Faut-il compter sur la capture, le stockage et la réutilisation du CO2 (CCUS) pour décarboner l'industrie comme le prévoient le Gouvernement dans sa stratégie publiée en juin dernier et les grands groupes dans leurs récentes feuilles de route ? Sollicité par la Première ministre en septembre, le Haut Conseil pour le climat (HCC) a rendu, jeudi 30 novembre, un avis mitigé. En effet, si son étude confirme que ces technologies pourront constituer des leviers intéressants dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) de la France à l'horizon 2050, elle alerte sur des projections à plus court terme, qui seraient, quant à elles, largement prématurées. « Le potentiel visé par la stratégie CCUS du Gouvernement de capter 4 à 8 millions de tonnes de CO2 par an à l'horizon 2030 apparaît ambitieux, alors que le potentiel visé de capter 15 à 20 millions de tonnes de CO2 par an à l'horizon 2050 est cohérent avec les connaissances disponibles », souligne l'instance consultative.
Des degrés de maturité différents
Pour ses rapporteurs, ces outils rencontrent en effet un certain nombre de limites. D'abord, ils présentent des maturités variables qui imposeront des délais de mise en œuvre. Ainsi, les technologies de captage appliquées à l'exploitation des hydrocarbures, pétrole et gaz, sont certes déjà développées. Les professionnels savent aussi transporter le CO2, récupéré par canalisation, rail, camion ou navire, et le stocker en site géologique terrestre ou en mer. Mais le captage et le stockage appliqués à la biomasse (Bio énergie avec CCS ou BECCS) et la capture directe du CO2 dans l'atmosphère (Direct air CCS ou DACCS) semblent, en revanche, encore loin d'être opérationnels.
Un recours limité à prévoir
Quant à la valorisation du CO2 dans le cadre du CCUS, « elle est marginale aujourd'hui, et répond davantage à des considérations de diversification des chaînes d'approvisionnement en matières premières des industries concernées par ces débouchés, qu'à un impératif climatique », juge le Haut Conseil pour le climat. Les sites de stockage potentiels, leur nombre et les volumes disponibles sont par ailleurs difficilement quantifiables. Si leur total est en progression dans le monde, on ne compte à l'heure actuelle que 37 sites réellement opérationnels. « Ce qui reste modeste en comparaison avec les projections des scénarios de décarbonation », observent les rapporteurs. Enfin, l'absence d'un cadre réglementaire rigoureux maintient les incertitudes sur la comptabilité carbone du CCUS, les responsabilités des parties prenantes et les stratégies d'investissement.
Le recours à ces outils doit donc bien être réservé en priorité aux usages industriels visant à la réduction des émissions résiduelles qui ne peuvent être supprimées à la source, dans la fabrication de ciment par exemple, en complément des actions de sobriété et d'efficacité énergétique, conclut le rapport. Le HCC recommande de diviser par deux les ambitions pour 2030, en visant plutôt un potentiel entre 2 à 4 millions de tonnes de CO2 par an. Les solutions alternatives, comme l'usage de l'hydrogène vert, restent à privilégier, ainsi que la conservation et l'accroissement des puits de carbone naturels des forêts et des sols.
Des études, des retours d'expérience complémentaires seront en outre nécessaires pour établir les limites et le potentiel effectif de ces technologies, leurs impacts sur les ressources, le potentiel de stockage en France. Les rapporteurs conseillent ainsi de flécher les financements vers la R&D en priorité. Enfin, ils estiment nécessaire de clarifier le cadre réglementaire et le régime de responsabilité des projets.