Des distances d'éloignement plus importantes entre éoliennes et habitations vont-elles de pair avec une acceptabilité accrue par la population locale des projets éoliens ? C'est la question à laquelle a tenté de répondre une étude scientifique commandée par l'Agence allemande de l'éolien terrestre et relayée le 7 juillet par l'Office franco-allemand des énergies renouvelables (OFAEnR).
Cette étude a été réalisée suite à la réforme de la loi allemande sur les énergies renouvelables (EEG), entrée en vigueur le 1er août 2014, qui permet aux régions (Länder) de définir dans le code de l'urbanisme des distances minimales entre les installations éoliennes et les habitations sur leur territoire. Le Länder de Bavière a notamment adopté en novembre 2014 une distance d'éloignement minimale des habitations égale "à dix fois la hauteur des éoliennes pour les machines nouvellement installées". Soit une distance pouvant atteindre jusqu'à deux kilomètres. Le gouvernement bavarois a estimé que la "hauteur totale d'une éolienne, notamment du point de vue de l'impact visuel ressenti comme oppressant, représente un facteur clé en vue de l'acceptabilité par la population". Ce qui expliquerait, selon lui, que "l'opinion favorable à l'énergie éolienne chez les riverains touchés est, en premier lieu, liée tant à la hauteur qu'à la distance d'éloignement de l'éolienne en question".
L'étude présente (1) l'analyse comparée des résultats de quatre recherches psycho environnementales menées ces dernières années en Allemagne et en Suisse. Ces recherches ont permis d'obtenir des données statistiques portant sur des distances d'éloignement des éoliennes et les facteurs de stress (bruit ou stimuli émotionnels) et l'acceptabilité des riverains. Plus de 1.300 riverains de 17 à 93 ans ont ainsi été interrogés sur plus de 20 sites en plaine et dans les régions vallonnées et montagneuses. Les distances d'éloignement étudiées sont situées dans une plage de 100 à 8.000 mètres. Les riverains ont été sondés via un questionnaire sur la gêne ressentie par l'implantation des éoliennes dans le paysage, les nuisances liées aux émissions sonores, au balisage et aux projections d'ombres périodiques. Les symptômes physiques et psychiques tels que la diminution de la performance ou les troubles du sommeil ont également été analysés.
Des riverains "faiblement gênés"
En moyenne, les riverains ne se sentent que "faiblement gênés ou limités dans leurs activités par les éoliennes. Lorsque c'est le cas, les sources de gêne sont alors essentiellement les émissions sonores des éoliennes ainsi que leur visibilité dans le paysage". Seulement 6 à 18% des personnes interrogées se disent "fortement gênées" par la présence des éoliennes dans leur environnement. D'après l'étude sur le bruit, plus de riverains se plaignaient des troubles dus au trafic routier (16%) que de ceux causés par les émissions sonores des éoliennes (9,9%). Les progrès techniques dans le domaine des éoliennes et les" évolutions juridiques (…) ont vraisemblablement contribué à la diminution relative de la gêne ressentie", expliquent les auteurs.
Aucune relation "significative" entre la distance d'éloignement et la gêne ressentie n'a pu être constatée dans "aucune des quatre études", ajoutent-ils. Selon l'étude sur le balisage, "à première vue, les nuisances sonores paraissent décroître légèrement à partir d'une distance de 2.000 m, mais cet écart n'est pas systématique : la gêne perçue pour les distances d'éloignement de 800 m, 1.000 m et à partir de 2.000 m ne présente pas de différence significative".
Participation citoyenne, facteur d'acceptabilité
L'acceptabilité et le niveau de gêne vis-à-vis des éoliennes locales dépendent en revanche d'autres facteurs, tels que la participation financière au projet éolien qui "contribue à une attitude plus positive et à un sentiment de gêne moins important". Lorsque le processus de planification et de construction du parc éolien est vécu par les personnes concernées comme "positif, l'acceptabilité des éoliennes est plus grande". Les personnes interrogées qui ont une attitude "positive à l'égard de l'énergie éolienne ont plutôt tendance à adopter la même attitude vis-à-vis des sites éoliens locaux". Par contre, les deux traits communs des personnes "fortement gênées" sont la vue sur les éoliennes et leur militantisme contre les éoliennes en amont du projet.
Le panel a également été interrogé sur les avantages et inconvénients ressentis à l'égard des éoliennes. La "contribution positive" des éoliennes locales à la protection du climat et à l'indépendance vis-à-vis des énergies fossiles est considérée comme "incontestable" par les riverains. Les personnes sondées estiment que l'impact des éoliennes sur le sentiment d'être chez soi, sur les prix de l'immobilier et sur la qualité de vie est "faible".
"Aucune recommandation claire en termes de distances d'éloignement ne peut être définie, qui permettrait d'exclure qu'en cas individuel, une forte gêne soit ressentie", ont conclu les auteurs.
Une distance minimale de 500 mètres en débat en France
Cette étude comparative pourrait alimenter les débats parlementaires sur le projet de loi français sur la transition énergétique. En seconde lecture du texte en plénière, l'Assemblée nationale est revenue en mai dernier à une distance minimale de 500 mètres entre une éolienne et des habitations contre 1.000 mètres votés au Sénat en première lecture en mars dernier. Le texte voté par les députés prévoit que la distance d'éloignement est "fixée par arrêté préfectoral compte tenu de l'étude d'impact" et "au minimum fixée à 500 mètres".
Le Sénat examinera à compter du jeudi 9 juillet le texte en plénière. La commission des affaires économiques du Sénat a rejeté le 17 juin plusieurs amendements déposés par les sénateurs républicains visant à revenir à la distance de 1.000 mètres. Les sénateurs ont en revanche approuvé, en commission, l'amendement défendu par les sénateurs écologistes (2) qui clarifie que "le respect d'une distance de 500 mètres entre les installations éoliennes et les habitations est vérifié dans le cadre de l'autorisation d'exploiter ICPE [installations classées pour la protection de l'environnement, ndlr] sur la base de l'étude d'impact fournie dans le dossier". A l'instar des professionnels de l'éolien, les sénateurs ont estimé que le texte de l'Assemblée laissait "subsister un doute quant à l'unicité de l'arrêté délivré par le préfet".