Le ministère de la Transition écologique a commencé à traduire règlementairement les mesures actées lors du groupe de travail sur l'éolien. Un projet de décret (1) mis en consultation (2) le 16 février prévoit une modification du code de justice administrative pour confier en premier ressort le contentieux de l'éolien terrestre aux cours administratives d'appel. "C'est la mesure la plus efficace et la plus attendue. Ça va accélérer les procédures. En supprimant le niveau du tribunal administratif, on gagne deux ans. Le droit au recours reste préservé", commente Pauline Le Bertre, déléguée générale de France énergie éolienne (FEE).
Le décret prévoit des dispositions transitoires pour les contentieux en cours, et ajoute le principe de la cristallisation des moyens. Lors des recours, les parties n'auront que deux mois pour alimenter leur argumentation. "Le tribunal aura rapidement l'ensemble des moyens entre les mains pour entamer l'étude du dossier. Les durées d'instruction seront donc plus homogènes et se réduiront", se satisfait Gwénaëlle Huet, présidente de la Commission éolienne du SER.
Les opposants à l'éolien veulent une "réflexion nouvelle"
Reçues par le secrétaire d'Etat Sébastien Lecornu le 8 février, les associations opposées au développement de l'éolien terrestre seront désormais associées aux réflexions en cours. Même si elles restent opposées à la poursuite du programme éolien dans les conditions actuelles, elles ont d'ores et déjà fait une liste de propositions :
- Elaboration d'une planification opposable des zones d'implantation d'éoliennes qui se substitue à "l'anarchie actuelle" et de mesures d'information effectives et préalables des riverains.
- Concertation au niveau nationalet local, par exemple au sein des Commissions Départementales de la Nature, des Paysages et des Sites dont elles sont souvent exclues.
- Réalisation d'un audit "complet et indépendant" de l'incidence de la filière éolienne sur les finances publiques, sur la production électrique, sur les biens des riverains et sur l'activité touristique locale.
Modification du dossier d'autorisation
Le décret prévoit également une modification du code de l'environnement pour ajuster le dossier de demande d'autorisation. Il est prévu une suppression de l'obligation de transmettre les éléments justifiant la constitution effective des capacités techniques et financières au plus tard à la mise en service de l'installation. "Cette mesure ne s'appliquera pas qu'aux éoliennes mais elle sera particulièrement impactante pour celles-ci", commente le ministère. Cette disposition est en effet une source de contentieux important et d'insécurité juridique. Dans l'éolien, il est courant de créer une société de projet, portée par une société-mère qui lui met à disposition ses capacités financières lorsqu'elle en a besoin et pas forcément lors de la demande d'autorisation, comme l'exige l'actuelle réglementation.
Le décret prévoit aussi de ne demander que le montant des garanties financières attendues, et non plus leur nature et leurs délais de constitution et de ne pas demander la conformité aux documents d'urbanisme quand ceux-ci sont en cours de modification.
Le cas complexe des radars militaires
Dans le cadre du groupe de travail, la question des contraintes spatiales liées aux radars militaires a été abordée. Le gouvernement a acté pour limiter le veto de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) dans un périmètre de 16 km autour de leur radar au lieu des 30 km actuels. Le projet de décret modifie donc le code de l'environnement pour restreindre les cas où l'avis conforme de la DGAC est nécessaire et fait référence à un futur arrêté pour fixer les périmètres.
Mais la question est loin d'être réglée : "C'est le sujet le plus complexe. Les contraintes spatiales sont nombreuses et se superposent : radar militaire, plafond aéronautique en fonction des régions.... Résultat, 50% du territoire national est interdit comme en Bretagne ou dans la région Grand-Est. C'est le prochain sujet sur lequel il faut continuer à travailler en faisant converger les acteurs", estime Pauline Le Bertre.
Alléger les procédures en cas de modifications d'un parc
Le projet de décret prévoit de modifier le code de l'urbanisme pour permettre d'éviter une double procédure de modification de l'autorisation environnementale et de permis de construire lors de la modification d'un parc autorisé sous l'ancien régime ICPE. La mesure est simplificatrice mais elle ne s'attaque pas encore aux situations de repowering. Pour l'instant, le Gouvernement prépare une note aux services instructeurs pour qu'ils appréhendent les dossiers et qu'ils jugent de l'importance des évolutions demandées.
Mais là aussi, il faut aller plus loin : "Le sujet est identifié par l'Etat, c'est bien. Mais unenote d'instruction n'a pas de force juridique et il serait préférable de modifier la loi pour y inscrire ces améliorations. Il faut également créer une procédure d'autorisation allégée pour les cas où le repowering serait jugé substantiel et donc considéré comme un nouveau projet. Nous n'avons pas encore de réponse à ce sujet", explique Gwénaëlle Huet, présidente de la Commission éolienne du SER. La filière éolienne demande une procédure ad hoc en lieu et place de la procédure de création de parc actuelle qui prend 7 à 10 ans. "Il faut de la souplesse car c'est du cas par cas. Il ne faut pas rater l'opportunité d'un repowering qui peut permettre à des parcs de produire plus tout en réduisant leur impact", complète Pauline Le Bertre de FEE.
Le décret est en consultation jusqu'au 8 mars prochain. D'autres mesures annoncées par Sébastien Lecornu vont devoir se traduire dans les faits. Le passage d'un balisage clignotant à un balisage fixe doit faire l'objet d'un arrêté. La meilleure répartition de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER) collectivités accueillant les parcs devra être inscrite dans une loi de finances.