La direction d'EDF annonce ce jeudi 8 juillet l'abandon du projet Ecocombust à la centrale à charbon de Cordemais (Loire-Atlantique). L'idée était de substituer au charbon, émetteur de CO2 fossile, un combustible fabriqué à partir de biomasse, émetteur de CO2 non fossile.
Selon EDF, les conditions de la poursuite du projet ne sont pas réunies : « Deux raisons principales ont conduit à cette décision : le coût du projet qui ne permettrait pas de garantir un prix attractif du produit final et le retrait récent du partenaire industriel qui était à nos côtés. »
Cinq ans de recherche et d'essai
Le projet présenté par EDF répondait à l'arrêt en 2022 des centrales fonctionnant uniquement au charbon. Il comportait deux volets. Le premier était la création, en 2021-2022, d'une unité de fabrication de « black pellets », des granulés obtenus à partir de déchets de bois, principalement de déchets de meubles. L'unité devait produire 160 000 tonnes de pellets par an pendant 15 ans, pour un investissement estimé à 50-60 millions d'euros.
Le second volet était la modification des deux tranches de la centrale et la réduction de leur puissance de 600 à 530 mégawatts (MW). Elles devaient fonctionner jusqu'en 2026, à raison de 400 h par an pour chacune d'elles, à partir d'un mélange composé de 80 % de pellets et 20 % de charbon. L'investissement représentait un peu moins de 10 millions d'euros par tranche.
Un investissement devenu trop risqué pour EDF : « Le caractère très innovant et le manque de retour d'expérience sur ce type de produit, ainsi que l'envolée récente des prix des matières premières, ont pénalisé l'économie du projet », explique l'énergéticien. De plus, le partenaire avec lequel EDF avait ouvert les discussions concernant le traitement des effluents de l'usine de production de granulés [Suez] a décidé de se retirer du projet. Ce retrait entraînant un retard dans la date de mise en service industrielle à 2024, la centrale de Cordemais n'aurait pas pu produire de l'électricité via un combustible alternatif au charbon sur la période 2022/2024. »
Colère à la CGT
Très investie sur ce projet dès l'origine, la CGT ne cache pas sa colère : « EDF reconnaît la pertinence technique et environnementale du projet Ecocombust mais justifie son renoncement par des critères purement financiers… et donc la centrale de Cordemais va poursuivre sa production électrique 100 % charbon jusqu'à 2026, sans aucune perspective de transition écologique ! », regrette le syndicat qui y voit une décision contraire à l'urgence climatique : « Ecocombust est un projet permettant d'éviter 400 000 tonnes de CO2 annuellement dès demain », argumente-t-il. Le syndicat interpelle l'État et EDF sur leur ambition climatique : « Les engagements d'EDF ne seraient donc en réalité que du blabla ? La transition énergétique est un sujet politique : l'État doit prendre position ».
EDF signale que cette décision « n'a pas d'impact sur l'emploi de la centrale de Cordemais.» En effet, pour conserver le niveau de sécurité d'approvisionnement de la région, le Gouvernement prévoit un fonctionnement limité de la centrale mais pas sa fermeture. Seule la mise en service du réacteur EPR de Flamanville changerait la donne.
Des doutes sur la pertinence du projet
À l'essai depuis plusieurs mois, le projet n'avait pas encore fait la démonstration de sa pertinence écologique. En septembre 2020, l'Autorité environnementale (Ae) soulevait les incertitudes qui entouraient les impacts de la fabrication des pellets, le procédé retenu étant encore en développement. Elle souhaitait que soient mieux connues les caractéristiques des effluents liquides et gazeux, les dispositifs de traitement et les quantités d'effluents qui auraient été rejetées ou gérées sous forme de déchets solides et de boues.
C'était aussi le cas des émissions de gaz à effet de serre (GES) qui étaient évaluées dans la phase exploitation du projet à 149 500 tonnes de CO2 par an. Mais cette quantité laissait de côté de nombreuses sources : l'approvisionnement par camion de l'usine de fabrication des pellets, les émissions liées au fonctionnement de cette usine (qui comporte cinq chaudières au gaz, d'une puissance totale de 33 MW), ou encore les éventuelles émissions induites par la soustraction des bois-déchets de leur chaîne actuelle de valorisation énergétique. Plus globalement, l'Ae considérait comme « nécessaire de publier un bilan environnemental complet après une durée suffisante de fonctionnement », ainsi que la publication des rejets mesurés à la mise en service d'Ecocombust.