Ce lundi 6 mars, l'Agence de la transition écologique (Ademe) et l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) ont remis au gouvernement leur troisième et dernier rapport d'évaluation de l'empreinte environnementale du numérique. Cette étude (1) (dont la parution était initialement prévue en avril 2022) conclut un travail entamé en août 2020. Ce dernier avait déjà abouti à un premier état des lieux à date du bilan carbone du secteur en janvier 2022 : entre 16,9 et 17,2 millions de tonnes d'équivalent dioxyde de carbone par an (MtCO2e/an), soit environ 2,5 % de l'empreinte nationale en 2020. L'Ademe et l'Arcep se sont, cette fois-ci, attelées à établir les contours de son évolution dans les décennies à venir en fonction de différents scénarios.
« L'analyse des scénarios tendanciels à 2030 et 2050 montre que le secteur du numérique ne s'inscrit pas dans une dynamique de décarbonation et de réduction des impacts environnementaux, en opposition aux engagements pris par la France, interpellent l'Ademe et l'Arcep. L'évolution tendancielle de l'empreinte carbone du numérique à 2050 va être multipliée par trois, faisant ainsi reporter les efforts à faire sur les autres secteurs ou sur la capacité des puits de carbone. » En s'appuyant sur une méthode d'analyse du cycle de vie (ACV) multicritère (à savoir, entre autres, les émissions de gaz à effet de serre, la consommation énergétique et en ressources naturelles), les experts de l'Arcep et de l'Ademe se sont intéressés à établir l'empreinte environnementale du numérique selon la tendance actuelle du secteur et différentes approches alternatives.
Vers une écoconception généralisée ?
Systématiser cette écoconception (en augmentant par ailleurs de deux ans la durée de vie) stabiliserait l'empreinte carbone du numérique à seulement + 5 % en dix ans (18,1 MtCO2e/an). Enfin, ajouter à cela une certaine dose de sobriété (à savoir, de pas installer plus d'antennes au réseau mobile existant et stopper la multiplication des équipements) réduirait même l'empreinte de 16 % (14,4 MtCO2e/an). À cet égard, « les utilisateurs substitueront par exemple leurs équipements pour des terminaux moins consommateurs, les conserveront plus longtemps et adopteront des usages plus sobres, notamment en matière de flux vidéos et de consommation d'équipements numériques », illustre le rapport.
Éviter une multiplication par quatre du bilan carbone
En suivant le scénario « Coopérations territoriales », un parc de terminaux semblable à celui de 2020 (soit un peu moins de 800 millions d'équipements) avec une division par deux de la consommation électrique et une durée de vie allongée d'un an seulement entraîneraient une augmentation de 32 % des émissions de gaz à effet de serre mais des réductions de la consommation électrique de 36 % et des ressources extraites de 24 %. À l'inverse, en laissant s'opérer une croissance tendancielle du nombre d'équipements (une multiplication par cinq) dotés d'une durée de vie moyenne identique à celle d'aujourd'hui (dix-huit à vingt-quatre mois), le scénario « Technologies vertes » vers lequel le numérique français se dirige s'approcherait d'une multiplication par quatre de son bilan carbone (+ 183 %, par rapport à 2020, pour 49 MtCO2e/an). Le secteur exigerait alors 58 % de ressources (soit 1 508 tonnes d'équivalent antimoine, tSbe/an, au lieu de 952 tSbe/an) et 78 % d'électricité consommée en plus (soit 93 térawattheures, TWh, au lieu de 52 en 2020).
Ne pas sous-estimer l'impact des usages
Le nombre et le type d'équipements numériques ne sont pas les seuls paramètres à prendre en compte du côté des utilisateurs en bout de chaîne. Dans une étude réalisée en marge de ses travaux avec l'Arcep, l'Ademe montre que la taille de l'écran, la résolution du contenu audiovisuel diffusé et les conditions d'usage en réseau (entre un film/jeu-vidéo téléchargé ou utilisé en « streaming » ou « cloud gaming », par exemple) peuvent considérablement augmentés les impacts environnementaux liés au numérique.
Des travaux traduits en une feuille de route
« Pour atteindre l'objectif de l'Accord de Paris en 2050, le numérique doit prend la part qui lui incombe : un effort collectif impliquant toutes les parties prenantes est donc nécessaire », conclut le rapport. Les mesures à la hauteur de cet effort seront décidées par le nouveau Haut Comité pour le numérique écoresponsable (HCNE). Celui-ci a désormais la tâche d'établir, d'ici au mois de juin prochain, une feuille de route de décarbonation. L'instance installée en novembre dernier doit également intégrer les travaux de l'Arcep et de l'Ademe aux réflexions du nouveau groupe de planification écologique consacré au numérique « dans les semaines qui viennent ». L'ensemble déterminera ainsi les objectifs du secteur à fixer au sein de la prochaine Stratégie nationale bas carbone (SNBC).