Or, les projections pour 2030 estiment la population à un million de personnes. Cette nouvelle hausse démographique s'accompagnera d'une hausse de la demande d'électricité. Le territoire s'est pourtant engagé en 2000 dans une politique énergétique visant 0 % d'émission de CO2 à l'horizon 2025. Le potentiel en énergies renouvelables de l'île est énorme, le chantier pour parvenir à 100 % d'énergies propres l'est aussi. Détails.
Une consommation électrique à la hausse
Ces quinze dernières années, la consommation d'électricité a doublé, atteignant une croissance annuelle moyenne de 5 % sur la période 2000-2005 contre 1 % par an sur la même période en métropole. Pourtant, la consommation d'énergie réunionnaise reste très inférieure à la consommation métropolitaine : alors qu'un Réunionnais consomme 1.259 kWh/an, un Métropolitain consomme 2.330 kWh/an.
En 2008, la production d'électricité locale a été de 2.546 GWh, assurée à 36 % par les énergies renouvelables et à 64 % par les énergies fossiles importées. Cette production repose sur 3 centrales au fioul lourd/gazoil (338,7 GWh), 2 centrales thermiques à charbon et bagasse (respectivement 1.287,8 GWh et 262,6 GWh), 6 centrales hydrauliques (632,1 GWh), 2 parcs éoliens (13,5 GWh), des installations solaires photovoltaïques (10,67 GWh), une installation de biogaz de décharge (0,72 GWh) et 94.839 chauffe-eau solaires (142,3 GWh évités).
Cette forte dépendance aux énergies fossiles pose des risques pour la continuité électrique, en cas de rupture d'approvisionnement, mais aussi des problèmes économiques et environnementaux. En 2008, les émissions de CO2 du secteur énergétique étaient de 3,8 millions de tonnes, la combustion des énergies fossiles constituant la majorité de cette diffusion. Le secteur résidentiel était responsable de 43,5 % de la consommation électrique de l'île en 2007, l'industrie de 16,3 %.
2030 : la nécessité de limiter la hausse de la demande énergétique
En 2030, la population réunionnaise est estimée à près d'un million de personnes. Deux scénarios ont été développés afin d'anticiper l'évolution de la demande énergétique : l'un tendanciel, l'autre volontariste, dans le rapport ''PETREL - île de La Réunion'' réalisé par l'Agence régionale de l'énergie Réunion (ARER) en 2009.
Selon le premier scénario, le développement de la climatisation, de la ventilation et du chauffage électrique ne seront pas compensés par le développement massif des chauffe-eau solaires (100 % des foyers équipés) et l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments, liée à la RT 2009 (annoncée en avril 2009 et applicable dès mai 2010).
La consommation finale d'électricité en 2030 sera alors de 3.792 GWh, soit en croissance de 69 % par rapport à 2007. Le résidentiel sera responsable de 38,6 % de la consommation électrique, soit 1.463 GWh (en hausse de 50% par rapport à 2007). L'industrie consommera 766 GWh, soit 20,2 % de la consommation finale (en hausse de110 %).
Le scénario volontariste Starter mise quant à lui sur des actions de maîtrise de l'énergie dans le résidentiel, le tertiaire et l'industrie. Il se base sur la RT 2009 mais aussi sur la mise en œuvre d'une nouvelle réglementation thermique en 2015 plus exigeante que la précédente.
Si comme pour le scénario tendanciel, l'équipement en climatisation et ventilation des ménages croît, il s'accompagne d'une réduction des besoins en froid et en chaleur due à une meilleure conception des bâtiments et d'une amélioration de l'efficacité des installations. L'industrie et le tertiaire sont également concernés par l'amélioration de l'efficacité énergétique.
Ce scénario fait ressortir une consommation finale d'électricité en 2030 de 2.871 GWh, en
croissance de 28% par rapport à 2007, mais inférieur aux consommations tendancielles 2030 de 24 %. Le secteur résidentiel est responsable de 34,3 % de la consommation finale (986 GWh), l'industrie de 24,9 % (714 GWh).
