projet modifié. Le juge administratif censurait toute entorse à ce formalisme. Aujourd'hui, deux nouveaux mécanismes élargissent la possibilité de modifier le projet et, de ce fait, de prendre en compte les résultats de l'enquête publique.
D'une part, le mécanisme de suspension d'enquête peut être pris à l'initiative du responsable de l'opération. Durant cette suspension de six mois, le projet peut être modifié. Après l'information du public, l'enquête est alors réouverte pour une durée d'au moins 30 jours. D'autre part, le mécanisme d'enquête complémentaire permet, au vue des conclusions du commissaire enquêteur, de modifier le projet en modifiant son économie générale. Une enquête complémentaire est alors ouverte, moins lourde qu'une nouvelle enquête, puisqu'elle porte uniquement « sur les avantages et inconvénients de ces modifications pour le projet et pour l'environnement » et peut n'être organisée que sur les territoires concernés par la modification.
Prendre en considération l'avis du public
Le décret prévoit d'améliorer la prise en considération de l'avis du public : après clôture de l'enquête, le commissaire-enquêteur doit rencontrer le responsable du projet et lui communiquer ses observations. En retour, le responsable doit communiquer les siennes. Enfin, les décisions prises après conclusions défavorables du commissaire-enquêteur doivent faire l'objet d'une délibération motivée réitérant la demande d'autorisation de déclaration d'utilité publique de l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement concerné. Le bilan de la procédure doit être joint à l'enquête publique, et peut désormais donner lieu à jurisprudence.
Le professeur Hélin regrette le flou qui résulte de la « multiplication des procédures facultatives de concertation en amont de l'enquête publique laissées à la discrétion des opérateurs ». Pour Yves Jégouzo, ancien conseiller d'Etat et professeur émérite à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, « on est à la merci des errements législatifs futurs. Il aurait fallu une loi organique ».