Lors de ses annonces au monde agricole, le 1er février dernier, le Premier ministre a présenté, parmi les mesures destinées à simplifier la vie quotidienne des agriculteurs, une harmonisation des seuils d'évaluation environnementale avec les seuils européens. À la suite de cette annonce, le ministère de la Transition écologique soumet à la consultation du public (1) jusqu'au 17 mars prochain un projet de décret (2) qui modifie l'annexe de l'article R. 122-2 (3) du code de l'environnement. Cette annexe définit les projets soumis systématiquement à évaluation environnementale et ceux qui font l'objet d'un examen au cas par cas par l'autorité administrative, c'est-à-dire le préfet de région dans la plupart des cas.
Activités de stockage géologique de CO2 et équipements sportifs, culturels ou de loisir mis à part, les modifications principales prévues par ce projet de décret touchent les opérations d'aménagement foncier agricole et forestier, ainsi que les élevages intensifs.
Examen au cas par cas
Le texte fait passer, en premier lieu, les opérations d'aménagement foncier et agricole mentionnées à l'article L. 121-1, 1° du code rural (4) de l'évaluation systématique à l'examen au cas par cas. Les opérations visées sont celles relevant de la réorganisation foncière qui a pour objet « d'améliorer à l'intérieur d'un périmètre déterminé la structure des fonds agricoles et forestiers par voie d'échanges de parcelles et de mettre en valeur les terres incultes ou manifestement sous-exploitées ».
« Les projets d'élevage intensifs de volailles, de porcs et de truies en dessous de ces seuils, ainsi que les élevages de bovins les plus importants (de plus de 800 veaux ou bovins à l'engraissement ou de plus de 400 vaches laitières) seront désormais soumis à un examen au cas par cas », résume le ministère de la Transition écologique.
Moindre prise en compte des incidences sur l'environnement
Quels sont les avantages attendus pour les exploitants ? En principe, une simplification liée à l'exonération d'effectuer une étude d'impact qui peut apparaître lourde et coûteuse pour les porteurs de projet. Mais, outre une moindre prise en compte des incidences du projet sur l'environnement, plusieurs difficultés peuvent en fait se présenter pour ces derniers, avec le risque que ce décret rejoigne la liste des simplifications qui aboutissent en fait à une complexification du droit de l'environnement.
Comme le ministère de la Transition écologique l'explique lui-même dans la note accompagnant cette consultation publique, les élevages intensifs de volailles ou de porcs soumis à autorisation environnementale étaient jusqu'à présent tous soumis à évaluation environnementale systématique. Cela permettait d'avoir des seuils identiques pour l'autorisation environnementale, seuils fixés par la directive sur les émissions industrielles (IED), et pour l'évaluation environnementale. Sauf à modifier les seuils de cette directive pour les rendre moins sévères, ce qui n'est pas l'intention de la Commission européenne dans son projet de révision de la directive en cours d'approbation, cette harmonisation des seuils ne sera plus effective. Ce qui va créer de nouvelles situations dans lesquelles le régime d'autorisation ne s'accompagnera plus systématiquement d'une étude d'impact et d'une enquête publique comme cela était le cas avant les divers textes de simplification.
En outre, le passage de l'évaluation systématique au cas par cas ne signifie pas que l'exploitant sera dispensé de toute étude. « Rien ne dit que l'autorité environnementale et/ou le juge administratif n'imposeront pas la réalisation d'une étude d'impact là où le Gouvernement promettait une dispense », explique l'avocat et professeur de droit Arnaud Gossement sur Linkedin. Et si l'étude d'impact n'est pas exigée, les demandeurs de l'autorisation devront, à défaut, fournir une étude d'incidence environnementale, comme le prévoit l'article L. 181-8 du code de l'environnement (5) . Celle-ci est allégée par rapport à l'étude d'impact, mais seulement de quelques éléments comme la présentation des solutions alternatives au projet ou la description des méthodes de prévision utilisées pour identifier et évaluer les incidences notables sur l'environnement.
« L'étude d'impact présente aussi un intérêt - notamment pour sa responsabilité - pour l'exploitant qui a [plutôt] intérêt à connaître les risques environnementaux et sanitaires de son projet avant qu'après », explique Arnaud Gossement, qui plaide pour une réforme permettant de réduire le coût et la charge administrative de l'étude d'impact plutôt que de la remettre en cause.
Une régression de la protection de l'environnement ?
Le décret, une fois publié, pourrait par ailleurs faire l'objet d'un recours en annulation. Si le Conseil d'État a déjà annulé, pour violation du principe de non-régression, des dispositions réglementaires qui avaient fait passer certains projets de l'évaluation au cas par cas à l'absence d'évaluation environnementale, l'annulation d'une réglementation organisant le passage de l'évaluation systématique à la procédure de cas par cas est moins probable.
Une telle réglementation « ne méconnaît pas, par là-même, le principe de non-régression de la protection de l'environnement » dès lors que les projets susceptibles d'avoir des incidences notables doivent faire l'objet d'une telle évaluation en application de l'article L. 122-1 du code de l'environnement (6) , avait jugé la Haute Juridiction administrative dans sa décision du 8 décembre 2017.