Le chemin de l'indépendance énergétique
Le territoire dispose d'un fort potentiel en ressources locales pour générer de l'électricité et de la chaleur : hydraulique, bagasse, soleil, vent... D'ailleurs, les énergies renouvelables sont en progression depuis quelques années (+5,4 % en 2008 par rapport à 2007).
En 2008, 3.814 ménages étaient alimentés en électricité d'origine éolienne soit 1,5 fois plus qu'en 2007. L'équivalent de 3.268 ménages était alimenté en électricité d'origine photovoltaïque soit près de 3 fois plus qu'en 2007, plaçant la Réunion au troisième rang européen. Le territoire se hisse également au deuxième rang européen concernant les chauffe-eau solaires : 394.243 m² de panneaux solaires thermiques étaient installés en 2008 (1,1 fois plus qu'en 2007), soit près de 90.000 foyers équipés (40 % des ménages). L'objectif de la région est d'équiper la totalité des bâtiments d'habitation. Le Ministère de l'Écologie a d'ailleurs publié un décret au Journal officiel du 19 avril 2009 mettant en place une réglementation thermique spécifique aux départements d'Outre-mer. Ce texte rend obligatoire l'installation de chauffe-eau solaires thermiques sur les logements neufs.
Mais le développement des énergies renouvelables doit être organisé et planifié afin de pouvoir répondre à la hausse de la demande en électricité. L'Arer a ainsi établi des modèles de mix énergétiques à l'horizon 2020 et 2030, à partir des niveaux de potentiel et de maturité des différentes énergies renouvelables disponibles sur l'île.
En 2020, un plan ambitieux et en partie coercitif de maîtrise de la demande en électricité dans tous les domaines (RT 2015) devra être mis en place. Chaque point de croissance du besoin électrique devra être couvert par des productibles renouvelables. Ainsi la biomasse devra progressivement se substituer au combustible charbon et fournir la totalité des nouvelles centrales thermiques. Pour parvenir à cet objectif, l'Arer mise sur un développement d'espèces de cannes plus fibreuses, soutenu par la multiplication de fermes agri solaires (complémentarité production canne/production solaire).
La puissance et la capacité de stockage de l'hydraulique devront être développées ainsi que la géothermie. L'expérimentation sur l'énergie thermique des mers devra se poursuivre.
Si la part de production des ENR en 2020 ne permet pas le développement de transports électriques à grande échelle, l'île de la Réunion devra lancer un plan de maîtrise des transports via le tram-Train, le développement du télétravail…
En 2030, pour atteindre l'objectif d'autosuffisance énergétique en électricité et transports, la géothermie et/ou l'énergie thermique des mers seront devenues des productions de base dépassant 25 % du mix énergétique de l'île. La surface de canne à fibre aura augmenté via le développement de fermes agri solaires. La transformation de cette biomasse ne sera plus réalisée par combustion mais par gazéification, ce qui permet un doublement de ses rendements actuels. Selon l'Arer, ce gaz ''devient l'outil stocké (gaz liquide) de flexibilité en substitution au pétrole que ce soit pour la production électrique (TACs et Moteurs diesel recyclé au combustible gaz de bagasse) et les transports (véhicules au gaz)''.
Les transports seront à 100 % ''propres'' grâce à l'électrique, au gaz et au flex fuel (agrocarburant issu de la canne).
Selon l'Arer, ''un scénario énergétique sobre et renouvelable est économiquement aussi viable qu'un scénario énergétique basé sur le gaspillage d'une énergie fossile rare. La différence en coût direct est seulement de 7 % et la différence en coûts globaux est nulle''. L'île de la Réunion est au centre de toutes les attentions, qualifiée de ''laboratoire'' pour le développement des énergies renouvelables.