Les missions régionales d'autorité environnementale (MRAe), créées en mai 2016 dans le cadre de la réforme de l'autorité environnementale, constituent désormais les meilleurs observateurs du contenu des documents d'urbanisme élaborés par les collectivités locales. Le premier bilan d'activité (1) de ces autorités régionales, divulgué mardi 7 mars en même temps que le rapport annuel (2) de l'Autorité environnementale (Ae) nationale, montre que la consommation d'espaces naturels et agricoles reste très forte dans les 299 documents d'urbanisme (Scot, PLU, Plui, cartes communales) qu'elles ont été amenées à examiner l'année dernière.
"Les analyses convergentes de l'Ae et des MRAe montrent un écart fréquent entre les ambitions affichées par les plans et programmes et les politiques et mesures opérationnelles prévues", tacle Philippe Ledenvic, président de l'Ae. Cet écart est particulièrement marqué en ce qui concerne la consommation d'espaces naturels et la gestion de l'eau.
Impact environnemental sous-évalué
"Les espaces consommés sont plutôt en réduction dans les plans mais on reste encore sur des volumes importants", explique Alby Schmitt, président de la MRAe du Grand Est. "Les efforts constatés portent sur les logements mais pas sur les zones commerciales", précise Philippe Ledenvic. Il apparaît que les collectivités continuent en effet à analyser l'impact des plans par rapport au document d'urbanisme précédent, généralement plus consommateur d'espace, et non par rapport à l'état actuel du territoire. "L'impact environnemental du projet est alors sous-évalué", explique l'Ae.
Les MRAe constatent la plupart du temps une insuffisance de justification des besoins d'urbanisation. "Les hypothèses de croissance démographique ou économique sont souvent optimistes, voire manifestement surestimées", constatent-elles. Dans certains cas, bien souvent en milieu rural, elles sont même en contradiction avec les tendances observées sur plusieurs années. Et Alby Schmitt de citer un projet de document d'urbanisme qui prévoyait 250 hectares de zone artisanale dans une agglomération de 5.000 habitants, qui comptait pourtant de nombreuses friches industrielles et commerciales, ainsi que 15% de logements vacants.
Le lien entre besoins de logements ou de surfaces d'accueil d'activités et extension des surfaces urbanisables est loin de toujours convaincre les autorités environnementales. "Le raisonnement qui permet de déterminer les besoins nets en surfaces à urbaniser à partir des besoins bruts (…) laisse parfois les MRAe dubitatives", rapportent les auteurs de la synthèse, qui déplorent la difficulté des collectivités à opter pour "des formes d'habitats plus denses ou un projet porté par une réflexion plus collective". Sur ce dernier point, les documents d'urbanisme sont souvent "une île au milieu de l'océan", confirme Christian Barthod, président de la MRAe Ile-de-France, pointant l'absence d'examen des interactions des plans avec ceux des entités voisines.
"L'urbanisation pas vue comme un problème environnemental"
"L'urbanisation n'est pas vue comme un problème environnemental mais comme une question administrative", déplore Alby Schmitt. Pourtant, l'extension de l'urbanisation est un des principaux facteurs de l'artificialisation des sols, à l'origine de pressions majeures sur l'environnement.
"L'impact environnemental est fondamental", insiste le président de la MRAe du Grand-Est, rappelant que l'imperméabilisation des sols conduit à une augmentation des épisodes de crue, une réduction de l'infiltration des eaux, de l'évapotranspiration et de la recharge des nappes. D'où une moindre résilience des territoires face aux épisodes météorologiques extrêmes et aux changements climatiques. Mais les effets de l'artificialisation ne s'arrêtent pas là puisqu'elle impacte la biodiversité, soit directement par la destruction des habitats, soit par leur fragmentation. Sans oublier les impacts économiques (baisse du potentiel agricole, coût des réseaux, etc.) ou sociaux (temps de trajet, désertification des centre villes, etc.) de l'étalement urbain.
L'urgence d'enrayer le rythme d'artificialisation moyen constaté de 65.000 hectares par an est donc toujours plus grande. Une artificialisation d'autant plus choquante qu'elle progresse également dans les départements en baisse démographique. Les missions régionales d'autorité environnementale parviendront-elles à infléchir favorablement la qualité des documents d'urbanisme comme semble le réussir l'Autorité environnementale avec les études d'impact des grands projets ? C'est là tout l'enjeu.