À la suite de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur les dérogations nationales liées à l'utilisation des néonicotinoïdes, « le Gouvernement n'accordera pas de nouvelle dérogation pour 2023 », a annoncé le ministère de l'Agriculture, lundi 23 janvier. Une victoire pour les défenseurs de l'environnement, qui dénoncent depuis plusieurs années l'octroi de ces dérogations. La France s'apprêtait en effet à en délivrer une nouvelle en vue de la prochaine campagne de semences de betteraves, qui démarre en mars.
Pour rappel, face aux risques que représentent ces substances pour les polinisateurs, l'Union européenne a interdit en 2018 leur utilisation. En France, une loi adoptée en 2020 a ouvert la voie à des dérogations, jusqu'en 2023, pour le traitement des semences de betteraves, le temps de trouver des solutions alternatives. La France ne fait pas exception : dix autres États membres délivrent ou ont délivré ce type de dérogations.
Un plan d'action en urgence pour 2023
Cette décision n'a pas tardé à faire réagir la filière. Se disant « atterrée » par l'arrêt de la CJUE, la FNSEA a souligné qu'elle mettait en danger « la pérennité des exploitations à quelques semaines des semis, car les agriculteurs ont déjà prévu les emblavements, acheté leurs semences et donc engagé des charges pour l'année culturale ». Selon le syndicat agricole, les dérogations ont permis au contraire d'éviter « un abandon massif de la betterave par les agriculteurs au profit d'autres cultures et la fragilisation de l'ensemble du secteur sucrier ».
Conscient des inquiétudes suscitées, le ministère de l'Agriculture a réuni la filière, le 23 janvier, pour construire en quelques jours un plan d'action. Ce plan doit permettre de développer de nouveaux itinéraires techniques dès cette année, de déployer les solutions alternatives immédiatement disponibles et de mettre en place un accompagnement financier en cas de pertes de rendements liés à la jaunisse.
Face à la décision de la justice européenne, ce calendrier est chamboulé. Les solutions alternatives devront être déployées plus rapidement. En parallèle, le Gouvernement veillera à « l'homogénéité de l'application de la décision de la CJUE au sein de tous les pays de l'Union européenne » et déclenchera « une clause de sauvegarde auprès de la Commission européenne afin de s'assurer que les semences, betterave et sucre de betterave importées en 2023 ne peuvent pas être traitées avec des néonicotinoïdes ».
L'efficacité des solutions alternatives reste à prouver
L'institut technique de la betterave (ITB) a, de son côté, indiqué qu'il « formulera des conseils pour lutter contre les jaunisses de la betterave en 2023 dans les jours à venir. Ses experts régionaux conseilleront pendant toute la saison les agriculteurs en fonction des spécificités de chaque territoire et restent à disposition des betteraviers pour des recommandations personnalisées ». Selon cet institut technique agricole, « des pistes prometteuses sont identifiées. Combinées, elles devraient permettre de limiter le risque de jaunisse à partir de 2024 ». Pour 2023, les choses semblent moins certaines...
En mai 2021, dans un rapport sur l'efficacité des solutions alternatives aux néonicotinoïdes, l'Agence de sécurité sanitaire (Anses) a identifié quatre solutions disponibles à court terme pour réduire les populations de pucerons vecteurs de la jaunisse : deux solutions chimiques et deux méthodes culturales. L'Anses alertait néanmoins sur une nécessaire utilisation raisonnée du flonicamide et du spirotétramate, afin d'éviter les risques de résistances des pucerons. Elle soulignait également qu'il faudrait évaluer les risques pour la santé humaine et pour l'environnement du recours à ces produits pour les betteraves. Les deux autres solutions portaient sur la couverture des sols avec un paillage et la fertilisation avec du lombricompost, pour limiter les apports d'azote.
Pour l'ITB, ces solutions doivent encore faire leurs preuves pour la culture des betteraves. Le flonicamide a « montré une bonne efficacité en 2019, 2021 et 2022, mais s'est révélé insuffisant dans le cas de populations de pucerons très abondantes, comme en 2020 », indiquait l'institut dans une note publiée le 10 janvier. Idem pour le spirotétramate. Quant aux solutions culturales, si elles ont montré leur efficacité pour d'autres cultures, elles doivent encore être validées pour la betterave.