Présenté ce lundi 26 septembre, en Conseil des ministres, aux côtés du projet de loi de finances 2023, le nouveau projet de loi pour l'accélération des énergies renouvelables incarne « le volet législatif du "grand plan énergies renouvelables" déployé depuis le mois de juin », a énoncé la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. Il sera d'abord examiné par le Sénat, « d'ici à la fin du mois d'octobre ou au début du mois de novembre », avant de passer entre les mains des députés. Fruit de nombreuses réécritures et d'une nouvelle méthode d'élaboration en urgence, il pose les bases d'un vaste chantier de simplifications administratives.
Quatre leviers d'accélération
Le champ d'application de cette adaptation temporaire a été particulièrement restreint par rapport à la version initiale du projet de loi. Dans son avis (2) , annoncé « défavorable à l'unanimité » et rendu le 16 septembre, le Conseil national pour la protection de la nature (CNPN) avait, par exemple, souligner que « les décisions dérogatoires présentées comme provisoires pour quatre ans pourront avoir des impacts durables pendant des décennies, puisque les installations ainsi construites ne seront pas démontées à la fin de cette période dérogatoire ». Cela étant, hormis une disposition décriée et désormais totalement supprimée du projet de loi (lire l'encadré ci-dessous), les mesures, précédemment concernées par cette dérogation de quatre ans, demeurent.
Le principe de non-régression finalement respecté
Dans sa version initiale, le projet de loi comportait un article prévoyant de relever plus facilement les seuils de soumission des projets à évaluation environnementale, dans le cadre d'autres dérogations introduites temporairement pendant quatre ans. Finalement supprimée, cette proposition du gouvernement a rapidement été décriée par les défenseurs de la biodiversité. Le CNPN la jugeait « trop déséquilibrée au profit des considérations énergétiques, au détriment des enjeux environnementaux et notamment de la biodiversité passée largement sous silence malgré le contexte de son effondrement ». Il rejoignait l'avis préalable du CNTE sur la manière dont le gouvernement considère l'évaluation environnementale, comme « des obstacles » au déploiement des énergies renouvelables. Le risque que cet article soit jugé contraire au principe de non-régression du droit de l'environnement a dû sans doute scellé son sort.
Priorité au solaire et à l'éolien en mer
Pour doubler les capacités du parc solaire photovoltaïque, le gouvernement compte également sur la libération du foncier sur les « abords des autoroutes et routes à grande circulation » (article 7), en plus des délaissés routiers dans les communes de montagne (article 10), ainsi que les friches ou les stocks de saumure attachés aux dispositions de la loi Littoral (article 9). Cette dernière mesure peut s'appliquer pour des installations solaires au sol ou « d'hydrogène renouvelable ». Le projet de loi propose également d'imposer l'équipement en panneaux solaires, photovoltaïques ou thermiques, des parkings extérieurs de plus de 2 500 m2 sur au moins la moitié de la surface (article 11). « La surface des parkings de plus de 2 500 m2 est estimée entre 90 à 150 millions de mètres carrés en France : l'équipement de la moitié de cette surface en ombrières photovoltaïques permettrait de réaliser une puissance installée comprise entre 7 et 11 GW », estime le gouvernement.
S'agissant de l'éolien en mer, le projet de texte propose de mutualiser les débats publics et d'élaborer le document stratégique de façade maritime (DSF) « en une seule concertation » (article 12). Il introduit, par ailleurs, un régime spécifique aux installations à cheval entre une zone d'économie exclusive (ZEE) et un domaine public maritime (DPM) (article 13) ainsi qu'un statut juridique aux installations flottantes (éoliennes ou non) (article 14). En outre, il facilite l'installation d'ouvrages de raccordement dans les zones soumises à la loi Littoral (article 16) et clarifie le traitement juridique des personnels chargés de la construction et de l'exploitation des parcs offshore (article 15).
Enfin, pour améliorer l'acceptabilité des projets tant pour les professionnels que pour les riverains, le projet de loi prévoit quelques mesures économiques : l'encadrement des contrats d'achat en « PPA » (article 17), pour les premiers, et une réduction de la facture électrique (article 18), pour les seconds. L'article 19 s'attèle à inclure des techniques comme la pyrogazéification au sein des contrats d'expérimentation de biogaz. Pour finir, l'article 20 envisage de ratifier deux ordonnances, notamment celle du 22 mai 2019 simplifiant la révision des schémas de raccordement.
Le fruit d'une nouvelle méthode d'urgence
Approuvé par le Conseil d'État (3) , ce projet de loi n'est cependant pas sans défauts. L'étude d'impact du projet lui est par exemple apparue comme « inégale, insuffisante sur plusieurs articles, voire inexistante sur certaines dispositions pourtant importantes ». Ces manques découlent, selon la Haute Juridiction, des « très brefs délais » auxquels les autres organismes consultés, comme le Conseil national pour la transition écologique (CNTE), ont été confrontés pour examiner et éventuellement améliorer le projet de loi.
Cette évaluation dans l'urgence résulte, selon la ministre Agnès Pannier-Runacher, de la « nouvelle méthode d'élaboration du président de la République et de la Première ministre ». Ces derniers souhaitent privilégier un maximum de concertations avec les acteurs impliqués avant la rédaction du texte, puis les discussions avec les parlementaires autour d'un avant-projet en amont. « Les ajustements du texte sont ainsi réalisés au fur et à mesure des avis que nous recevons », afin d'accélérer le débat une fois le projet de loi publié dans l'idée que le cœur du texte a déjà été étudié au préalable.
Un texte encore incomplet ?
Si le projet de loi constitue « une bonne base de travail », le Syndicat des énergies renouvelables (SER) souligne qu'il peut « encore être enrichi au cours de son examen parlementaire » par l'inclusion de soutiens aux installations pour la chaleur et le froid ou au déploiement de l'agrivoltaïsme (dont une proposition de loi soumise au Sénat s'attèle déjà). Le gouvernement a, quant à lui, prévu d'y apporter de premiers amendements en réponse aux attentes supplémentaires de certains acteurs, notamment sur l'autoconsommation. Par ailleurs, selon la ministre, il serait en attente des prochaines conclusions d'une « mission parlementaire en cours », au sein de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, portant sur les « freins liés aux énergies renouvelables ».
Pour rappel, ce projet de loi succède à une première série de mesures réglementaires, profitant notamment à la production de biométhane, ainsi qu'une circulaire à la destination des préfets. « Ces mesures ont déjà permis de débloquer 10 gigawatts d'énergies solaire et éolienne et un térawattheure de gaz renouvelables », a avancé la ministre. Il sera complété de la présentation, le 6 octobre, de la feuille de route du plan de sobriété énergétique et de l'ouverture d'une concertation, « dans les prochains jours », d'un texte consacré à l'accélération des procédures de production de nouveaux réacteurs nucléaires.