Dans une interview aux Echos parue ce mercredi 5 juillet, la ministre des Transports Elisabeth Borne (1) a annoncé vouloir faire contribuer les poids lourds qui "transitent par nos territoires" au financement des infrastructures de transport. "Sur le quinquennat à venir, près de 10 milliards de projets d'infrastructures ont été annoncés sans être financés, dont 7 milliards de projets nouveaux", a-t-elle rappelé dans l'entretien. Pour y parvenir, Mme Borne réfléchit à une nouvelle taxation des camions sur les routes nationales.
Feuilleton de l'écotaxe : pas de nouvel épisode prévu…
Le remplacement de l'écotaxe par un péage de transit poids lourds de 13 centimes en moyenne par kilomètre, était aussi prévu pour 2015 par l'ex-ministre de l'Environnement Ségolène Royal. Ce péage ne devait concerner que 4.000 kilomètres de routes nationales, départementales et réseaux locaux au lieu des 15.000 envisagés par l'écotaxe et exempter les véhicules agricoles et forains. Mais avant sa mise en œuvre, le péage de transit a lui aussi été abandonné en octobre 2014, par la ministre sous la pression des transporteurs routiers…. Ce péage ne devait rapporter que 500 millions d'euros par an environ, au lieu des 800 millions prévus par l'écotaxe.
Quelles solutions alternatives ?
La perte des recettes liées à l'absence d'écotaxe a été compensée par une hausse à partir de 2015 de la fiscalité sur le gazole (augmentation de 4 centimes par litre de la TICPE), supportée surtout par les automobilistes, a pointé la Cour des comptes, alors qu'ils n'étaient pas concernés par cette taxe.
D'autres solutions alternatives, après l'abandon du péage de transit, avaient aussi été évoquées par Ségolène Royal comme interdire le trafic des poids lourds sur le réseau routier national, afin de contraindre les camions à emprunter les autoroutes. Ce qui aurait permis, selon elle, à l'Etat et aux collectivités, de "récupérer une part du chiffre d'affaires des autoroutes, générée par ce report de trafic", estimée à 400 millions d'euros par an. L'organisation des TPE et PME du transport routier (Otre) plaidait aussi pour la mise en place d'une vignette qui mettrait davantage à contribution les transporteurs étrangers. Mais la vignette engendre des coûts de gestion estimés de 40 à 50 M€, soulignait, en juillet 2015, la mission d'expertise confiée au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).
Le nouveau modèle envisagé par Elisabeth Borne ne devrait concerner que certaines routes nationales et certaines régions, ce qui devrait réduire les oppositions. La possibilité de mettre en place une écotaxe poids lourds à l'échelle régionale avait aussi été évoquée. "Certaines régions sont volontaires pour lancer des expérimentations. D'autres demandent à pouvoir créer, comme l'a fait le Grand Paris, une taxe spécifique dédiée aux besoins en équipement (2) ", a précisé Mme Borne. Cela peut également passer par la mise en place "de péages sur certaines sections de routes nationales, sans pénaliser les déplacements de proximité, à l'image de ce qui a déjà été fait dans les Landes. Nous devons donc débattre des ressources, comme d'autres pays l'ont fait", a-t-elle ajouté. Ce débat sera au menu des Assises de la mobilité prévues en septembre, sous l'égide de la ministre.
"Ligne rouge" à ne pas franchir
Les deux fédérations patronales des transports routiers FNTR et TLF ont déjà annoncé une fin de non-recevoir : "La question de l'écotaxe, sous quelque forme que ce soit, et quel que soit son champ géographique est une ligne rouge pour la profession", ont-elles prévenu ce mercredi dans un communiqué commun. "Le feuilleton désastreux de l'écotaxe débuté en 2007 s'est achevé en 2014 par un abandon total. L'Etat semble donc revenir sur ses engagements, ce qui ne saurait être accepté."
Les deux fédérations rappellent aussi que la révision de la directive européenne Eurovignette, proposée fin mai dernier par la Commission européenne, "étend le champ de la taxation des infrastructures à tous les véhicules pour que les camions ne soient pas les seuls à supporter les coûts". La Commission a proposé de différencier les péages selon les émissions carbone des véhicules et également d'inclure dans le système les véhicules légers en plus des camions. "Il faut de plus noter que ces orientations sont en contradiction totale avec les orientations européennes du Paquet Mobilité", ont dénoncé la FNTR et la TLF.