De nombreux rapports publiés ces dernières années ont pointé du doigt une tendance à la baisse de la diversité génétique, particulièrement chez les plantes cultivées. Le Global biodiversity outlouk estimait en 2010 ''probable que la diversité génétique des espèces cultivées soit en régression, mais l'étendue de ce déclin et son impact général sont insuffisamment bien appréhendés''. Un rapport de la FAO montrait, quant à lui, l'impact des variétés modernes à forte productivité sur les variétés traditionnelles.
Pourtant, la biodiversité cultivée est indispensable pour l'adaptation de l'agriculture au changement climatique. De nombreuses instances internationales ou nationales ont souligné la nécessité de mettre en place des indicateurs de suivi de cette biodiversité, afin de la protéger et de la maintenir. ''Les seuls indicateurs retenus à ce jour pour suivre l'évolution de la diversité génétique domestique dans le cadre de la stratégie nationale de la biodiversité (SNB) sont le nombre de races animales et de variétés végétales'', indique la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB).
Cinq indicateurs de suivi de la diversité génétique
Après avoir réalisé une revue de la littérature scientifique, la FRB a retenu cinq indicateurs ''complémentaires, [répondant] chacun à des questions différentes : effort de création variétale, distribution des variétés dans les territoires, proximité génétique entre variétés et variabilité génétique à l'intérieur des variétés, répartition de la diversité génétique dans les territoires et de la diversité génétique spatiale entre variétés''.
La richesse variétale est renseignée par le nombre de variétés. La diversité spatiale se penche sur la distribution des variétés sur la surface cultivée (hétérogénéité, équitabilité, domination d'une ou plusieurs variétés). Enfin, trois autres indicateurs se penchent sur la diversité génétique entre variétés et à l'intérieur des variétés à l'échelle globale mais aussi des surfaces cultivées.
Blé tendre : homogénéisation génétique et spatiale
Après avoir retenu cinq indicateurs, la FRB les a appliqués au blé tendre cultivé en France depuis un siècle. Ce choix n'est pas anodin : ''L'espèce blé tendre (Triticum aestivum) est, et a été, très cultivée en France. Il s'agit de l'espèce occupant le plus de surfaces et dont les volumes de production sont de loin les plus importants vis-à-vis des autres espèces, couvrant plus de 6,5 millions d'hectares en 1912 et encore plus de 4,5 actuellement et dans de nombreuses régions. Le blé occupe ainsi plus de 30.000 ha dans au moins 50 départements tout au long du XXe siècle''. Le blé occupe également le quatrième rang mondial (en volume) des plantes cultivées (680 millions de tonnes produites en 2008).
L'étude a mis en évidence une homogénéisation de la diversité génétique mise en culture, induite essentiellement par la disparition de la diversité à l'intérieur des variétés cultivées au cours du XXe siècle. Comme de nombreuses plantes, le blé a fait les frais de la révolution agricole. Les ''variétés de pays'', traditionnellement cultivées au XIXe siècle, ont laissé place à à des variétés élites à pailles plus courtes et valorisant mieux l'engrais azoté.
''De 1912 à 2006, le nombre de variétés cultivées augmente, traduisant l'essor de la création variétale''. Cependant, cette tendance est accompagnée d'une homogénéisation génétique très importante sur le territoire français. Cette homogénéisation génétique s'est accompagnée d'une homogénéisation spatiale avec des départements cultivant de plus en plus les mêmes variétés. Une tendance particulièrement marquée dans les grands bassins céréaliers.
''Cette homogénéisation pose la question de la fragilité des cultures de blé vis-à-vis des changements de l'environnement en cours et à venir (pathogènes, sécheresse, pratiques agricoles durables...)'', relèvent les auteurs du rapport.
Une ''formidable outil'' de décision
Finalement, si les auteurs estiment que la mise en oeuvre de la méthodologie devra être adaptée pour chaque espèce (échelles spatio-temporelles, histoire de la variété…), leurs conclusions sont positives : ''Ce type d'étude permet de retracer les conséquences de l'évolution de l'agriculture et des filières associées sur la diversité des plantes cultivées. L'application de ces indicateurs est un formidable outil pour éclairer les décideurs sur les actions visant à maintenir, aux échelles nationales et territoriales, la diversité des ressources génétiques cultivées''.
Ce travail pourrait être poursuivi dans le cadre du projet RGSCOPE, développé par la FRB et qui démarrera fin 2011, qui vise notamment à faire l'état des lieux de la biodiversité domestique.